PORTRAIT
Daniel Soupe, les racines de l’innovation

Daniel Soupe fait partie des quinze nominés du concours Artinov*. Pépiniériste de génie, novateur et passionné, reconnu dans la France entière… il est notamment plébiscité pour son procédé de revitalisation des sols. Rencontre.
Daniel Soupe, les racines de l’innovation

Daniel Soupe est fils d'agriculteur. « C'est mon père qui m'a initié à l'innovation, à toujours trouver quelque chose de mieux, de plus performant... Il était en permanence à la recherche de l'excellence. J'étais baigné dans les idées. J'étais destiné à reprendre la ferme familiale, mais je ne voyais pas l'avenir très optimiste en agriculture. C'est l'opportunité qui a fait que je suis venu dans le métier », explique-t-il. Son premier métier sera puisatier, avant d'être sollicité par un paysagiste. « Tout de suite j'ai eu le déclic. J'avais trouvé ma voie. Faire pousser des arbres, ça c'est un métier de paysan », ajoute-t-il avec une lueur dans l'œil qui en dit long. Et de poursuivre : « j'ai été embauché chez Falconnet, une grande pépinière reconnue au niveau national. J'avais 22 ans. Et là j'ai appris le métier. Je suis resté un an puis je suis parti faire des stages un peu partout, dans le midi, en Suisse... où j'ai appris beaucoup et je me suis passionné. J'ai tout appris sur le tas ; à semer les graines, à faire pousser les arbres, à greffer ».

Les formes naturelles, une évidence

En 1975, il creé sa société, à Châtillon-sur-Chalaronne. « Je suis parti sur des espèces sauvages en priorité et des espèces botaniques, mais toujours en formes naturelles. A l'époque, les architectes paysagistes ne connaissaient pas ces formes ; ils attendaient qu'on leur propose d'autres variétés, de nouvelles formes, pour amener de l'innovation et plus de diversité variétale. J'avais une idée bien précise : trouver des espèces indigènes et faire rentrer la nature en ville ». Au fil des ans, Daniel Soupe développe avec passion les formes naturelles. Ses espèces de prédilection : la charmille, l'érable champêtre, le tilleul des bois, le cornouiller... et tant d'autres ! « Planter une charmille comme plante phare dans un jardin, ça ne s'était jamais fait. Alors qu'une charmille, c'est une véritable œuvre d'art « en cépée » Aujourd'hui, près de 30 % des aménagements se font avec des formes naturelles. Ma ligne directrice a toujours été de produire ce que les autres ne voulaient ou ne pouvaient pas produire. A la pépinière, on est hors norme », ajoute-t-il.


* Le concours Artinov est organisé par la chambre de métiers et d'artisanat de l'Ain. Il récompense chaque année 4 entreprises innovantes. La remise des prix aura lieu ce 26 novembre à l'Amphi à Bourg-en-Bresse.

Patricia Flochon

La bio-dynamisation pour l’auto-fertilisation des sols

Daniel Soupe a développé un procédé unique en son genre : la bio-dynamisation contrôlée. L’idée a germé en observant des arbres plantés dans de mauvaises conditions ou à contrario dans de « trop bonnes conditions ». En quoi des conditions peuvent-elles être trop bonnes ? Il explique : « lorsque l’arbre est planté dans une fosse trop grande, le confort n’incite pas à l’effort et l’arbre dépérit. A trop vouloir lui donner du confort, cela empêche les racines d’aller prospecter plus loin. J’ai donc pensé : il faut libérer l’arbre et ses racines du carcan dans lequel il est planté. Mais encore faut-il en avoir les moyens techniques ». Il contacte alors le laboratoire Agronutrition de Toulouse spécialisé dans les analyses microbiologiques et la sélection des bactéries. Daniel Soupe travaille avec ce laboratoire depuis dix ans en recherche et depuis cinq ans en développement. L’objectif va être de recréer un milieu favorable, en seulement quelques mois, en sélectionnant des bactéries utiles à la plante, les multiplier et les réintroduire dans le sol en grande quantité en y ajoutant du carbone sous forme de BRF (bois raméal fragmenté), des copeaux, broyats forestiers…. La combinaison « sur mesure » de ces différents éléments conduit à une forme d’auto-fertilisation du sol puisque les bactéries isolées, cultivées et réintroduites sont indigènes à la plantation. « Il ne s’agit pas d’utiliser des bactéries issues d’un autre endroit mais bien de travailler avec l’existant. Si un sol est vraiment trop pauvre, on va chercher des bactéries dans le milieu environnant et on apporte du carbone en masse. Celui-ci sert au développement des micro-organismes qui le consomme le temps que les racines se développent et prennent le relai. Dans le milieu naturel, les bactéries se développent grâce aux sucs qu’émettent les racines des arbres et c’est l’osmose parfaite. On évaluera également la présence de mycorhizes afin d’en rajouter si nécessaire », ajoute Daniel Soupe.
Avant bio-dynamisation.Après bio-dynamisation.

D’importantes économies à la clé
Le service Rhizosol proposé par l’entreprise permet de concilier des impératifs écologiques et économiques. D’un point de vue économique, la bio-dynamisation conduit à la réduction des travaux de terrassement, des travaux de décapage, des évacuations en décharge, des apports en terre végétale et la diminution, voire la suppression, des apports d’engrais chimiques ou de fumure organique enrichie. L’entreprise propose un « pack » facturé
2 500 € (compter 3 500 € avec la mise en place) comprenant les prélèvements, analyse, sélection et multiplication des bactéries et la livraison. Soit cinq litres de bactéries pour traiter 60 arbres en moyenne et de 200 à 300 arbustes. Selon Daniel Soupe : « les bactéries vont permettre une économie en moyenne de 500 m3 de terre végétale et 500 m3 de mauvaise terre à évacuer, soit une économie totale de 25 000 € ». Une solution particulièrement intéressante pour les collectivités.

Patricia Flochon