SYNDICALISME
Adrien Bourlez, réélu président de la FDSEA

Margaux Legras-Maillet
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Le Conseil d’administration de la FDSEA s’est réuni mercredi 24 mai à la Maison de l’agriculture à Bourg-en-Bresse. Décapitalisation du cheptel bovin, faible revenu des agriculteurs et saison culturale étaient au menu de cette session élective. 

Adrien Bourlez, réélu président de la FDSEA
Adrien Bourlez a été réélu à l’unanimité à la présidence de la FDSEA. Gilles Brenon cède en revanche sa place de secrétaire général à Jérôme Martin et est élu vice-président. Photo/MLM

Réélu à l’unanimité mercredi dernier, Adrien Bourlez sait déjà qu’il n’ira pas au bout de son mandat de trois ans. En réalité, le président sortant prépare sa succession : « Je suis candidat encore pour quelques semaines ou quelques mois. Un projet personnel se prépare pour moi. » Un choix orienté par la nécessité d’accueillir Sandra Goyon à la direction du syndicat dans une certaine stabilité avec les élus. Il s’agit aussi de préparer l’avenir et les élections à la Chambre d’agriculture à échéance 2025. 
 
Un nouveau bureau syndical 
 
D’autant plus que le bureau affiche quelques autres changements pour cette nouvelle mandature. Gilles Brenon laisse sa place de secrétaire général pour se consacrer à d’autres projets. Il reste toutefois élu en tant que vice-président avec Michel Joux. Irrigant et producteur de céréales à Loyettes dans la Plaine de l’Ain, Jérôme Martin lui succède en tant que co-secrétaire général, au côté de Jonathan Janichon, éleveur à Sulignat dans la Dombes. Et Jérôme Martin de souligner : « Aujourd’hui nous sommes soudés sur le département, aussi bien sur les territoires que sur les productions. » Les secrétaires-généraux adjoints resteront quant à eux inchangés, à savoir Alexandre Despras, Philippe Mellet et David Lafont. Cinq membres formeront également le nouveau bureau FDSEA : Thierry Thénoz, éleveur de porcs à Lescheroux, Jean-Christophe Paquelet, éleveur de canards à Châtenay, Florian Barge, céréalier à Saint-Vulbas, Julien Bertrand, en grandes cultures à Montluel, et Gérald Guillot en polyculture-élevage à Simandre-sur-Suran.
 
La hausse des prix face à des revenus bas fustigée
 
Plusieurs sujets sont déjà sur le feu pour la nouvelle mandature. Parmi eux, l’inflation galopante, adjointe à un « manque » de rémunération des agriculteurs. Les prix augmentent pour le consommateur, mais les producteurs estiment ne pas ressentir la hausse sur leur revenu. Les syndicats pointent du doigt les maillons intermédiaires, avec en ligne de mire les marges des hypermarchés et enseignes de la grande distribution. « On craignait une baisse du prix des matières premières agricoles. On est en plein dedans et on se retrouve avec un effet ciseau donc j’espère que la météo nous aidera à faire du rendement. À cela s’ajoute des comportements de marchés compliqués avec des GMS qui importent pour trouver du prix avec des méthodes un peu cavalières », a rappelé Adrien Bourlez en préambule. 
La section bovine de la FRSEA avait ainsi appelé à manifester le 9 mai dernier sur le site du Carrefour d’Écully (69). Les élus syndicaux, dont plusieurs de l’Ain, avaient alors arpenté les rayons du magasin et traqué la viande étrangère et les produits démesurément bradés. « La section régionale travaille le sujet depuis un moment, a rappelé Jonathan Janichon, président de la section départementale. Nous avons entamé une action rapide mais nous aurions pu emmener toutes les sections avec nous car toutes les productions sont concernées par la hausse des importations. » 
L’éleveur dénonce cette concurrence qu’il juge déloyale pour les agriculteurs français. Entre 2021 et 2022, les importations françaises de viandes bovines réfrigérées et congelées ont bondi de 22 % en volume, selon un rapport de l’Idele. Une recrudescence en partie due au « manque de disponibilité en France ». Les exportations quant à elles se maintiennent mais ne suffisent pas pour atteindre un solde de la balance extérieure positif. Si la consommation de viande a baissé ces dix dernières années, elle est relativement stable depuis 2020. En revanche, la part de viande bovine importée consommée ne cesse de croître et est passée de 21 à 26 % entre 2021 et 2022. « Aujourd’hui, nous ne sommes plus en capacité de produire ce que l’on mange », regrette Jonathan Janichon. 
 
Les élus dénoncent les « attaques anti-viande » de l’État
 
L’élu syndical fustige aujourd’hui une certaine « démagogie médiatique », selon laquelle la viande française serait plus chère que la viande d’importation et donc moins accessible au consommateur. Certes les cotations françaises des vaches 0 en 2022 supplantent les cotations irlandaises, polonaises et allemandes, mais ce n’est pas le cas pour les cotations françaises du JB R qui se trouvent à l’équilibre en 2022 par rapport aux autres cotations européennes. 
Un rapport de la Cour des comptes sur le poids de l’élevage dans l’émission de gaz à effet de serre, paru le 22 mai dernier a fini d’exaspérer les élus syndicaux. Selon ledit rapport, il n’est pas possible d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050 sans réduire le cheptel bovin, principal émetteur de méthane en France (87 % des 65 % d’émissions dues à l’agriculture). « D’ici 2050, il faudra réduire le cheptel à près de 13 millions de têtes. Aujourd’hui on nous emmène sur une solution unique qui est la suppression de l’élevage plutôt que de travailler à des solutions techniques », s’est indigné Jonathan Janichon en conseil d’administration, dénonçant des « attaques anti-viande ». « Je trouve quand-même bizarre que la même semaine la Cour des comptes sorte un rapport de 140 pages sur le sujet et que Bruno Le Maire face la promotion des steacks végétalisés sur son compte Twitter ! », a-t-il ajouté en référence à un tweet du ministre du 17 mai : « Le saviez-vous ? 100 g de protéines végétales génèrent 60 à 90 % de gaz à effet de serre en moins que 100 g de protéines animales. » 
 
Une autre mobilisation annoncée 
 
Face à ces « attaques anti-viande » et au succès de la dernière mobilisation, les Jeunes agriculteurs de l’Ain annoncent qu’une nouvelle manifestation pourrait avoir lieu prochainement. « Le but, c’est de maintenir la pression sur les GMS, et d’expliquer auprès du consommateur que l’inflation n’est pas liée à l’agriculteur », a précisé Justin Chatard, président des Jeunes agriculteurs de l’Ain et membre invité du conseil d’administration.
Face à un effet ciseau de plus en plus marqué, les agriculteurs placent aujourd’hui leurs espoirs sur la saison culturale. Après un hiver sec, les pluies de ce printemps n’ont toutefois pas permis aux nappes de se réapprovisionner suffisamment en eau et laissent craindre le pire en cas de sécheresse et de restriction d’usage de l’eau. « Le niveau des nappes n’est pas super encourageant pour les mois à venir, en plus la saison culturale est tardive, contrairement à l’année dernière », a souligné Jérôme Martin, président de la section irrigation. Et Adrien Bourlez d’ajouter : « Je suis effrayé de la pression médiatique. Il n’y a aucun pragmatisme ni d’intérêt général sur le sujet de l’eau. On met l’eau au même niveau que la guerre en Ukraine alors que de l’eau il y en a. On est sociétalement dogmatisé à la perfusion médiatique et ça va jusqu’aux arrêtés préfectoraux. Ils sont orientés à 70 – 80 % par les médias. S’il y a un impact médiatique, il y a un impact administratif. On ne fait pas la différence entre l’eau sale, l’eau potable, l’eau brune, l’eau de source … On n’en parle pas… » Jonathan Janichon a toutefois salué le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau de mars dernier. Parmi les 53 mesures du plan, l’État prévoit d’améliorer le stockage de l’eau dans les sols, les nappes et les ouvrages. Un fonds d’investissement hydraulique agricole devrait être abondé à hauteur de 30 M€ par an en ce sens.
 
Le plan Ecophyto 2030 inquiète
 
Parmi les autres sujets abordés, Florian Barge a interpellé le Conseil d’administration sur le plan Ecophyto 2030, annoncé par Elisabeth Borne en début d’année : « En Europe, 350 molécules sont aurotisées, seulement 250 en France, et sur celles-ci 75 risques de ne plus être autorisées d’ici deux ans. Elles concernent pour la plupart des désherbants colza, soja, blé, etc. Pour l’instant il n’y a pas de solution de remplacement et donc on n’aura plus rien pour produire. » 

Un GFAM pour conserver le foncier agricole

C’est l’un des fers de lance de la FDSEA. Le syndicat, a récemment créé un Groupement foncier agricole mutuel. Son objectif : permettre de mutualiser les capitaux nécessaires au rachat de fonciers agricoles mis en vente afin d’en garantir l’usage agricole et de permettre à des agriculteurs intéressés de les exploiter sans à avoir à les acheter. De quoi faciliter l’installation des jeunes agriculteurs pour la FDSEA. Les fonds amassés proviennent de souscripteurs volontaires et les terrains en propriété du GFAM seront ainsi mis à bail long terme à des fermiers locaux. 
 
Faciliter l’installation des jeunes agriculteurs 

La Safer de l’Ain s’est engagée à proposer en priorité les fonciers mis en vente transitant par ses services au GFAM. Afin de maximiser ses chances d’acquérir du foncier rapidement, la FDSEA a fait le choix d’instaurer une liste d’attente de souscripteurs perpétuelle. « Notre priorité, c’est le nombre de souscripteurs et non leur valeur, insiste Adrien Bourlez. Il appartiendra au comité de gouvernance du GFAM de privilégier des personnes du milieu agricole (exploitant, salarié, coopérative, etc.). Il est certain que si la pétrochimie commence à vouloir investir dans du terrain agricole par le biais du GFAM, nous aviserons. » À noter que les souscripteurs ne peuvent être que des personnes physiques. 
Dans le cadre d’une future installation, après transmission par exemple, plusieurs formules de bail entre le GFAM et le futur installé doivent encore être trouvées (vente d’herbe, convention de mise à disposition du foncier par la Safer, etc.). Adrien Bourlez est toutefois clair à ce sujet, il n’est pas question de « figer le foncier » avec le cédant, et « nous travaillons pour que le bail soit en priorité signé avec le futur installé ».
Un premier terrain de quelque 26 ha pour une valeur d’environ 109 000 €, sur la commune de Saint-Jean-de-Thurigneux, est déjà sur la liste des parcellaires brigués par le GFAM. Un appel à souscripteurs de parts sociales a été lancé, auquel 17 volontaires ont déjà répondu. Un premier projet qui permettra de finaliser les statuts du GFAM.