CHASSE
En 2022, les dégâts de gibiers se chiffrent à plus d’un million d’euros
La fédération départementale de la chasse a tenu son assemblée générale samedi 30 avril à Ainterexpo à Bourg-en-Bresse. Dégâts de gibier, prédation du loup, accidents de chasse … le président Gontran Bénier a également présenté les chiffres de la saison 2021-2022.
Alors que le groupe Écologiste a récemment fait une proposition de loi sur l’interdiction de chasser le dimanche, le président de la fédération départementale, Gontran Bénier a dénoncé « l’antichasse » dès le début de son rapport moral. « Cela devient un sujet politique. Un article, un objectif : détruire la chasse populaire. Une vue d’esprit dangereuse d’une certaine classe politique ! »
Les accidents de chasse, un sujet toujours clivant
Face au sentiment de subir un acharnement médiatique et sociétal, le président s’est également exprimé sur la mortalité liée à la chasse : « Ce sont les chasseurs eux-mêmes qui ont réussi à diviser par quatre le nombre d’accidents en vingt ans et même par cinq pour les mortels. Sur leurs propres deniers. » Un poil sur la défensive, Gontran Bénier a ainsi fustigé la proposition de loi « Améliorer la sécurité de la pratique de la chasse » du 1er février, portée par le sénateur aindinois Patrick Chaize. « Le 9 janvier sortait le Plan de sécurité à la chasse 2023, et sans que je ne puisse me l’expliquer, une proposition de loi a été déposée tout de suite après, sans aucune concertation avec nos instances », a déploré le président. Ce n’est pas la première fois que le parlementaire s’attire les foudres des chasseurs du département. En novembre dernier, dans une interview accordée à la Voix de l’Ain, il avait estimé que « si les chasseurs ne se remettent pas en cause, il n’y aura plus de chasse d’en dix ans. » Malgré son absence à l’assemblée, ses propos ont tout de même fait réagir le président de la fédération régionale et premier vice-président de la fédération nationale Gérard Aubret : « Je ne comprends pas qu’il ait pu tenir des propos pareils… »
L’agrainage non-autorisé sera sanctionné
Les dégâts de gibier ont aussi mauvaise presse, et le sanglier est aujourd’hui devenue la « bête noire » du département. Avec moins de dégâts recensés sur la saison 2020-2021, la fédération craignait un regain en 2022. « Je vous le confirme, on a dépassé le million d’euros », a ainsi lâché Gontran Bénier. Au total, 836 dossiers de dégâts ont été déposés. Sur la saison dernière, 242 000 € ont été pris en charge par l’État, mais pour le président, les « dégâts sont encore trop nombreux ». Le cours des céréales, en forte hausse depuis le début de la guerre en Ukraine, a largement contribué à alourdir la facture, mais le sanglier est aussi fortement visé.
L’espèce se multiplie à une vitesse folle, à raison de trois voire quatre portées par année. « Pour donner un ordre d’idée, quand moi j’ai eu mon permis en 1989, il y avait 15 000 chasseurs dans l’Ain pour un millier de sangliers. » Sur la saison 2020-2021, 7 434 sangliers ont été prélevés sur le département.
Le président a aussi pointé du doigt l’agrainage sauvage, pratiqué sans autorisation. Si la fédération se voulait plutôt indulgente avec ces chasseurs jugés peu scrupuleux, cela ne sera désormais plus le cas à l’avenir. « L’agrainage nécessite une autorisation. Certains s’en affranchissent sans aucune poursuite. Ce sera différent l’année prochaine », a-t-il assuré. Un avertissement qui devrait soulager les détracteurs du nourrissage des sangliers, avec en première ligne le monde agricole. De son côté, Sébastien Viénot, directeur de la DDT, a assuré que des contrôles seraient menés, mais que l’agrainage pouvait être vertueux si bien réalisé.
La prédation du loup suscite aussi la grogne des chasseurs
Le loup a lui aussi délié les langues à la tribune. « Au moins sept cervidés ont été tués et en partie consommés sur Divonne-les-Bains à proximité des habitations depuis le début de l’année, soit sur une seule commune et en quatre mois », a exposé Gontran Bénier. Problème, les attaques de loup ont tendance à disperser les hardes, selon le président. « Leur nombre est sous-évalué et la méthode de comptage est complètement obsolète. Elle doit être modifiée », a-t-il scandé en dénonçant un principe de précaution poussé à son paroxysme : « Nous attendons que le cheptel soit touché sous peine qu’il soit trop tard. Arrêtons de comparer l’Ain et le Rhône au parc de Yellowstone. »
En charge du dossier chasse à la fédération nationale, Gérard Aubret a fait aveu d’un constat d’échec : « J’ai constaté que depuis presque dix ans, quasiment rien n’avait été fait, si ce n’est pratiquer la politique de la chaise vide, se mettre à dos les ministères ou servir ses propres intérêts. » Depuis leur réintroduction, l’élu syndical estime les dégâts liés à la prédation du loup à 66 M€, près de 10 M€ pour l’ours. Parmi les nombreuses propositions, Gérard Aubret a souhaité faire simplifier le tir de renforcement, et d’admettre : « Je n’y arrive pas. »
Michel Joux, éleveur de moutons dans le Bugey et président de la Chambre d’agriculture, n’a lui pas mâché ses mots : « Il faut que l’on puisse réguler le loup, il faut qu’on puisse cabosser du loup lorsqu’il devient déviant et qu’il attaque des élevages domestiques. » À ce sujet, Philippe Meunier est jusqu’à aller remettre en question la Convention de Berne. « La convention a été signée mais les conventions se modifient. L’année prochaine, il y a les élections européennes. Il faut trouver une solution qui permette de réguler le loup. Nos ancêtres l’ont chassé, ce n’est pas par plaisir. Il tue la biodiversité, l’élevage et le pastoralisme parce que les bergers ne veulent plus monter en pâturage ! » Sébastien Viénot a quant à lui temporisé pour parler de « recherche d’équilibre » avec une espèce toujours éminemment protégée.
Révision du schéma départemental de chasse
Autre vaste sujet abordé, la révision du schéma départemental de chasse qui aura lieu cette année. La réécriture débutera dans quelques semaines et s’appuiera entre autres sur l’estimation des dégâts de gibiers et le maintien de la sécurité.
De manière générale pour la saison dernière, aucun des quotas attribués par l’arrêté préfectoral n’a été atteint, que ce soit pour les chevreuils, les cerfs ou les chamois. À noter toutefois que sur le petit gibier, 54 % des unités de gestion (UG) du territoire n’ont pas fourni les bilans nécessaires au comptage. Et Gontran Bénier de rappeler : « Il va falloir faire un effort, parce que nous avons besoin de chiffres. » Même constat pour les carnets bécasse, pourtant faciles à remplir sur l’application ChassAdapt. Alors que le reclassement des espèces en ESOD* aura également lieu cette année, le président de la fédération incite les chasseurs à bien faire remonter les bilans au niveau local. D’autant plus que, face à la montée croissante du nombre de renards et de ragondins sur le département selon les acteurs du territoire, le Département a dû plafonner le montant d’indemnisation des queues de renards, pour un budget total de 86 000 €, ce qui ne suffira pas à tout indemniser selon Jean-Yves Flochon, vice-président au Conseil départemental.
*Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts
Un nouveau siège sortira bientôt de terre
Avec une teneur plus positive que le reste de l’assemblée, Gontran Bénier a également évoqué le projet de nouveaux locaux à l’horizon 2024. Le principe avait été validé à plus de 90 % en assemblée l’année dernière. Le futur siège de la fédération verra le jour à Pont-d’Ain, près de la sortie d’autoroute. Vieillissant, mal placé pour les livraisons car en plein centre-ville, avec un espace de stockage limité et dans un bâtiment peu pensé pour l’accueil des adhérents, le siège actuel, situé rue du 4 septembre à Bourg-en-Bresse ne répondait plus aux besoins de la fédération.
Grand parking, bureaux, chambre froide, espace de stockage (grilles, panneaux, bracelets, etc.) … les lieux ont été imaginés sur mesure, puisque le bâtiment n’est pas encore sorti de terre. Petit bémol, la grande salle de réunion ne sera pas suffisamment spacieuse pour accueillir les assemblées générales. La faute à des devis trop mirobolants dans un contexte inflationniste. Elle sera donc destinée aux formations des adhérents. Le toit, dont une partie sera en terrasse, portera également une centrale photovoltaïque, pensée pour alimenter le bâtiment en énergie. Un maximum de bois sera aussi intégré aux murs, le tout pour être en phase avec des enjeux de réchauffement climatique.
Au total, un projet à plus de 2,7 millions d’euros (M€), essentiellement autofinancé sur cinq ans, dont 1 M€ d’emprunt. Des chiffres qui peuvent donner le tournis, mais selon Carole Teste-Tanzilli, trésorière, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, avec l’équivalent d’un an d’avance de trésorerie et des besoins d’autofinancement inférieurs à la trésorerie disponible. Philippe Meunier, a également annoncé le soutien de la Région sur ce projet. Celui-ci a été majoritairement accepté par les adhérents présents, de même que la vente des locaux actuels, indispensable pour le financement du futur siège. Le début des travaux est prévu pour octobre 2023.