PASTORALISME
Les collectifs pastoraux ouvrent de nouvelles perspectives
Retour sur l’assemblée générale de la Sema (Société d’économie montagnarde de l’Ain) le 24 avril à Thoiry. A l’ordre du jour : l’accompagnement des travaux pastoraux, les plans pastoraux territoriaux et collectifs pastoraux, la situation du loup dans l’Ain, et les actions de sensibilisation des publics.
C’est à Thoiry, à l’auberge du Pré Velard, que la Sema a tenu son assemblée générale mercredi 24 avril. Une assemblée orchestrée par Lionel Manos*, élu nouveau président à l’automne dernier, suite au départ d’Adrien Bourlez, qui aura activement œuvré pour le pastoralisme à la tête de la Sema durant sept ans et notamment été à l’initiative de l’émergence des collectifs pastoraux. Collectifs, dont Lionel Manos, n’a pas manqué de rappeler la pertinence : « 2023 a été marquée par la mise en place de quatre nouvelles structures collectives sur notre département qui regroupent près de 40 exploitations agricoles. Ces collectifs pastoraux sont des lieux d’échange privilégiés sur les territoires et permettent de mutualiser les connaissances et la réalisation d’aménagements pastoraux. Cela ouvre ainsi à un plus grand nombre d’éleveurs la possibilité de bénéficier de soutiens financiers dans le cadre des Plans pastoraux territoriaux. » Leurs noms : le collectif pastoral du Revermont, qui regroupe sept exploitations, celui des Rives de l’Ain (sept exploitations également), le collectif pastoral du Mollard de Don : 15 exploitations membres, et celui de Val’Retord : dix exploitations.
Plans pastoraux territoriaux : 209 513 € de subventions pour 7 projets
Et Lionel Manos d’insister : « Les plans pastoraux territoriaux ont beaucoup de sens. Il était temps qu’ils soient mis en place. » Pour rappel, la politique pastorale régionale a évolué en lien avec la nouvelle Pac 2023-2027. Les deux plans pastoraux de l’Ain sont désormais concernés par deux mesures : « Améliorer les conditions des éleveurs en espace pastoral » (mesure 207) et « Déployer une stratégie locale de développement » (mesure T01). A la clé, l’obtention de 209 513 € de subventions pour sept projets soutenus dans le cadre des PPT de l’Ain dont, à titre d’exemple, celui de l’alpage de la Maréchaude et de la Grande Montagne (réfection de la toiture du chalet de la Grande Montagne qui permet de stocker l’eau dans deux citernes et agrandissement du goya du Névy), l’alpage des Platières à Mijoux (réfection de l’accès, pose d’un parc de contention, ajout d’un bac d’abreuvement et pose d’une clôture fixe), ou encore les alpages du Sorgia et du Sac (création d’un goya de 350 m3).
Prédation : le loup se reproduit et se sédentarise dans l’Ain
Une dynamique de développement entachée par les attaques de loups qui se multiplient de manière exponentielle. « L’expansion des grands prédateurs sur les territoires fragilise les activités pastorales et génère de nouvelles sources de tensions sur ces espaces. En 2023, la présence du loup s’est accentuée avec la première meute avérée au nord du département de l’Ain », rappelle Lionel Manos. Présentée lors de l’assemblée générale, la présence du loup dans l’Ain est plus qu’inquiétante. Depuis 2022, le Massif du Jura fait face à une recrudescence d’attaques, tant sur les ovins que sur les bovins. Et la Sema de préciser : « Alors que le loup était présent de manière passagère depuis 2019, cette année 2023 a été marquée par le premier cas de reproduction du loup sur le territoire. Une première meute est présente sur la Haute-Chaîne du Jura, constituée d’un couple reproducteur et de quatre louveteaux. Deux autres loups mâles ont été identifiés sur la Haute-Chaîne. Une zone de présence est à confirmer sur le secteur du plateau d’Hauteville. » Dans l’Ain, au total, 21 attaques de loups ont été constatées en 2023, sur treize exploitations : 38 ovins tués, 17 ovins blessés et quatre bovins tués. Dans le même temps, 14 attaques étaient imputées au lynx, sur dix exploitations (19 ovins et 3 caprins tués).
Création d’une cellule professionnelle prédation
Créée en juin 2023, une cellule professionnelle prédation vise à « coordonner les organismes agricoles pour mettre en place des actions communes concrètes, apporter des réponses adaptées pour accompagner les éleveurs et défendre leurs intérêts ». Elle est composée de la Sema, la Chambre d’agriculture de l’Ain, le Syndicat ovin, la FDSEA, les Jeunes agriculteurs, en lien avec la fédération de la chasse. Interrogé sur la question, Jean Royer, chef de service Protection et gestion de l’environnement à la DDT, répond : « Les préfets sont personnellement mobilisés sur ce sujet. La sous-préfète de Nantua a également été désignée « référente loup ». Un dispositif sans précédent a été mis en place cette année dans l’Ain avec les louvetiers et la brigade mobile d’intervention grands prédateurs. » Des annonces qui ne satisfont pas une profession agricole véritablement à cran, ressenti légitime au vu du traumatisme subi tant par les éleveurs que par les animaux lors des attaques, quand ils ne sont pas égorgés ou éventrés, retrouvés parfois vivants au pré entrailles à l’air et qu’il faut euthanasier dans l’urgence.
* Eleveur laitier sur la commune d’Arandas (Gaec des Perce Neige), Lionel Manos est également élu à la Chambre d’agriculture et maire de sa commune.
Patricia Flochon
En bref…
Une nouvelle signalétique pastorale
Chiens non tenus en laisse, distances de sécurité avec les animaux non respectées, barrières ouvertes, stationnement dans les pâturages… alors que la montagne est un outil de travail indispensable aux éleveurs, elle est pour d’autres un espace de détente et de loisirs, donnant lieu encore trop souvent à des situations d’incompréhension. Depuis 2019 la Sema développe une signalétique spécifique adaptée au territoire, issue d’un travail initié par le CIP-CRPGE, service pastoral des Hautes-Pyrénées, pour mieux accompagner les activités récréatives en espace pastoral : panneaux sensibilisant aux bons comportements, et informant le public des enjeux liés au pastoralisme. Proposés initialement aux éleveurs, propriétaires, structures collectives et aux communes, ces panneaux sont aujourd’hui également mis à disposition des EPCI, compétents en matière de tourisme. Au total, 342 panneaux ont été installés (ou en cours d’installation) sur les espaces pastoraux de l’Ain.
Pasto Kézako, conseils et bonnes pratiques pour partager la montagne
En 2023, le réseau pastoral a créé une identité unique de sensibilisation : Pasto Kézako. Le premier site d’information dédié à la sensibilisation au pastoralisme en montagne : www.pasto-kezako.fr/ Un site qui s’adresse aux pratiquants d’activités de pleine nature, pour mieux connaître le pastoralisme et apprendre à mieux partager les pâturages d’altitude avec des informations concrètes sur comment se comporter lors d’une rencontre avec un chien de protection, comment randonner avec mon chien de compagnie, etc.
Sensibilisation des publics
En 2023 la Sema a multiplié les actions de sensibilisation : participation à la première édition de Montagne en partage, évènement organisé par le syndicat national des accompagnateurs en montagne (SNAM) Massif jurassien ; animation sur le thème de l’eau en alpage et les besoins pour l’abreuvement des troupeaux à l’occasion des 30 ans de la Réserve naturelle nationale de la Haute-Chaîne du Jura, le 2 septembre au col de la Faucille, ainsi qu’une randonnée découverte sur l’alpage du Crozat et échanges avec la bergère ; Fauche Qui Peut, une nouvelle opération expérimentée sur l’alpage du Colombier en partenariat avec les alpagistes, la Communauté de communes Bugey Sud et la Chambre d’agriculture (chantier participatif de fauche de vérâtre, plante envahissante et toxique pour les animaux réduisant la surface en herbe et limitant la biodiversité) ; Un berger dans mon école : 250 élèves du CP au CM2, soit dix classes, ont participé à l’opération pour découvrir l’agriculture de montagne et le pastoralisme.
Impluviums, la Drôme expérimente des dispositifs anti-évaporation
Suite à l’assemblée générale, l’après-midi était consacré à différents témoignage sur l’intérêt des impluviums (ou goyas) comme solution pour abreuver les troupeaux en espace pastoral. Dominique Narboux, directrice de l’Adem (association départementale d’économique montagnarde) de la Drôme a présenté différents dispositifs innovants visant à limiter l’évaporation de l’eau dans les goyas. Une expérimentation portant sur la mise en place de modules flottants (Hexacovers) et de filets anti-évaporation, dont les résultats sont encourageants, avec à la clé une nette diminution de l’évaporation, une eau « moins chaude et de meilleure qualité ».