FILIERE OVINE
Les moutonniers remettent leur laine

Le syndicat départemental des éleveurs de moutons de l’Ain a organisé la collecte de laine dans quatre endroits du département. Les deux camions sont partis direction la Belgique avec 17 t de laine.
Les moutonniers remettent leur laine

 

A Villemotier, dans la cour de l'exploitation de Bruno Gavand, les curons remplis de dizaines de kilos de laine amenés par des éleveurs des alentours commencent à s'amonceler. Dans cette partie de la Bresse ils sont nombreux, une vingtaine, beaucoup de petits troupeaux. Gaëtan, négociant en laine et responsable de la société Pur'laine basée à Limoges a pris place sous le hangar à l'ombre, calculette, cahier de factures et carnet de chèques sont posés sur la table. Nicolas Girard, animateur du syndicat ovin de l'Ain et Bruno Gavand accrochent la balance à la fourche du tracteur pendant que le chauffeur du camion, un 44 t Scania flambant neuf, arrive en marche arrière en vue de tout charger une fois la pesée terminée.

Laine contre chèque

Il est fini le temps où les tondeurs passaient dans les fermes et tondaient gratuitement en échange des toisons. Les éleveurs le font toujours déplacer, mais ils doivent le rémunérer, la collecte leur permet de récupérer une partie de l'argent qu'ils ont dépensé. « Autrefois cela payait les frais de vétérinaire et nous permettait d'acheter du grillage » évoquait un éleveur « dans les années 80 nous étions encore en francs, on nous en donnait 12,80 francs du kilo » se souvient-il. Mais les cours de la laine n'échappent pas à la crise et sont en forte baisse. Le marché français souffre de la concurrence internationale. Les prix payés variaient de 0,85 E /kg pour de la laine Ile-de-France pure plein air à 0,45 E / kg pour la laine plein air ou type Pa et 0,35 E / kg pour les laines de bergeries. A chaque pesée l'éleveur recevait un petit chèque sans grand espoir de s'enrichir où même de rentrer dans ses frais. « Mais au moins cela nous débarrasse et ce serait dommage de la faire brûler » confiait un éleveur présent qui porte ses curons depuis plus de 30 ans aux collectes.

L'œil de l'acheteur

Gaëtan, est négociant en laine depuis 23 ans. Il a l’oeil !

 

Dans la transaction tout se fait très vite et personne ne discute le prix. Il faut dire que l'acheteur à l'œil. Gaëtan fait ce métier depuis 23 ans, mais à son compte pour la septième année. Il se déplace dans toute la France, « début janvier j'étais dans les Hautes-Alpes après c'est le sud et l'est, je vois 4 800 éleveurs sur une année, ils me tutoient et me font confiance. Je brasse 1 000 t par an de laine ». Tout en expliquant son parcours, il tire un morceau de laine qui sort du sac, « laine noire je prends pas on ne peut pas la teindre » puis il en évalue une autre à l'œil sans même se déplacer pour la toucher. « Elle n'est pas de cette année ? elle a traîné en plus dans l'humidité ? ». Le jeune éleveur explique qu'il s'agit de la tonte de l'an dernier, qu'il n'a pas eu le temps de s'en occuper. « La laine ne doit pas traîner plus d'un an » rappelle Gaëtan en lui faisant malgré tout un chèque. « Certains jours, je passe 4 à 5 carnets de chèques dans la journée » dit-il en souriant.

Direction la Belgique

Une fois les sacs pesés et chargés, Gaëtan partait à Grenoble pour une autre collecte et son chauffeur direction la Belgique avec un camion pas tout à fait rempli, de quoi faire bougonner l'acheteur ! La laine sera triée, pressée, certains échantillons seront même envoyés au Royaume-Uni afin d'être analysés. Puis c'est par conteneurs qu'elle partira en Chine pour être lavée, teinte et filée. « C'est bien regrettable, nous n'avons plus d'usine en France pour valoriser la laine » soupire Gaëtan.
La collecte, organisée avec efficacité par Nicolas Girard n'aura duré qu'une bonne heure, les éleveurs sont rôdés depuis le temps qu'ils participent et n'hésitent pas à prêter main forte pour décharger et peser les curons. La collecte, s'est un moment convivial où il fait bon se retrouver. Une fois le camion parti, chacun retourne à ses moutons en emportant deux ou trois sacs vides laissés par Gaëtan afin de les remplir pour la prochaine collecte.

Yolande Carron