De la ferme à la table
Le commerce des grains se sent menacé

La FNA (négoce) et le Synacomex (export de grains) dénoncent les baisses de production estimées par des études d'impact sur la stratégie « De la ferme à la table ».

Le commerce des grains se sent menacé
Antoine Pissier, président de la FNA (négoce agricole).

« Nous sommes inquiets », à propos de la stratégie De la ferme à la table, « d'une transition agroécologique trop rapide, aux conséquences non évaluées, non chiffrées », a insisté Antoine Pissier, président de la FNA (négoce agricole). Réunis le 26 octobre lors d'une conférence, la FNA et le Synacomex (export de grains) se sont penchés sur le Pacte vert de la Commission européenne. Les grandes lignes du projet à l'horizon 2030 sont : une hausse des surfaces bio à 25 %, une baisse de l'utilisation des engrais de 20 %, des phytos de 50 %, a résumé Philippe Mitko, président du Cocéral (commerce européen des grains). Avec, au final, des baisses de production que Bruxelles espère voir compensées par des baisses de consommation. Cela suppose des changements de régime alimentaire, la réduction de gaspillage et un apport de nouvelles technologies.  « L’évolution sera extrêmement lente, a considéré Philippe Mitko. Il y a un problème de timing », selon lui. Ce changement vers une amélioration de la durabilité « va prendre une génération ».

L’impact De la ferme à la table

Diverses études permettent de mesurer l'impact De la ferme à la table. Le Cocéral en a publié une au printemps. Son scénario « moyen » anticipe une production européenne réduite, à l'horizon 2030, de 19 Mt de blé (- 15 %), 9 Mt de maïs (- 13 %), 8 Mt d'orge (- 16 %), soit - 40 Mt de céréales (- 14,5 %), et côté oléagineux - 5 Mt (- 17 %) dont le colza à - 4,3 Mt. Résultat, l'UE passerait d'une situation exportatrice de céréales (+ 17,6 Mt de balance commerciale) à importatrice (-18,4 Mt), soit une dégradation de ses échanges nets de 36 Mt. Les importations européennes de colza, actuellement autour de 5 à 6 Mt, grimperaient à plus de 10 Mt. « Ça me déprime », de tels chiffres, s'est exclamé Jean-François Lépy, DG de Soufflet Négoce. À ses yeux, De la ferme à la table réduirait à néant les efforts d'investissement du groupe. « Soufflet est attaché, depuis très longtemps à être compétitif », ce qui passe par « des chaînes optimisées, des cadences de fret massifiées pour faire des économies d'échelle », a-t-il souligné. Le groupe exporte ainsi des céréales jusqu'au Maghreb, en Afrique de l'Ouest, au Moyen-Orient, « dans des zones où il n'y a pas de production ». Bruxelles, avec son Pacte vert, « ignore le monde », selon lui. Le marché domestique risque lui-même d'être déséquilibré. Un avant-goût est donné par la flambée actuelle des prix des grains. En cause, les flux d'importations de la Chine, qui ont explosé l'an dernier à 50 Mt, contre 10 à 12 Mt habituellement, d'après Jean-François Lépy. Cela a provoqué un déséquilibre des bilans mondiaux et entraîné une hausse des prix. Le même regain de volatilité peut se produire avec De la ferme à la table, a-t-il estimé.

JCD