AUTOPRODUCTION
Pari gagnant du mixe énergétique pour le Gaec de la Grand Vie
Éleveurs laitiers à Champagne-en-Valromey, les associés du Gaec de la Grand Vie se sont lancés dans la production d’électricité il y a quelques années. Méthanisation et panneaux photovoltaïques leur permettent ainsi de générer des profits supplémentaires et des coûts en moins. Reportage.
« Nous avons gagné économiquement en efficacité sur l’exploitation grâce à la méthanisation ». Installé en Gaec avec Mathias et Louis Alexandre à Champagne-en-Valromey, Gaëtan Richard ne regrette pas leur décision. Basés à 730 m d’altitude, ils pratiquent une agriculture de montagne et élèvent 150 vaches laitières de races Montbéliarde et Prim’Holstein sur deux sites d’exploitation, à Chemillieu et Songieu.
L’exploitation a augmenté sa production d’électricité et sa capacité d’autoconsommation (+ 30 % environ) grâce à l’installation de deux trackers en 2022. Photo/MB
Avec un troupeau de noires, des robots de traite et une pratique d’enrubannage, la ferme s’est détournée de la filière Comté et livre son lait à la Sica des fermiers savoyards, à raison de 441 €/1 000 l. En 2022, elle a dépassé le million de litres produits.
Une unité de méthanisation bien intégrée
Leur unité de méthanisation, en fonctionnement depuis fin décembre 2018, vient aujourd’hui complètement s’intégrer à leur système d’élevage. Tout comme pour les robots de traite, il s’agissait de gagner en efficacité. Avec une puissance utilisée de 160 kWh, la méthanisation permet à la ferme de diversifier ses revenus et d’être plus autonome. Il s’agissait aussi de répondre à la nécessité d’inscrire l’exploitation aux normes environnementales, de supprimer les odeurs d’effluents d’élevage, ou encore de mieux valoriser les couverts végétaux. En 2023, le Gaec a ainsi modifié son assolement et augmenté sa surface de prairies temporaires afin de transférer les couverts végétaux de l’alimentation des génisses à la méthanisation. Un mélange de dactyle, luzerne, trèfle blanc, et raygrass anglais, trèfle blanc, selon les terres. Le reste de leurs 351 ha de SAU est cultivé de triticale, d’orge, de maïs ensilage, sorgho, blé, avoine et 125 ha sont en prairies naturelles. « Le projet de départ avait été pensé uniquement autour du lisier et du fumier, mais on s’est rendu compte que ce n’était pas suffisant, explique Gaëtan Richard. Comme on faisait des dérobées pour les génisses mais que ce n’était pas terrible, on a décidé d’y basculer sur la méthanisation et de conserver le foin pour les élèves. » Le Gaec se fournit par ailleurs en fumier de l’année chez les fermes voisines (sept tonnes par jour en plus des 2,5 t de l’exploitation), et ajoute à la ration journalière de 29,5 t, essentiellement constituée de fumier, des CIVE (2,5 t), du lactosérum (5,5 t) et 400 kg issus de céréales. Le digestat est quant à lui épandu notamment chez un céréalier en échange d’une réduction de la facture du maïs ensilage, le tout pour un volume d’épandage réel avoisinant les 450 ha selon Gaëtan Richard. Les trois agriculteurs se sont également laissés séduire par Bio4gaz, basé à Limonest. « C’est le seul qui a répondu à notre appel d’offres et qui a accédé à notre condition d’installer une pré-fosse et qu’un de nos associés participent aux travaux », ajoute Gaëtan Richard. D’une capacité de 1 800 m3, la pré-fosse est curée tous les six mois et évite d’avoir à curer le digesteur tous les quatre ou cinq ans. Au total, l’exploitation a emprunté sur 16 ans et bénéficié de 297 000 € de subventions départementales, régionales et européennes pour un investissement global de 1,7 millions d’euros (M€).
Un seul compteur et 80 % d’autoconsommation
En septembre 2022, le Gaec de la Grand Vie a également installé deux trackers de 117 m2 de la marque OKwind et lancé sa production d’électricité pour une puissance installée de 22 kWh. Avec 128 000 € d’investissement, ils espéraient un retour sur investissement d’ici onze ans, à raison de 15,5 cts/kWh. « Malheureusement avec l’inflation, on va l’amortir beaucoup plus vite », observe Gaëtan Richard. Le coût du kWh avoisine aujourd’hui les 18 cts.
Le Gaec de la Grand Vie a par ailleurs fait le choix de réunir les compteurs de l’exploitation, de la méthanisation et des trackers sur un même compteur électrique. À noter que l’exploitation ne vend pas l’électricité produite à partir du photovoltaïque et les deux trackers sont bridés lorsque la production risque de dépasser la consommation réelle. L’exploitation estime son autoconsommation à 80 %. Une partie de l’électricité produite est ainsi valorisée pour chauffer le digesteur, le local robot, le bureau et l’atelier, du séchage en vrac et à plat pour les céréales, le foin et le bois, mais aussi pour chauffer l’eau des sanitaires et de boisson.
Avec 323 000 € de chiffre d’affaires généré par an grâce à la vente de l’électricité et au hasard de la conjoncture, le Gaec la Grand Vie a atteint 1,150 M€ de chiffre d’affaires global en 2021 et dépassé les 250 000 € de chiffre d’affaires par associé autorisé. L’exploitation est donc soumise à l’impôt sur les sociétés depuis janvier 2022. Et Gaëtan Richard de prévenir, mine de rien sans regret : « Il faut faire attention quand on intègre des choses. »