INAUGURATION
La ferme du Truchet : une exploitation, oui mais pas que

Ludivine Degenève
-

Oscar et Elsa Pivard, frère et sœur, ont repris l’exploitation familiale en janvier 2022 à Dortan dans le Bugey. D’autres expériences antérieures leurs ont permis de lancer des projets depuis leur production initiale… comme des glaces par exemple. À l’occasion du lancement de leur laboratoire de transformation, la fratrie a organisé une rencontre avec les acteurs du projet.

La ferme du Truchet : une exploitation, oui mais pas que
Oscar et Elsa Pivard, accompagnés de leurs parents. PHOTO/ LD

Pourquoi ne pas imaginer un produit supplémentaire à la production laitière initiale ? C’est ce que ce sont dit Elsa et Oscar Pivard, frère et sœur, qui ont repris l’exploitation de leur père et de leur oncle le 1er janvier 2022 à Dortan. Ce projet était déjà dans la tête de la fratrie depuis longtemps. Mais si la fabrication du fromage était leur idée initiale, le choix s’est finalement porté sur les glaces. « L’idée est venue lors de mon stage de bac pro en 2021. Je l’ai fait dans la ferme du fils d’un ami de mon père à Tamié, un village entre la Savoie et la Haute-Savoie. Il avait le projet de faire une production de glaces sur sa ferme pour avoir une rentrée d’argent supplémentaire », explique en préambule Elsa Pivard. Cette expérience lui a été très inspirante : « Pendant mes deux mois de stage, j’ai vu le quotidien de l’exploitation, comment ça se passait. Une fois qu’on a une bonne recette, c’est quelque chose qui marche, les gens sont super contents. »
 
Une préparation suivie à la lettre 
 
Toute la production est réalisée à la ferme, et respecte des étapes précises. Il y a tout d’abord la préparation des pots, et le collage des étiquettes. Pour la recette en tant que telle, les ingrédients (lait, crème, sucres, parfums) sont mélangés ensemble dans le pasteurisateur. « Il permet à la fois de brasser, d’émulsionner, de monter en température, de refroidir, et de maintenir à froid », précise Elsa Pivard.
Vient ensuite le temps de maturation : étape importante pour permettre à la glace de prendre toute sa saveur. La préparation repose toute la nuit, le temps de bien s’imprégner des saveurs pour mettre le « mix » au turbinage le lendemain matin. « Ce qui sort du pasteurisateur à 4°C sort du turbinage à -10°C », explique l’exploitante. C’est ce qu’on appelle plus communément la glace à l’italienne. La préparation est ensuite mise dans des pots, puis au surgélateur pour que ça prenne plus vite ; cela permet une meilleure conservation de la glace. Enfin, les pots sont stockés en chambre froide à -20°C.
Pour l’instant, Elsa et Oscar Pivard transforment un à deux jours par semaine, ce qui équivaut à environ 240 litres (l) de glace fabriqués par semaine, avec un temps de préparation d’environ quatre heures. « On aimerait bien transformer quatre jours par semaine, pour faire à peu près 500 kg de glace », précise l’exploitante, même si aujourd’hui, ce ne sont pas les stocks qui manquent : « On a la chambre froide qui est pleine à craquer, on est prêt pour l’été. Ça va nous permettre d’abonder si on a beaucoup de demandes cet été. »
 
Des glaces aux mille et une saveurs 
 
Les exploitants mettent un point d’honneur à promouvoir les produits locaux, et des parfums naturels, à quelques exceptions près. Voilà pourquoi ceux proposés (vanille, fraise, chocolat, café, citron, banane…) sont pour la plupart issus de fruits ou d’extraits naturels. La taille des pots varie également en fonction de la demande, allant de 125 ml, à 2,5 l pour les supermarchés, en passant par 500 ml pour les gros mangeurs de glaces.
Actuellement, la production de glaces permet de valoriser 3 % du lait de l’exploitation. « On produit environ 1 500 l de lait par jour. Quand on transforme les glaces, on consomme 80 l de lait », estime Elsa Pivard. La quantité de lait utilisée est donc insignifiante par rapport au nombre de glaces produites. Mais leur projet va encore plus loin : « On aimerait bien que ce soit 50 % de notre chiffre d’affaires. L’objectif est d’avoir peu de lait transformé pour une très forte valeur ajoutée. »
 
« On a eu beaucoup de délais de livraison »
 
La production a débuté fin août 2022. « On est arrivé vraiment à la fin de la saison des glaces, enchaîne Elsa Pivard. Cette année, c’est notre première vraie saison, c’est pour ça qu’on voulait marquer le coup. » Pour cette inauguration, les exploitants ont organisé un rendez-vous sur leur exploitation, en invitant toutes les personnes ayant soutenu le projet de près ou de loin : des banques aux assurances, en passant par les premiers clients.
Si l’année dernière, les glaces du Gaec du Truchet ont raté le gros de la saisonnalité, c’est aussi à cause des problèmes de livraison en rapport avec la guerre en Ukraine. « On a eu de la chance, on a signé les papiers avant la guerre en Ukraine, donc on a moins souffert de l’inflation. Cependant, on a eu beaucoup de délais de livraison sur les produits », continue l’exploitante. En revanche, aucun problème concernant la hausse du prix de l’électricité : « On vient juste de commencer, donc notre facteur de départ est le coût de l’électricité actuel. On a mis un prix qui est dans la marge haute. Cette année, ça nous coûte plus cher, mais on l’avait compté. »
 
De nombreux points de vente
 
Les quelques ventes de l’été dernier ont permis à l’exploitation de s’installer dans certains commerces autour de Dortan. En plus de vendre à la ferme, il est possible de trouver les glaces du Gaec du Truchet dans les deux Intermarché du village, à l’épicerie à Nantua, et chez un des pizzaiolos d’Oyonnax. Cette année, le frère et la sœur aimeraient être présents sur des événements estivaux, comme des festivals, ou encore des matchs. « On va trouver une façon d’être sur le Tour de France », espère Elsa Pivard.
Les exploitants aimeraient aussi élargir leurs ventes à partir de cette année : « Notre objectif est aussi de vendre dans les grandes surfaces. La question c’est « est ce qu’on veut être dans les magasins de producteurs, ou est ce qu’on va dans les grandes surfaces ? » Moi je me suis dit que je faisais les courses au supermarché, comme à peu près tous les gens que je connais. Il n’y a pas grand monde qui font leurs courses dans les magasins de producteurs, explique Elsa Pivard. Quand on achète les glaces, il faut que derrière ont rentre chez soi pour la mettre au congélateur directement. Les gens sont plus préparés à le faire quand ils font leurs courses au supermarché que quand ils sont en promenades. »
 
Tout préparer en six mois  
 
Mais si ce projet s’annonce prometteur pour la famille, c’est en réalité le fruit de nombreux investissements, réalisés « à fond la caisse » : après son stage réalisé en mars et avril 2021, la fratrie a fait son inscription au Point accueil installation de la Chambre d’agriculture en mai de la même année en expliquant clairement son projet de produire des glaces avec une installation au 1er janvier 2022. « En six mois, il fallait qu’on fasse toutes les formations d’installation, qu’on monte le dossier, qu’on convainc les banquiers, et qu’on fasse les démarches pour demander les devis », énumère l’exploitante.
Dès la signature, les travaux pour la production ont débuté, dont la construction du laboratoire en avril 2022. « Cela a été super intense. Il y a eu la recherche d’informations, puis il a fallu contacter les fournisseurs, et faire les études de marché. En six mois, on a tout bouclé, avec les accords bancaires, pour s’installer au 1er janvier 2022 », explique Elsa Pivard.
Depuis peu, la fratrie a même embauché un salarié à temps plein et un apprenti, pour subvenir aux besoins de la production glaces.