AGROALIMENTAIRE
Alimentation : anticiper les futures crises

Le cabinet Heiderich et l’Observatoire international des crises (OIC) ont présenté fin avril un état des lieux des industries agroalimentaires françaises et leur résilience et adaptation face aux crises majeures qu’elles ont traversées ces dernières années.

Alimentation : anticiper les futures crises
Le cabinet Heiderich et l’OIC jugent que « l'industrie agroalimentaire a tendance à limiter les changements à réaliser qui sont souvent coûteux ». ©Pixabay

Établir un rapport entre d’une part la puissance des controverses sur les crises alimentaires et de l’autre l’ampleur des changements effectués en réaction à ces crises d’importance : telle est la mission qui a été confiée au cabinet Heiderich et à l’Observatoire international des crises (OIC). De la crise de la vache folle dans les années 1990-2000 à la chlordécone, les deux organisations se sont penchées sur onze événements qui ont mis en cause les industries agroalimentaires (IAA). L’étude montre qu’en moyenne, « l’ampleur des changements dépasse rarement la puissance de leurs controverses ».
Autrement dit, la réponse des IAA ne leur semble pas toujours adaptée. Les deux organismes citent ainsi l’exemple de la fraude à la viande de cheval survenue en février 2013. Certes, les pouvoirs publics et l’entreprise fautive ont rapidement réagi : un directeur général débarqué, une entreprise mise en liquidation, une campagne de communication sur un ton humoristique bien accueillie. Cependant, rappelle l’étude, aucun changement réglementaire n’est intervenu a posteriori sur la traçabilité de la viande dans les IAA. Cette situation a « probablement participé à des évolutions des modes de consommation avec une tendance croissante vers le végétarisme et le localisme au cours de la dernière décennie », avance le rapport.

L’ère du boycott citoyen

D’une manière globale le cabinet Heiderich et l’OIC jugent que « l’industrie agroalimentaire a tendance à limiter les changements à réaliser qui sont souvent coûteux ». Les deux entités vont plus loin en analysant « les enjeux sensibles d’aujourd’hui et les crises de demain ». Dans leur viseur, quatre grandes familles : l’éthique, le sanitaire, l’environnemental et le nutritionnel. Ainsi, bien que le bio a eu le vent en poupe, l’étude s’inquiète des « règles de contrôle et de commerce avec les pays tiers qui laissent planer des incertitudes sur les évolutions législatives à venir ». De même, le rapport rappelle que l’importation des produits alimentaires issus d’OGM est légale, posant la question de la concurrence déloyale pour l’agriculture française et que le boycott citoyen, à l’image du footballeur Cristiano Ronaldo repoussant devant les caméras une bouteille de Coca-Cola au profit d’une bouteille d’eau en prononçant la phrase « buvez de l’eau, pas du soda », s’inscrivait sans doute dans une tendance durable. « Contrairement à la légende, le boycott n’est pas interdit en France », insiste l’étude.

Précéder les changements

Les industriels, les pouvoirs publics et les consommateurs tirent-ils des enseignements de ces dérèglements qui « sont parfois de vrais scandales, comme la fraude à la viande de cheval », dixit la formule de Didier Heiderich ? Pas vraiment, selon lui. C’est pourquoi « nous préconisons aux acteurs économiques de l’industrie agroalimentaire de précéder les changements afin d’éviter d’être surpris brutalement par une normalisation externe initiée par le consommateur, un industriel ou la réglementation ». Les agriculteurs ont compris, dans leur immense majorité, les attentes des consommateurs : plus de transparence, de principe de précaution, plus de naturalité et de proximité… Aux industriels de prendre le train en marche pour rassurer des consommateurs dont la confiance est affectée par les crises : « 79 % des Français se disent attentifs aux effets de ce qu’ils mangent sur leur santé », rappelle Didier Heiderich.


Christophe Soulard