MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE : poratriats de délégués
Brigitte Cormorèche : une vie réussie

A quelques semaines du renouvellement des délégués (les élections MSA auront lieu du 16 au 20 janvier), l'Ain Agricole et l'Information Agricole du Rhône publient chaque semaine, dans leur version papier, des extraits de portraits de délégués parus dans le livre "Regards par la MSA par ses élus". Nous vous en livrons ici l'intégralité.
Brigitte Cormorèche : une vie réussie

Le jour se lève à peine et Brigitte, qui ne s'appelle pas encore Cormorèche, quitte la chaleur de la cuisine et sort de la ferme emmi-touflée dans son manteau, son cartable fermement tenu par sa petite main gantée de laine. Elle s'enfonce à pas légers dans la brume matinale qui enveloppe tout ce qui se trouve alentour et l'empêche de voir plus loin que le bout de ses chaussures déjà crottées. Mais elle n'en a cure. Elle connaît parfaitement les ornières du chemin et, après ces vacances de noël 1962 qui viennent de s'achever, se laisse aller pleinement à la joie de retrouver ses amis qui l'attendent un peu plus bas pour retourner à l'école. Ils parcourent ensemble, comme chaque jour, le kilomètre qui les sépare du vil-lage de Rillieux la Pape, tirant avantage des flaques gelées pour se livrer à quelques glissades.

Masaki Worf, enquêtrice 1er rang de la section A, rattachée au Monde Supraplanétaire Agronomique, quitte des yeux l'écran sur lequel le texte qu'elle vient de dicter mentalement à l'ordinateur s'affiche.

 


Elle a été chargée, cinq révolutions planétaires plus tôt, d'investiguer l'ensemble des terres du système stellaire DX346. Sa tâche consiste à recenser et à étudier les différents modes de production des substrats alimentaires en place afin de déterminer celui qui offre les meilleurs résultats. La responsabilité qui pèse sur les épaules de Masaki est lourde. Le but de cette enquête est, ni plus ni moins, de trouver le moyen d'assurer la survie des populations des quinze planètes menacées à court terme par la famine.

Masaki secoue la tête pour chasser les préoccupations qui l'encombrent. Elle se reconnecte à Brigitte et poursuit la rédaction de son rapport.

Brigitte est une fillette qui vit dans un espace temps très particulier, situé aux confins de notre système stellaire et méconnu de lui. L'impossibilité de trouver les ressources et so-lutions nécessaires ailleurs m'a conduite dans ce coin reculé de notre univers où l'abondance et l'espoir semblent régner. Les images mentales que je capte dans l'esprit de Brigitte me laissent penser qu'elle détient des pistes inté-ressantes, susceptibles d'éclairer notre avenir. Le fait qu'elle soit terrienne et encore jeune n'est pas un obstacle dans la mesure où il m'est non seulement possible de partager ses connaissances mais également de l'accompagner dans le temps.

 

Le curseur temporel me permet de retrouver Brigitte quelques cinq années plus tard. C'est l'été. Le soleil, haut dans le ciel, dif-fuse une chaleur lourde qui rend encore plus pénible les travaux des champs auxquels elle doit participer malgré son peu de goût pour eux. Elle préfèrerait aider aux tâches ména-gères et rester à la maison ou bien aller jouer dans la campagne avec ses amis. Les voilà d'ailleurs qui arrivent, en groupe, pour venir la chercher. La permission est accordée d'un signe de tête et c'est avec enthousiasme et soulagement que Brigitte abandonne ce travail qu'elle trouve difficile et sans grand intérêt. Le plaisir qu'elle ressent à s'immerger dans son groupe d'amis, à expérimenter sa liberté de mouvement en toute sécurité, à faire partie de cette communauté dans laquelle elle a sa place et peut exprimer sa gaîté effacent instantané-ment les douleurs de son corps.

 

Masaki Worf sourit en voyant ces enfants plein de vie s'échapper, tels une volée de moi-neaux, loin de cette unité de production de substrats alimentaires. Si elle s'en tenait aux apparences elle abandonnerait là Brigitte pour rechercher un sujet plus impliqué dans l'objet de sa quête mais son intuition et sa curiosité l'incitent à persister dans son observation.

Brigitte, qui a décidé d'étudier la comp-tabilité, est élève à l'école Notre Dame de Lyon. Son but avoué est de quitter la ferme pour toujours et de trouver un travail en ville. Pour l'heure, revêtue de son manteau bleu qu'elle adore, au milieu de tous ces manteaux noirs à la dernière mode qui la font se sentir différente, elle ressent, avec un peu de tris-tesse, l'isolement causé par la séparation d'avec ses amis, privée qu'elle est de la chaleur de sa communauté durant toute la semaine. Mais très vite Brigitte est habitée par un vrai bonheur : l'école est finie et, diplôme en poche, elle a trouvé un travail au centre administratif du Crédit Lyonnais de Rillieux la Pape. Quand elle enfourche sa mobylette pour aller travailler le monde semble lui appartenir. Quand elle sort chaque samedi avec ses amis d'enfance pour aller au bal, tout semble parfait, en place, sur la bonne voie. Sa vie s'écoule ainsi, paisible et gaie, pendant trois ans jusqu'à ce qu'une nouvelle perspective professionnelle apparaisse.

 

Je suis maintenant avec Brigitte en 1975 à Saint-André de Corcy. Elle vient d'être embauchée par le Crédit Agricole où elle prend sa place au guichet, appréciant d'être au contact du monde et de rendre les services que les clients attendent d'elle. Un, en particulier, re-tient son attention : un beau jeune homme, Henri, rencontré au cours de ses sorties hebdomadaires, qui se présente régulièrement trop régulièrement pour paraître innocent devant elle pour retirer de son compte en banque des sommes d'argent modiques. De retrait en retrait - Henri conquiert Brigitte qui devient Madame Cormoreche. Comme il est agriculteur, issu d'une famille d'agriculteurs, Brigitte, par la même occasion, reprend pied dans ce monde agricole qu'elle avait quitté.

Une fois encore Masaki interrompt son observation. Elle se félicite d'avoir suivi son intuition. L'expérience de Brigitte au Crédit Agri-cole l'a rassurée car elle a pu identifier des spécificités propres à la clientèle de cette banque dédiée à l'agriculture. Aussi la vision de la mariée arrivant à la ferme familiale de son mari ne fait-elle que confirmer la certitude que Brigitte peut lui apporter les informations dont elle a besoin sur les forces et les secrets de ce monde qui nourrit la population de la Terre. Impatiente d'en apprendre davantage, Masaki tourne à nouveau toute son attention vers Brigitte.

 

La transition importante que représentent tout à la fois le mariage et le retour à vie de la ferme se négocie en souplesse. Bien que pro-pulsée épouse de chef d'exploitation Brigitte, jeune femme friande de relations humaines, curieuse et ouverte sur le monde, habituée à une vie communautaire, conserve son travail en ville et peut, de ce fait, accepter ses nouvelles tâches et son nouvel isolement. Par ailleurs l'exploitation dédiée aux vaches allaitantes, aux moutons et aux céréales la sollicite peu sauf au moment des moissons où Brigitte a la responsabilité de nourrir les moissonneurs ce qui, au départ, n'est pas une mince affaire pour elle du fait de son manque d'habitude.

Entre son travail en ville, l'amélioration et l'entretien de la maison, les nombreux déplacements rendus nécessaires par l'isolement de la ferme, le soin à ses deux premiers enfants qui sont déjà nés et son implication dans l'exploitation familiale, Brigitte est très occupée et a peu de temps pour elle. Son troisième enfant vient au monde sans que la configura-tion de son cadre de vie se modifie et Brigitte trouve son équilibre, malgré la charge de travail à laquelle elle doit faire face, entre vie à la ferme et vie à la ville.

Le travail à la ferme évolue avec l'introduction et le développement de la cul-ture maraîchère. Brigitte participe de plus en plus activement à la production des pommes de terre, des radis, du cèleri boule, des salades, des blettes, des cardons et se surprend à aimer ça, comme elle s'était déjà surprise à apprécier le jardinage. Aussi lorsque son dernier enfant a cinq ans décide-t-elle de cesser définitivement de travailler en ville. Ce revirement dans ses goûts, cet attrait pour le travail de la terre qui a mis tant d'années à s'installer en elle s'expliquent : non seulement les conditions de travail sont bien meilleures que lorsqu'elle était enfant mais elle travaille pour sa famille. Brigitte est désormais, dans son esprit et dans son coeur, une agricultrice à part entière.

 

Masaki Worf, captée et bercée par le rythme de la vie de Brigitte, se redresse soudain tétanisée par ce qu'elle était en train de regarder à travers les yeux de Brigitte. Celle-ci se trouve devant un bâtiment sur lequel Masaki peut lire MSA. Se peut-il qu'une antenne du Monde Supraplanétaire Agronomique existe sur cette Terre et qu'elle l'ait ignoré ? Le curseur temporel indique 1999, aussi Masaki pense-t-elle qu'il est plus vraisemblable que le MSA soit d'origine terrienne. Cette découverte raffermit sa conviction que son travail ne sera pas vain. Son enthousiasme décuplé, Masaki s'abîme de nouveau dans la vie de Brigitte et la rédaction de son rapport.

Brigitte a le sourire aux lèvres quand elle pénètre dans le bâtiment malgré la pointe d'inquiétude et de timidité qui l'anime. Elle vient d'être élue administratrice au Conseil d'Administration de la Mutualité Sociale Agricole. Elle a déjà été impliquée dans une action collective en tant que membre de la section féminine de son syndicat mais elle est néanmoins impressionnée par cette nouvelle responsabilité qui lui a été confiée et qu'elle a acceptée. Elle prend ainsi le relais de son beau-père - Michel Cormoreche qu'elle a vu régulièrement revêtir costume et porter cravate pour se rendre à ce même Conseil d'Administration de la MSA et de son mari qui, après quelques années de service auprès de cette institution, a choisi de s'investir davan-tage sur le plan syndical. Malgré cette antério-rité familiale Brigitte ne sait pas exactement à quoi elle doit s'attendre. Pour elle, comme pour beaucoup d'autres, la MSA n'est jamais qu'un organisme, un peu nébuleux, auprès de qui elle débourse des cotisations et qui lui verse des prestations pour ses enfants ou lui rembourse les frais de santé de la famille. Elle n'ignore pas qu'un jour cette même MSA lui paiera une retraite à laquelle son statut de « conjoint participant aux travaux » lui permet de prétendre mais elle est trop jeune encore pour s'en préoccuper réellement.

Arrivée au milieu des autres administrateurs qui l'accueillent chaleureusement pour cette première réunion, elle se souvient du respect que ses parents ont toujours eu à l'égard de la MSA et du sentiment de sécurité qu'elle leur apportait. Elle prend également conscience qu'elle est à sa place parmi ses homologues car, comme elle, ils sont agricul-teurs. Bien que nommée, le jour même, vice-président du troisième collège et à la commission de recours amiable, Brigitte se sent encore parachutée dans cet univers nouveau. Mais ce premier contact avec ses pairs la tranquillise et consolide en elle le socle de confiance sur lequel elle pourra s'appuyer pour servir les membres de la communauté à laquelle elle appartient : le monde agricole.

Très rapidement Brigitte découvre que ses fonctions d'administratrice à la MSA sont l'occasion pour elle d'une formidable ouverture. Non seulement elle a l'opportunité de suivre des formations utiles et d'assister à des conférences intéressantes et profitables mais, tout en devenant familière et sensible à d'autres formes d'exploitation que la sienne propre, elle apprend tout ce qui est mis en oeuvre par cette institution au profit de ses ad-hérents et qui va bien au-delà du simple rôle de sécurité sociale. Ainsi prend-elle la mesure de l'action des commissions de recours amiable, sur les accidents de travail, sur la san-té et la sécurité au travail et de la commission sociale qui intervient, souvent via les assis-tantes sociales, auprès des familles et des per-sonnes âgées en difficulté.

 

Brigitte est une épouse, une mère et une agricultrice très occupée. Elle n'hésite cependant pas à donner de son temps et de son énergie, à persister dans son investissement auprès de la MSA. Cet investissement est devenu un véritable engagement dans le soutien de ses semblables et de sa profession. Brigitte met ainsi en action ce sens ancestral de la solidarité qui existe entre agriculteurs. Aucun d'entre eux ne laisse son voisin en difficulté se débrouiller tout seul. Malgré l'individualisme qui caractérise ce métier où chacun oeuvre seul sur son exploitation, l'entraide, quand elle est nécessaire, se met en oeuvre spontanément. La MSA est le creuset de cette entraide qui, secrètement ou ostensiblement, se répand dans le monde agricole et permet de décupler sa force et son impact.

Masaki Worf arrête le curseur temporel et fait, en quelque sorte, un arrêt sur image. Elle voit Brigitte entourée de ses trois enfants, ses deux fils et sa fille. Ils sont devenus adultes. Si la fille s'épanouit dans le métier d'infirmière, perpétuant en cela la tradition familiale de dé-vouement aux autres, les deux fils sont devenus agriculteurs. Elle ne peut résister à l'intérêt majeur que suscite chez elle la perpétuation de ce métier.

 

L'harmonie règne entre les deux frères malgré leur mode de fonctionnement diffé-rents. Tandis que l'un travaille seul selon une méthode traditionnelle et raisonnée, l'autre, dans le cadre d'une EARL constituée avec ses parents, se consacre à la culture biologique. Il n'y a aucune opposition entre eux. Tous les deux sont à la pointe de la technologie et maîtrisent sans difficulté l'informatique qui est devenu un outil de travail à part entière. Les temps ont bien changé depuis l'enfance de Brigitte qui regarde son fils cadet déclencher l'arrosage depuis son téléphone portable. Malgré cette évolution l'attachement à la terre, le besoin de faire le tour des champs, celui d'échanger sur les modes de culture, les projets et les difficultés animent toujours les coeurs et les conversations autour de la table familiale qui est restée le centre névralgique de la famille de Brigitte.

Les discussions, parfois enflammées, témoignent de la passion que ces agriculteurs partagent, à travers le temps et les changements, quand il s'agit de leur métier, tout comme le besoin de se voir tous les jours et de travailler ensemble révèlent la solidarité et l'affection familiales qui règnent entre eux. Bri-gitte éprouve une grande satisfaction. Ses fils pérennisent tout à la fois les valeurs auxquelles elle est attachée et le travail à travers lequel son existence s'est concrétisée et épanouie tout en maintenant en activité le lieu qui les accueille tous. Ils stimulent leurs aînés qui, voyant un futur, n'hésitent pas à s'investir dans la modernité. L'implication de ses fils dans ce monde agricole permet également à Brigitte de s'ouvrir à d'autres évènements qui, bien qu'y étant entièrement liés, n'avaient pas suscité son intérêt. C'est ainsi qu'à travers l'engouement de son fils cadet pour les con-cours de labour elle découvre l'extrême préci-sion que peut revêtir le tracé d'un sillon. De la même manière, parce qu'il est doué et qu'il gagne, elle voyage avec lui à la rencontre d'agriculteurs et d'agricultrices habitant d'autres continents mais pour qui le travail de la terre obéit aux mêmes exigences.

 

Brigitte contemple dans ses fils son propre sens de la modernité. Elle sait, grâce à son expérience personnelle et à son implication dans la MSA qui lui a permis de rencontrer des agriculteurs de tout bois, que derrière chacun d'entre eux se cache un vrai chef d'entreprise aux compétences multiples. Au-jourd'hui on est très loin de l'image réductrice du paysan en décalage par rapport au reste de la société, image qui pourtant continue à être véhiculée par les médias. Brigitte, pourtant douce et patiente, s'insurge contre cette émis-sion de télé-réalité appelée « L'amour est dans le pré » qui véhicule un message désobligeant lequel démarque les membres de sa communauté en méconnaissant totalement la réalité actuelle du monde agricole. C'est un monde auquel elle appartient et qu'elle défend par son engagement permanent à gommer les dif-férences et les oppositions y compris en son sein même. Le cadre de vie de Brigitte reflète parfaitement ce combat pacifique. Dans sa cui-sine les pères et les fils cohabitent, échangent et s'enrichissent mutuellement sur la produc-tion conventionnelle des céréales, la mise en pratique de l'agriculture raisonnée, le maraî-chage biologique, les dernières technologies et les pratiques traditionnelles.

 

Pour autant la spécificité de ce monde agricole et en particulier les difficultés qu'il rencontre sont très présentes dans l'esprit de Brigitte. Là encore sa qualité d'administratrice de la MSA lui a appris combien il est important que ce soit les agriculteurs qui s'occupent des problèmes rencontrés par les agriculteurs. Qui mieux qu'eux peut mesurer les conséquences d'une crise collective ou individuelle les frap-pant et mettre en oeuvre les actions nécessaires à un retour à la normale ? Peut-on réellement espérer qu'un fonctionnaire parisien chargé, par exemple, de distribuer une aide de l'Etat en cas de catastrophe naturelle ou de traiter un retard dans le paiement de cotisations ou encore de fixer le taux d'une rente suite à un accident de travail soit apte, ou même ne serait-ce que soucieux, d'analyser la situation au cas par cas, en toute connaissance de cause, comme cela se pratique au sein de la MSA que cela soit dans le cadre des commissions animées par les administrateurs ou dans celui, plus général de l'administration de l'institution ? Les réponses à ces questions s'imposent d'elle-même et Brigitte déplore que les plus jeunes, ses fils y compris, négli-gent la MSA et le rôle qu'ils pourraient y tenir, en ne s'y intéressant pas vraiment et en l'assimilant à une sécurité sociale lambda là où elle est une alliée discrète mais fidèle et efficace.

Masaki Worf est contente. Suivre Brigitte tout au long de son parcours de vie lui a donné une première clé à remettre au Monde Supra-planétaire Agronomique, une clé susceptible de déverrouiller les esprits endormis : l'engagement. Il lui reste à découvrir comment le fixer dans les coeurs. Elle reprend son cheminement avec Brigitte espérant secrètement qu'elle lui fournira le moyen d'y parvenir.

 

Brigitte est entourée d'un monceau de papiers. Elle est en charge de la comptabilité et du suivi administratif de l'exploitation familiale ce qui la confronte quotidiennement à la complexification du métier d'agriculteur. L'évolution de la technologie et la place de plus en plus incontournable de l'informatique l'obligent, comme tout agriculteur de sa génération qui ne veut pas rester en arrière, à se former et à s'adapter. La règlementation, qui prolifère et encadre de plus en plus étroitement leurs activités les contraignant à un suivi rigoureux de leur production et au noircissement d'un nombre de plus en plus important d'imprimés, la plonge parfois dans un océan de perplexité. Et pourtant sa tâche est facilitée par ce contact étroit que sa qualité d'administratrice de la MSA lui permet d'avoir accès à l'actualité du monde agricole par le biais des informations qu'elle diffuse, des discussions avec les autres agriculteurs qu'elle permet et des formations qu'elle propose.

 

Bien qu'elle soit loin d'avoir terminé, Brigitte abandonne sa besogne et quitte rapidement la maison pour se rendre à la MSA, à Lyon. Sa casquette d'administratrice en place, elle met à la disposition de la collectivité son temps, son énergie, son savoir et son empathie afin de trouver des solutions à des problèmes qui ne sont pas directement les siens. Malgré sa certitude d'être utile et d'oeuvrer efficacement pour les membres de sa communauté Brigitte a quelquefois le sentiment que les actions auxquelles elle participe activement sont méconnues et passent inaperçues. La capacité de résilience fortement ancrée chez les agriculteurs et le travail ainsi que l'engagement des élus de la MSA permettent des réussites, des rebondissements et des sauvetages qui restent trop souvent confidentiels. Une meilleure diffusion de ce type de succès serait porteuse d'espoir, susciterait des vocations et stimulerait ceux qui sont d'ores et déjà prêts à s'engager.

 

En tant que femme agricultrice, épouse et mère d'agriculteur mais également fille d'agriculteur, Brigitte a connu, au cours de sa vie, des états d'âme différents. Petite fille et jeune fille attirée par la ville et désireuse de s'éloigner de son milieu d'origine, elle s'y retrouve pourtant immergée par son mariage et apprend à aimer cette vie en lien direct avec la nature qui a servi de terrain de jeu à son enfance. Elle reprend goût à la liberté que lui procure le fait d'être son propre maître. Elle se familiarise avec ses nouvelles responsabilités et se libère de ses derniers freins en constatant que le progrès a allégé la rudesse du travail de la terre et que vivre et travailler à la ferme est compatible avec son ouverture d'esprit. Elle franchit le pas qui la tenait à distance de sa véritable vocation et devient une agricultrice accomplie et moderne qui loin de renier son besoin naturel d'ouverture aux autres l'utilise, au contraire, pour aller plus loin en acceptant de s'investir auprès de sa communauté en servant les intérêts collectifs et individuels de ses membres.

La persistance de cet engagement, qui dure depuis plus de vingt ans, a contribué discrètement à la sauvegarde des valeurs portées par les hommes et les femmes constituant le monde auquel elle appartient et dans lequel elle se reconnaît pleinement : le monde agricole.