ÉTATS GÉNÉRAUX DE L'ALIMENTATION
Les avancées obtenues ne masquent pas toutes les inquiétudes
Après huit jours et huit nuits de débats et de votes, l'Assemblée nationale a adopté, le 30 mai, le projet de loi pour l'équilibre dans les secteurs agricole et alimentaire en première lecture. La FNSEA se félicite de ce vote qui est une première étape avant le passage du texte devant les sénateurs. Sur le premier chantier du texte de loi, qui concerne les relations commerciales, la FNSEA « partage l'ambition de cette loi, sur le plan économique, car les agriculteurs ont besoin de ramener du prix et de la valeur dans nos exploitations », rappelle Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA. L'organisation a porté plusieurs chantiers et notamment la notion d'indicateurs de coûts de production, « il a fallu se battre pour faire en sorte que ce ne soit ni Leclerc, ni Lactalis, ni Bigard qui fassent ces indicateurs à notre place », souligne Patrick Bénézit.
Deuxième point défendu par l'organisation, la construction du prix en marche avant, « les agriculteurs proposeront le contrat, c'est quelque chose de très important pour nous », estime le secrétaire général adjoint. La lutte contre les prix abusivement bas a également été un cheval de bataille pour la FNSEA, et elle a obtenu satisfaction avec l'encadrement des promotions, y compris pour les marques distributeurs, et le relèvement du seuil de revente à perte. « Il reste encore quelques points à améliorer au Sénat, comme le renforcement du rôle du médiateur pour lui permettre de saisir le juge en référé. Mais, globalement, ça va dans le bon sens, donc nous tenons à féliciter la mobilisation de notre réseau et le travail des parlementaires qui nous ont permis d'aboutir », affirme Patrick Bénézit. Il appelle cependant à rester vigilant : « les choses peuvent encore évoluer tant que la loi n’est pas complètement actée après son passage au Sénat. Il faut donc rester mobilisé ».
Pas d’interdiction du glyphosate
Sur le deuxième titre du projet de loi, qui concerne la qualité sanitaire et environnementale des produits alimentaires, le sujet des produits phytosanitaires a suscité de vifs débats. Éric Thirouin, secrétaire général adjoint de la FNSEA, estime que le syndicat a été entendu sur quelques points : « certains députés voulaient interdire le glyphosate, ça a été refusé, le gouvernement voulait imposer des zones de non-traitement, ça a également été refusé. Le contrat de solutions, le fait de dire pas d’interdiction sans solution a été entendu ». Les députés ont voté pour la séparation de la vente et du conseil, qu’il soit quotidien ou annuel.
Ils se sont également exprimés en faveur de la suppression des remises, rabais, ristournes sur les produits phytosanitaires et du maintien des certificats d’économies des produits phytosanitaires. De plus, en parallèle de la loi, le gouvernement a augmenté de 50 millions d’euros la taxe de redevance pollution diffuse. « Tout cela va nous créer de nouvelles charges et nous ne pouvons pas effectuer de transition écologique à coups de charges », souligne Éric Thirouin.
Des décisions satisfaisantes sur le bien-être animal
De nombreux autres sujets ont été abordés dans le deuxième titre de la loi. « Dans la restauration collective, concernant l’engagement d’une augmentation de l’utilisation de produits bio et locaux, la définition retenue nous convient, notamment en termes d’analyse de cycle de vie », souligne Étienne Gangneron, vice-président de la FNSEA. Il se félicite également que les mentions carnées ne puissent pas être utilisées sur des produits végétaux et que les menus végétariens dans les cantines n’aient pas été retenus : « nous avons évité que notre grand pays d’élevage s’oublie par une non-consommation de nos produits ».
« Sur le sujet des poules en cage, là aussi, nous avons réussi à faire entendre le point de vue des professionnels, même si tout n’est pas stabilisé, le texte de loi va globalement dans le bon sens », estime le vice-président. De nombreux débats ont concerné la vidéosurveillance en abattoir et la FNSEA apprécie la position modérée du gouvernement et des députés qui ont voté pour une expérimentation dans des abattoirs volontaires.
Concernant l’étiquetage sur les produits alimentaires, des modes de production et du nombre de traitements, voté par les députés, Étienne Gangneron estime qu’il faudra « faire comprendre au Sénat que cela va à l’encontre de l’expérimentation européenne en cours sur l’étiquetage des produits alimentaires ». Le syndicat précise cependant que « les avancées ne doivent pas masquer l’absence de réponse au besoin de compétitivité des agriculteurs qui sont, chaque jour, un peu plus soumis à une concurrence déloyale de leurs productions ».
Apasec
PHYTOSANITAIRES : pas de révolution, mais des évolutions
Le projet de loi portant sur l’équilibre des relations commerciales et l’alimentation examiné fin mai et adopté en première lecture par les députés le 30 mai, met en place de nouvelles dispositions concernant les produits phytosanitaires.
Séparation de la vente et du conseil
L’article visant à organiser, par ordonnance, la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires a été adopté, sans grande évolution par rapport au texte initial.
Fin des incitations commerciales
Les députés ont adopté l’article 14 qui interdit les incitations commerciales (ristournes et rabais) sur les produits phytopharmaceutiques et prévoit une amende administrative en cas de manquement à l’interdiction. Le texte donne compétence à la DGCCRF pour contrôler le respect des dispositions du texte.
Interdiction de certaines substances
La notion de néonicotinoïdes s’élargit à toutes les substances « ayant des modes d’action identiques », à l’exception de quelques produits de biocontrôle définis par la loi, comme le prévoyait le projet de loi en sortie de commission des affaires économiques. Les députés qui demandaient le retrait de l’article ont souligné une « surtransposition », incohérente avec les déclarations d’Emmanuel Macron.
Les biostimulants inclus dans les plans Écophyto
Les plans nationaux de réduction des produits phytosanitaires (Écophyto) devront inclure des « mesures tendant au développement des biostimulants », comme c’est déjà le cas pour les produits de biocontrôle. Les biostimulants sont définis comme des produits de « stimulation de la défense des plantes et/ou la stimulation de l’absorption de nutriments ».
L'expérimentation de l'épandage par drone élargie
Les députés ont adopté un amendement élargissant l’expérimentation de l’épandage par drone à toutes les cultures, et non plus seulement à la vigne ; l’expérimentation reste réservée aux surfaces présentant une pente égale ou supérieure à 30 %.
Les conditions d’usage des PNPP assouplies
Les députés ont adopté l’article plaidant pour la reconnaissance des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) pour développer leurs usages « qui sont aujourd’hui autorisés après une évaluation simplifiée des risques par l’Anses », a rappelé le ministre. Certaines substances naturelles considérées aujourd’hui comme PNPP vont être sorties du statut des AMM.
Plusieurs dispositions d’interdiction rejetées
D’abord, l’amendement du député Matthieu Orphelin qui visait à définir dans la loi l’engagement pris par le président de la République de sortir du glyphosate dans trois ans a été rejeté. Par ailleurs, le gouvernement a retiré en séance un amendement qui visait à encadrer l’utilisation de produits pharmaceutiques à proximité des résidences et des zones sensibles où vivent des personnes vulnérables. Enfin, les députés ont rejeté une série d’amendements visant à interdire l’importation de denrées alimentaires contenant des résidus de produits phytosanitaires proscrits dans l’Union européenne.