ÉTATS GÉNÉRAUX DE L'ALIMENTATION
Les avancées obtenues ne masquent pas toutes les inquiétudes

Une première étape vient d’être franchie par le projet de loi alimentation après le vote des députés. Le texte sera ensuite examiné au Sénat à partir du 26 juin. La FNSEA se félicite des avancées obtenues pour rééquilibrer les relations commerciales mais souligne que certains points restent à travailler.
Les avancées obtenues ne masquent pas toutes les inquiétudes

Après huit jours et huit nuits de débats et de votes, l'Assemblée nationale a adopté, le 30 mai, le projet de loi pour l'équilibre dans les secteurs agricole et alimentaire en première lecture. La FNSEA se félicite de ce vote qui est une première étape avant le passage du texte devant les sénateurs. Sur le premier chantier du texte de loi, qui concerne les relations commerciales, la FNSEA « partage l'ambition de cette loi, sur le plan économique, car les agriculteurs ont besoin de ramener du prix et de la valeur dans nos exploitations », rappelle Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA. L'organisation a porté plusieurs chantiers et notamment la notion d'indicateurs de coûts de production, « il a fallu se battre pour faire en sorte que ce ne soit ni Leclerc, ni Lactalis, ni Bigard qui fassent ces indicateurs à notre place », souligne Patrick Bénézit.

Deuxième point défendu par l'organisation, la construction du prix en marche avant, « les agriculteurs proposeront le contrat, c'est quelque chose de très important pour nous », estime le secrétaire général adjoint. La lutte contre les prix abusivement bas a également été un cheval de bataille pour la FNSEA, et elle a obtenu satisfaction avec l'encadrement des promotions, y compris pour les marques distributeurs, et le relèvement du seuil de revente à perte. « Il reste encore quelques points à améliorer au Sénat, comme le renforcement du rôle du médiateur pour lui permettre de saisir le juge en référé. Mais, globalement, ça va dans le bon sens, donc nous tenons à féliciter la mobilisation de notre réseau et le travail des parlementaires qui nous ont permis d'aboutir », affirme Patrick Bénézit. Il appelle cependant à rester vigilant : « les choses peuvent encore évoluer tant que la loi n’est pas complètement actée après son passage au Sénat. Il faut donc rester mobilisé ».

Pas d’interdiction du glyphosate

Sur le deuxième titre du projet de loi, qui concerne la qualité sanitaire et environnementale des produits alimentaires, le sujet des produits phytosanitaires a suscité de vifs débats. Éric Thirouin, secrétaire général adjoint de la FNSEA, estime que le syndicat a été entendu sur quelques points : « certains députés voulaient interdire le glyphosate, ça a été refusé, le gouvernement voulait imposer des zones de non-traitement, ça a également été refusé. Le contrat de solutions, le fait de dire pas d’interdiction sans solution a été entendu ». Les députés ont voté pour la séparation de la vente et du conseil, qu’il soit quotidien ou annuel.

Ils se sont également exprimés en faveur de la suppression des remises, rabais, ristournes sur les produits phytosanitaires et du maintien des certificats d’économies des produits phytosanitaires. De plus, en parallèle de la loi, le gouvernement a augmenté de 50 millions d’euros la taxe de redevance pollution diffuse. « Tout cela va nous créer de nouvelles charges et nous ne pouvons pas effectuer de transition écologique à coups de charges », souligne Éric Thirouin.

Des décisions satisfaisantes sur le bien-être animal

De nombreux autres sujets ont été abordés dans le deuxième titre de la loi. « Dans la restauration collective, concernant l’engagement d’une augmentation de l’utilisation de produits bio et locaux, la définition retenue nous convient, notamment en termes d’analyse de cycle de vie », souligne Étienne Gangneron, vice-président de la FNSEA. Il se félicite également que les mentions carnées ne puissent pas être utilisées sur des produits végétaux et que les menus végétariens dans les cantines n’aient pas été retenus : « nous avons évité que notre grand pays d’élevage s’oublie par une non-consommation de nos produits ».

« Sur le sujet des poules en cage, là aussi, nous avons réussi à faire entendre le point de vue des professionnels, même si tout n’est pas stabilisé, le texte de loi va globalement dans le bon sens », estime le vice-président. De nombreux débats ont concerné la vidéosurveillance en abattoir et la FNSEA apprécie la position modérée du gouvernement et des députés qui ont voté pour une expérimentation dans des abattoirs volontaires.

Concernant l’étiquetage sur les produits alimentaires, des modes de production et du nombre de traitements, voté par les députés, Étienne Gangneron estime qu’il faudra « faire comprendre au Sénat que cela va à l’encontre de l’expérimentation européenne en cours sur l’étiquetage des produits alimentaires ». Le syndicat précise cependant que « les avancées ne doivent pas masquer l’absence de réponse au besoin de compétitivité des agriculteurs qui sont, chaque jour, un peu plus soumis à une concurrence déloyale de leurs productions ».

Apasec

 

PHYTOSANITAIRES : pas de révolution, mais des évolutions

Le projet de loi portant sur l’équilibre des relations commerciales et l’alimentation examiné fin mai et adopté en première lecture par les députés le 30 mai, met en place de nouvelles dispositions concernant les produits phytosanitaires.

Séparation de la vente et du conseil

L’article visant à organiser, par ordonnance, la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires a été adopté, sans grande évolution par rapport au texte initial.

Fin des incitations commerciales

Les députés ont adopté l’article 14 qui interdit les incitations commerciales (ristournes et rabais) sur les produits phytopharmaceutiques et prévoit une amende administrative en cas de manquement à l’interdiction. Le texte donne compétence à la DGCCRF pour contrôler le respect des dispositions du texte.

Interdiction de certaines substances

La notion de néonicotinoïdes s’élargit à toutes les substances « ayant des modes d’action identiques », à l’exception de quelques produits de biocontrôle définis par la loi, comme le prévoyait le projet de loi en sortie de commission des affaires économiques. Les députés qui demandaient le retrait de l’article ont souligné une « surtransposition », incohérente avec les déclarations d’Emmanuel Macron.

Les biostimulants inclus dans les plans Écophyto

Les plans nationaux de réduction des produits phytosanitaires (Écophyto) devront inclure des « mesures tendant au développement des biostimulants », comme c’est déjà le cas pour les produits de biocontrôle. Les biostimulants sont définis comme des produits de « stimulation de la défense des plantes et/ou la stimulation de l’absorption de nutriments ».

L'expérimentation de l'épandage par drone élargie

Les députés ont adopté un amendement élargissant l’expérimentation de l’épandage par drone à toutes les cultures, et non plus seulement à la vigne ; l’expérimentation reste réservée aux surfaces présentant une pente égale ou supérieure à 30 %.

Les conditions d’usage des PNPP assouplies

Les députés ont adopté l’article plaidant pour la reconnaissance des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) pour développer leurs usages « qui sont aujourd’hui autorisés après une évaluation simplifiée des risques par l’Anses », a rappelé le ministre. Certaines substances naturelles considérées aujourd’hui comme PNPP vont être sorties du statut des AMM.

Plusieurs dispositions d’interdiction rejetées

D’abord, l’amendement du député Matthieu Orphelin qui visait à définir dans la loi l’engagement pris par le président de la République de sortir du glyphosate dans trois ans a été rejeté. Par ailleurs, le gouvernement a retiré en séance un amendement qui visait à encadrer l’utilisation de produits pharmaceutiques à proximité des résidences et des zones sensibles où vivent des personnes vulnérables. Enfin, les députés ont rejeté une série d’amendements visant à interdire l’importation de denrées alimentaires contenant des résidus de produits phytosanitaires proscrits dans l’Union européenne.

 

 

RELATIONS COMMERCIALES : quelles dispositions pour un meilleur équilibre ?

Le long marathon des débats à l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’agriculture et l’alimentation avait débuté par la question épineuse d’un rééquilibrage dans les relations commerciales entre les différents maillons des filières.

Les députés facilitent les révisions de prix
D’après le député LREM Grégory Besson-Moreau, l’article I qui porte sur la réforme de la contractualisation permet aux interprofessions de « mettre en place des révisions de prix annexées aux coûts de revient » dans les contrats types. L’article indique que des contrats peuvent mentionner « des critères et modalités de détermination et de révision du prix ». Les indicateurs utilisés dans ces critères de révision peuvent aussi être relatifs « à l’évolution des prix ». Selon le député d’En marche, ces dispositions doivent permettre d’éviter que ne se reproduise pas la pénurie de beurre de cet hiver dans les rayons des GMS qui n’avaient pas révisé les prix à la hausse avec assez de réactivité.
Les OP et interprofessions pourront échanger des informations stratégiques
Le texte de loi permettra de modifier le Code rural français afin d’y inclure les récentes évolutions de la jurisprudence européenne permettant l’échange « d’informations stratégiques » entre producteurs d’une même OP ou d’une même AOP. Le texte donnnait la possibilité aux interprofessions d’établir des « clauses de répartition de la valeur », comme prévu par le règlement européen Omnibus. Le projet de loi permet également de créer une « convention interprofessionnelle territoriale qui lie une coopérative ou une organisation de producteurs, un ou plusieurs transformateurs et un distributeur ». Cette convention est fixée pour trois ans minimum et définit « les prix de cession des produits objets de la convention et les modalités d’évolution des prix, les délais de paiement, les conditions de répartition de la valeur ajoutée de la production alimentaire au sein du territoire délimité par la convention, les conditions environnementales, sanitaires et sociales de la production ».
Des dispositions pour aller plus loin rejetées
Au cours de l’examen du projet de loi, les députés ont rejeté plusieurs amendements de l’opposition qui visaient à limiter les rapprochements non capitalistiques des enseignes de grande distribution, via les centrales d’achats. Cette proposition a été jugée contraire au droit de la concurrence par le rapporteur Jean-Baptiste Moreau. Par ailleurs, les propositions de certains députés pour mieux définir les notions de dépendance économique et d’abus de dépendance économique ont été rejetées au motif que la jurisprudence apportait déjà des réponses. De plus, le renforcement de cette notion risquerait de mettre en difficulté les PME selon le ministre, Stéphane Travert. « Le mieux est l’ennemi du bien », a commenté Jean-Baptiste Moreau. Ce qui a fait fortement réagir le député André Chassaigne (PCF) : « Vous reconnaissez que le renard est dans le poulailler et vous ne voulez pas faire de changement. Je suis effaré par ces propos ». « Il faut trouver un moyen pour bloquer la guerre des prix. Votre texte de loi ne donnera aucun résultat si vous ne le faites pas », a poursuivi André Chassaigne.