FILIERE EQUINE
« Notre futur dépendra de la gestion de la crise financière »

Julien Blot, président du syndicat des éleveurs de chevaux de sport de l’Ain.
« Notre futur dépendra de la gestion de la crise financière »

Le département de l'Ain compte environ 5500 équins. Les chevaux et poneys de sport sont les plus présents pour un effectif de 64% (23% pour les traits et 13% pour les chevaux de course). Bon nombre sont utilisés pour l'apprentissage dans les centres équestres et les poneys clubs, et vous pouvez les voir évoluer en compétition avec des cavaliers amateurs ou professionnels, par exemple au Jumping de Bourg-en-Bresse que vous connaissez tous.

 

En termes d'élevage de chevaux et poneys de sport, l'Ain est le 7ème département français avec 314 naissances annuelles, réparties dans 130 élevages. Soit une moyenne de 2.4 naissances par élevage. La Normandie et la Bretagne comptent le plus grand nombre d'élevages et de naissances, mais la typologie d'éleveurs est quasiment la même : 87% des élevages ont moins de 3 naissances par an, 9% entre 3 et 5 naissances et 4% des élevages ont plus de 5 naissances.


A la lumière de ces chiffres, il est clair que l'élevage de chevaux de sport est soit une activité complémentaire (autres activités agricoles, centre équestre, etc.), soit une passion pour des éleveurs souvent doubles-actifs.
Le nombre d'élevages et de naissances a énormément diminué entre 2008 et 2016, mais repart désormais à la hausse (+6% par an depuis 2017).

La filière du cheval de sport, complexe vue de l'extérieur, suit en réalité le cycle et le développement du jeune cheval. L'élevage (de 0 à 3 ans) puis la formation/valorisation (de 4 à 6 ans sur des épreuves spécifiques aux jeunes chevaux) puis enfin l'utilisation en compétition à partir de 7 ans. S'il existe du commerce à tout âge, l'immense majorité des chevaux sont vendus entre 5 et 6 ans. Le cycle de production est donc très long et difficilement rentable contrairement aux idées reçues. Seuls les meilleurs chevaux sont vendus à des prix « intéressants ». Dans le milieu de l'élevage nous disons « qu'à chaque génération, le meilleur cheval vendu paie les frais de tous les autres ».


Le cycle de l'élevage et celui de l'utilisation (compétition) sont donc intrinsèquement liés. L'Ain est un département d'élevage mais aussi et surtout un département de cavaliers compétiteurs (utilisateurs). Dans l'Ain nous comptons 314 naissances pour 2573 cavaliers, soit une naissance pour 8 cavaliers ! Ceci est une très bonne chose pour l'élevage, car nous avons une offre largement inférieure à la demande. Evidement nos chevaux aindinois se vendent dans toute la France et même au-delà, mais il n'en reste pas moins qu'une grosse partie de la clientèle se trouve déjà dans notre département.

Enfin la crise sans précédent de la COVID-19 a touché de plein fouet notre filière en rendant les rassemblements impossibles, ce qui implique : fermeture des centres équestres et écuries, annulation de toutes les compétitions/manifestations. L'impact financier sur les « utilisateurs » est donc colossal. L'élevage, lui, semble moins touché : en effet, le nombre de juments mises à la reproduction est stable, et notre cycle de production long (4 à 6 ans) ressent moins directement les conséquences d'un confinement par rapport à nos amis cavaliers, pour qui les conséquences ont été immédiates. Je pense qu'il est encore trop tôt pour pouvoir mesurer les conséquences de cette crise sanitaire sur l'élevage. Notre futur dépendra surtout de la gestion de la crise financière dans les 6 à 24 prochains mois : en effet, nous serons dépendants du pouvoir d'achat des cavaliers qui sont nos principaux clients et espérons toujours un retour de la TVA à 10% !

Julien BLOT
Président du syndicat des éleveurs de chevaux de sport de l'Ain