Portrait
Virginie Vallauri, une « happycultrice » à l’écoute des abeilles

Au rucher L’miel, à Pirajoux, pour Virginie et Laurent Vallauri, l’apiculture « est avant tout une passion, où se mêlent élevage, botanique et observation de notre environnement. » Apicultrice professionnelle, Virginie Vallauri pratique également l’élevage de reines et produit de la gelée royale. Rencontre.

Virginie Vallauri, une « happycultrice » à l’écoute des abeilles
Installée en 2020, l’apicultrice a aujourd’hui près de 400 ruches en production et maîtrise l’élevage des reines. ©PF

Petite-fille et fille d’agriculteurs, Virginie Vallauri le revendique, un grand sourire aux lèvres : « c’est dans les gènes ». Mais avant d’embrasser le métier d’apicultrice, son BTS ACSE et licence Pro en poche, elle sera salariée dans une ferme caprine, enchaînant par l’agroalimentaire au sein du groupe Bressor à Grièges, puis à Servas en tant que responsable d’atelier. « Mon conjoint avait des ruches en amateur. On s’est dit qu’il fallait développer le cheptel, apprendre et s’installer. » Ni une ni deux, Virginie travaille alors près d’un an avec Michel Coillard, apiculteur à Domsure, avant de s’installer en tant que professionnelle au 1er janvier 2020. Laurent, double actif, est conjoint collaborateur. 

Le couple est aujourd’hui à la tête d’un cheptel de 500 ruches à l’hivernage, « l’idée étant d’en avoir entre 350 et 400 en production », explique Virginie qui fait également de l’élevage de reines. Interrogée sur ses critères de sélection, elle répond : « On sélectionne des colonies qui répondent à nos exigences. La première étant la douceur, et la résilience, car on aura une abeille qui aura plus de capacités à faire des réserves dans la ruche et donc moins besoin d’être soutenue. L’autre partie du patrimoine génétique est fournie par les faux bourdons. Nous avons un rucher de fécondation, avec l’objectif d’élever des mâles pour saturer le rucher de fécondation. »

« On se forme en permanence ; il y a toujours des choses à tester »

Lorsque je l’interroge sur ce qui lui plaît chez l’abeille, Virginie Vallauri répond du tac au tac : « C’est vraiment son mode de fonctionnement qui est passionnant. Les abeilles vont tout faire pour la survie de la colonie. Elles sont multitâches. Si elles sentent que la reine est défaillante, elles vont décider d’en élever une autre. En Espagne, on l’appelle la madre (la mère). C’est vraiment très technique. On se forme en permanence. Il y a toujours des choses à tester. »

Virginie installe ses ruches principalement en Bresse et Revermont, ainsi que sur le plateau d’Hauteville et le Jura pour du miel de tilleul et miel de montagne. L’entente avec les agriculteurs est cordiale : « Les agriculteurs ont changé de mentalité, pour ceux que je connais du moins, ils sont très ouverts, et certains me sollicitent même pour placer mes ruches sur le colza. Cela permet de bénéficier aussi de couverts végétaux. »

2024, année de récolte catastrophique

Ombre au tableau, les apiculteurs vivent une année noire en matière de récolte. Et Virginie de déplorer : « L’année 2024 est catastrophique : trop de froid, trop de pluie… Nous avons perdu environ 60 % de la production, et sur le département c’est une baisse en moyenne de 50 à 60 %. » Le couple commercialise la majorité de la récolte en demi-gros, par le biais de revendeurs, ainsi qu’une petite partie en direct. « En 2023, on a pu vendre à des conditionneurs et depuis c’est bloqué », ajoute Virginie Vallauri. « Nous sommes dans un département riche en ressources mellifères, avec beaucoup d’apiculteurs. Donc c’est vraiment compliqué de faire face à la concurrence des apiculteurs amateurs. En tant qu’apiculteurs professionnels, on aimerait que soit mis en place un système d’agrément obligatoire pour garantir la sécurité alimentaire et la traçabilité. »

Impliqués dans la filière, Virginie et Laurent Vallauri sont tous deux techniciens sanitaires apicoles (bénévoles) pour le compte du GDS (Groupement de défense sanitaire) de l’Ain, ainsi que référents dans la lutte contre le frelon asiatique. Concernant le varroa, l’apicultrice précise : « L’important est d’intervenir au bon moment, avec le bon dosage. Des méthodes biotechniques fonctionnent très bien aujourd’hui. Ici on encage la reine, cage dans laquelle elle continue de pondre pendant 24 jours. On applique un produit à base d’acide oxalique – médicament avec autorisation de mise sur le marché (AMM) – très efficace car touche 90 % du varroa. » Et l’apicultrice de conclure : « C’est important de prendre le temps de se former car l’amélioration est notable sur la santé des colonies. »

Patricia Flochon