ORGANISME DE SELECTION CHAROLAIS FRANCE
« Il n’y a pas de modèle unique de charolaise »

Sortant de quatre ans de bouleversements engendrés par la mise en place du nouveau règlement zootechnique européen, l'OS historique Charolais France apparait aujourd'hui confortée. Une nouvelle gouvernance et un programme de sélection animé par un esprit filière devraient lui permettre de répondre aux besoins réels des éleveurs de charolais.
« Il n’y a pas de modèle unique de charolaise »

Un projet en phase avec la filière

L’organisme de sélection (OS) Charolais France a tenu son assemblée générale le 28 juin dernier à Charolles. Une réunion qui a permis de prendre la mesure de tout le travail accompli depuis quatre ans alors même que la race a dû affronter la mise en place du nouveau règlement zootechnique européen (RZUE). En réussissant à conserver 93% de la charolaise unie, Charolais France a joué son rôle historique d’organisme rassembleur. Plus que jamais « partenariale, collégiale et ouverte », l’OS en a profité pour se doter d’une nouvelle gouvernance en « osant mettre un terme aux trois collèges bloquants qui l’empêchait d’avancer », se félicite le président Hugues Pichard. A la place, deux pôles, l’un « développement » regroupe l’ensemble des entreprises de sélection (Herd Book, Charolais Univers et Auriva) ; l’autre « valorisation » regroupe l’ensemble des acteurs partenaires de l’OS (label rouge, AOC, Institut Charolais, Coop de France, France Conseil Elevage, Elvéa France, Chambres d’agriculture, fédération des stations, SAS Charolais Expansion). La composition de ces deux pôles garantit un meilleur équilibre entre les partenaires avec, par exemple, l’intégration d’Elvéa (commerce privé). Un souci d’équité et de pluralisme pour un meilleur reflet de la diversité de la filière, justifie Hugues Pichard.

Esprit filière

L’autre fait marquant de la nouvelle organisation est d’être structurée autour d’un projet de filière. « Parce que le charolais, ça se mange ! », argumente le président avec cette question cruciale : « quelle vache veut le consommateur ? ». C’est pour cette raison que le pôle « valorisation » a prix beaucoup d’ampleur dans l’organisation de l’OS. L’esprit filière guide désormais le programme de sélection de la charolaise. Un programme que l’OS entend bien faire évoluer pour répondre aux attentes des consommateurs tout en respectant les spécificités des bassins de production. Avec l’impératif d’une production rémunératrice avec des plus values (lire encadrés).
Dans le même ordre d’idée, avec un certain nombre de partenaires dont l’INRA, l’Institut de l’Elevage et des acteurs de la filière, Charolais France conduit un projet « tendreté de la viande ». L’objectif en est de mettre au point un index pour prédire la tendreté de la viande des animaux et donc d’affiner la sélection sur ce critère.

La Charolaise sur tous les fronts !

Face aux nombreux bouleversements que traverse l’élevage et la génétique, Charolais France soigne plus que jamais la promotion et la représentation de la race auprès des pouvoirs publics, des interprofessions, des organismes techniques et professionnels, du public. « Nous allons partout où la charolaise a besoin d’informations. A Paris, Cournon, c’est là où tous les présidents se croisent. Le Festival du Bœuf est aussi un évènement incontournable pour Charolais France. Nous y rencontrons des bouchers, des clients de la filière, des apprentis bouchers… », expliquait Hugues Pichard. Parmi les avancées qui se sont jouées à Paris, le président se félicitait de la création de GENEVAL, la nouvelle structure collective d’indexation qui, née du désengagement de l’Etat à financer l’indexation, a permis de préserver un prix unique à tous les éleveurs. L’OS est également très vigilante sur le sanitaire ; « la clé de voûte de tout commerce », rappelait Hugues Pichard. Pour l’avenir, Charolais France entend moderniser ses outils afin qu’ils continuent de répondre aux besoins réels des éleveurs. Dans un souci de renouvellement des générations, elle aimerait aussi ouvrir le livre généalogique, « avec un livre novateur qui donne envie d’y participer », conclut Hugues Pichard.

Marc Labille

Des orientations qui portent leurs fruits

Pour Hugues Pichard, l’adaptabilité de la charolaise aux différents marchés est aujourd’hui prouvée et elle le doit à sa grande diversité de modèles.

 

Pour réajuster son programme de sélection, l’OS a commandé une analyse de données d’abattage (Normabev) émanant de 8,5 millions d’animaux abattus sur dix ans. De ces données, il faut retenir que 75% de ces bovins avaient un père connu et que 72% d’entre-eux sont de pères inscrits. Les poids des carcasses des vaches sont en augmentation certes, mais avec une amélioration de la conformation. Autre enseignement : le poids de carcasse moyen de 413 kg correspond finalement à celui que demande la filière (420 kg). Ces données encourageantes confirment que les orientations prises par Charolais France ont un impact sur l’ensemble de la population charolaise via la diffusion des taureaux HBC, font valoir les responsables de l’OS. « Les performances globales de la population charolaise suivent celles de la base de sélection. La génétique est un levier d’action efficace pour orienter la race », conclut la directrice Florence Marquis.

Pas un modèle mais des modèles

L’étude montre que les poids de carcasses et conformations différent selon les régions. L’Est de la France, par exemple, fait abattre des vaches de carcasses plus légères tandis que le sud-ouest préfère des animaux plus lourds et plus conformés. « Cette diversité n’est pas anodine », souligne Florence Marquis. « Cela prouve l’adaptabilité de la charolaise aux marchés grâce au fait qu’il n’y a pas de modèle unique de charolaise », complète Hugues Pichard. « La diversité du marché montre que nous n’avons pas intérêt à standardiser la race », poursuit Florence Marquis. Le futur programme de sélection définira bien « un socle commun de la charolaise » (génétique certifiée, facilité d’élevage, qualités laitières, conformation…), mais il s’agira aussi de « segmenter la génétique en travaillant avec la filière pour produire les modèles répondant aux différents marchés ».

 

« Collectivement, mettre notre charolais en avant »

Lors de la dernière assemblée générale de l’OS, Emmanuel Pilorge de l’association Charolais Label Rouge a témoigné des nouvelles perspectives suite aux Etats Généraux de l’Alimentation. Il a notamment évoqué l’instauration d’une contractualisation obligatoire pour le label avec un indicateur de prix prenant en compte le coût de production. Reste à éclaircir la nature de l’engagement de la part de la grande distribution… Sachant que cette dernière n’est pas friande de ce genre de chose, tempérait le président d’Elvéa France Philippe Auger qui craignait aussi que l’objectif de 40% de la viande en label ne soit de nature à banaliser le produit. Pour le président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Christian Bajard, « les lois issues des EGALIM sont malgré tout une opportunité pour faire changer les choses, alors même qu’on ne pourra plus compter sur le soutien de la PAC et que la loi du marché a démontré ses limites avec des prix à la consommation qui n’ont jamais été liés à la production ». Un changement de mentalité de ceux qui vendent la viande s’impose.
La problématique est aujourd’hui de trouver comment on valorise les 57% de viande qui partent dans le haché, faisait remarquer le président de la FDSEA. De son côté, le responsable élevage à la Chambre d’agriculture Frédéric Borne évoquait la fragilité économique des GMS et l’augmentation de la consommation de viande bovine hors foyer. Ce dernier est à l’origine d’une réflexion au sein du bureau de la Chambre d’agriculture qui vise à cerner « les éléments qui contribueraient à ce que la race tire mieux son épingle du jeu », révélait le président Bernard Lacour. Une contribution saône-et-loirienne au travail de l’OS. « Il faudrait qu’on arrive collectivement à mettre le charolais en avant, fort de ses labels, AOP Bœuf de Charolles, IGP Charolais de Bourgogne… », reprenait Christian Bajard. Quitte à se payer collectivement un commercial grâce à un coup de pouce de la Région, espérait-il. Mais il faut aussi que les plus-values soient suffisantes pour faire vivre les éleveurs. Car il y a urgence !, alertait le président de la FDSEA.