SYNDICALISME
« Nous voulons une Europe stratège »

Jeunes agriculteurs (JA) et la FNSEA sont convaincus du rôle et de l’importance de l’UE. Sans Europe forte l’agriculture française ne peut pas être compétitive dans le marché mondialisé. La PAC, politique fondatrice de l’UE, doit rester une priorité avec des moyens renforcés afin de faire face aux enjeux économiques, géopolitiques et climatiques. Réponses d’Aude Geiger (JA) et de Franck Sander (FNSEA).

« Nous voulons une Europe stratège »
Franck Sander, FNSEA. Copy FNSEA

Que pensez-vous du Dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’Union européenne (UE) ? 

Aude Geiger : « Le rapport qui en est issu a permis de dégager des consensus et de mettre en lumière différents enjeux cruciaux : les actifs et le défi générationnel ; la place des agriculteurs dans la chaîne de valeur ; les besoins de financement. Les propositions sur ces sujets sont une bonne chose mais il faut maintenant que ce rapport se traduise rapidement en actes concrets. » 

Franck Sander : « Nous avons cependant des réserves très fortes sur un certain nombre d’affirmations, concernant la consommation de viande par exemple. Aujourd’hui notre tâche est de proposer et de défendre notre propre projet et notre propre vision de l’agriculture, qui nous permettra d’orienter les discussions sur le budget et sur la PAC dans le bon sens. Nous avons 100 jours pour le faire ! » 

Selon vous quelles sont les raisons de la défiance des agriculteurs face à l’Europe ?

A. G. : « Les retards de paiements de certaines aides, notamment les aides à l’installation et les aides à l’investissement, en sont une raison. Mais les agriculteurs ont aussi de plus en plus de mal à accepter l’excès de normes européennes et le verdissement à marche forcée alors que dans le même temps nous autorisons l’importation de denrées qui ne respectent pas ces normes. »

F. S. : « Les manifestations à travers toute l’Europe ont fait bouger les lignes. La Commission a répondu à notre besoin de simplification, en permettant à toutes les régions de sortir des contraintes sur les prairies permanentes dès 2024 ou encore par la suppression des 4 % de jachères obligatoires. Il faut aller plus loin ! »

Quelle est votre action au niveau européen ?

A. G. : « Jeunes Agriculteurs est membre du CEJA. Le CEJA a été particulièrement impliqué ces derniers mois dans les travaux du Dialogue stratégique. Cela a permis via notre implication de longue date au CEJA de porter au plus au haut niveau nos propositions, par exemple des aides tournées vers les actifs. »

F. S.: « Ces dernières années nous avons été très présents à Bruxelles pour expliquer aux parlementaires européens français nos positions, en lien avec notre organisation européenne, le COPA. Beaucoup de choses se sont jouées dans la dernière ligne droite par les votes, et c’est ainsi que nous avons pu remporter des victoires décisives sur la PAC ou sur les règlements du Green Deal. La FNSEA est armée pour mener ce type d’actions au profit des agriculteurs ! »

Qu’attendez-vous de l’Europe ?

A. G. : « L’UE doit être une force et non synonyme de contraintes. Jeunes Agriculteurs inscrit sa conception de la souveraineté agricole dans une dimension européenne. L’Europe doit se doter, à nouveau, d’une véritable ambition agricole. Notre attachement à l’Europe ne nous empêche pas pour autant d’être exigeants envers elle. Nous demandons une harmonisation des normes relatives à l’agriculture au niveau européen. L’Europe sociale, souvent annoncée toujours retardée, doit-elle devenir réalité. Une Europe protectrice doit enfin voir le jour. En multipliant les accords de libre-échanges, l’UE laisse les agriculteurs et les consommateurs démunis face à des modèles complétement différents au niveau mondial. Des clauses-miroirs doivent être appliquées et leur mise en œuvre effective doit être vérifiée. Protéger c’est aussi anticiper les crises. L’Europe doit permettre l’anticipation des crises climatiques, sanitaires, économiques, politiques, etc. afin de ne pas mettre en péril son agriculture. » 

F. S.: « Nous voulons une Europe stratège car le nouveau contexte géopolitique impose de veiller à ce que la production agricole européenne tienne toute sa place dans les échanges commerciaux internationaux. Nous voulons également une Europe prospère qui permette de rémunérer le travail des agriculteurs au bon niveau, tout en veillant à des conditions d’exercice du métier acceptables. Nous voulons aussi une Europe durable qui soutienne et développe non seulement la production alimentaire, mais aussi la production de biomasse et la bioéconomie, au cœur de la lutte contre le changement climatique. » 

Actuagri