DÉMOGRAPHIE
Bovins lait : une érosion démographique particulièrement aiguë

D'après les observations de l'Idele, le taux de remplacement des éleveurs laitiers est plus faible que parmi l'ensemble des agriculteurs. Cela n'est pas dû à la faiblesse des installations mais plutôt à une vague de départs qui s'explique par l'histoire de la filière. L'attractivité du métier d'éleveur, elle, se maintient.

Bovins lait : une érosion démographique particulièrement aiguë

C'est un constat bien connu, celui du vieillissement des chefs d'exploitation. En 2000, 32 % des chefs d'exploitation laitière avaient plus de 50 ans, c'est 48 % aujourd'hui dont 28 % de plus 55 ans. « Ce déséquilibre démographique ne vient pas des entrées, il vient des départs », a démontré Christophe Perrot, chargé de mission à l'Idele (institut de l'élevage), venu présenter les résultats de l'Observatoire des actifs travaillant dans les exploitations laitières à l'occasion d'un colloque organisé par le Cniel à Sées (Normandie). L'Observatoire travaille depuis deux ans sur l'évolution démographique de la population d'éleveurs à partir des données de la MSA et de la BDNI (base de données nationale d'identification animale).

Une baisse inédite depuis les quotas

Le secteur laitier bovin reste le premier secteur en termes d'emploi agricole non salarié, mais le nombre d'actifs diminue de 2,9 % chaque année, alors que la moyenne des secteurs agricoles est de 1,3 %. En prenant en compte tous les systèmes de polyculture-élevage, la réduction du nombre d'actifs est encore supérieure : 4 % par an en moyenne depuis 2016. Un taux inédit depuis l'entrée en vigueur des quotas laitiers qui avait été suivie de départs massifs. « En 1988, juste après la mise en place des quotas laitiers, on était à 50 % de plus de 50 ans. En 2000, on est passé à 32 % sous l'effet d'une politique massive d'aides au départ et de préretraite/installation qui a eu pour conséquence de réduire drastiquement le nombre d'actifs mais aussi de les rajeunir de façon spectaculaire », analyse le chargé de mission. Ces actifs qui se sont installés en grand nombre dans les années 1990 arrivent à la fin de leur carrière aujourd'hui. Le chercheur observe des disparités entre les régions : la Bretagne et les départements du Sud-Ouest sont particulièrement touchés par le vieillissement, contrairement à la Franche-Comté, l'Alsace et Rhône-Alpes qui comptent plus de jeunes éleveurs.

Une filière toujours attractive

Le taux de remplacement des départs en moyenne nationale est de 45 %. « C'est de loin le plus mauvais taux de remplacement du secteur agricole français », commente Christophe Perrot. Il est de 71 % en moyenne, tout secteur agricole confondu, et dans le lait, il atteint presque 100 % pour les élevages ovins et caprins. Selon les observations de l'Idele, ce faible taux de remplacement ne s'explique pas par le manque d'attractivité de la filière mais par la vague des départs : « Le flux à l'installation, contrairement à ce qu'on peut penser, est relativement stable et fort ». Avec environ 2 000 installations chaque année, le secteur laitier est le premier secteur d'installation pour les moins de 40 ans, et 19 % du total des installations agricoles se font dans le bovin lait. Cependant, les nouvelles installations ne suffisent pas à compenser les départs. Autre source d'inquiétude, la réduction du nombre d'actifs se couple à une diminution du taux de croissance des exploitations et d'une accélération de la décapitalisation des cheptels. « À l'horizon 2030, 441 000 vaches laitières pourraient disparaître », prévient Christophe Perrot qui rappelle que la moitié des producteurs de lait de 2018 auront quitté le secteur en 2027.

JG