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“ L’ambroisie ne cesse de s’étendre ”

Avec son port dressé et son feuillage très découpé et de couleur uniforme, l’ambroisie ressemble à une plante comme toutes les autres, pourtant le danger de son pollen pour la santé est réel. Le point avec Frédéric Caray, chargé de mission environnement à la Fredon Auvergne-Rhône-Alpes.

“ L’ambroisie ne cesse de s’étendre ”
©Fredon Aura

Comment l’ambroisie s’est-elle installée dans notre pays ?

Frédéric Caray : « La colonisation de l’ambroisie en France a démarré vers 1860 dans l’Allier. Son arrivée résulte de plusieurs vagues accidentelles, la première venant d’importations de plants de légumineuses d’Amérique du Nord. La deuxième vague est arrivée avec la Première Guerre mondiale, et les fourrages apportés par les soldats américains pour leurs animaux. La troisième vague tient au développement de cultures aux caractéristiques similaires à l’ambroisie, comme le tournesol, compliquant ensuite son élimination. Aujourd’hui, la région Auvergne-Rhône-Alpes est la plus touchée de France, notamment le long des fleuves Loire et Rhône mais aussi des grands axes de circulation. La colonisation de l’ambroisie ne cesse de s’étendre à d’autres régions, comme par exemple la Bourgogne-Franche-Comté. La France est loin d’être un cas unique : des Balkans aux pays baltes pour l’Europe mais aussi en Chine, l’ambroisie est présente partout. »

Quelles sont les conditions propices au développement de l’ambroisie ?

F.C. : « L’ambroisie se développe dans des situations de sols remaniés. Cela concerne les zones de chantier, les friches industrielles, mais aussi le milieu agricole par le retournement régulier des terres. L’ambroisie ne se répand pas par multiplication végétative, mais par l’action de l’Homme lors du transport de terre ou encore de l’action d’engins agricoles ou de chantier. Dans son milieu naturel, elle est transportée via les cours d’eau. Avec le réchauffement climatique, l’ambroisie parvient à se développer de plus en plus en altitude, jusqu’à 1 000 m. Les graines d’ambroisie ont plusieurs cycles de levée, d’avril à juin, avant de mourir à l’automne. La difficulté, c’est qu’un pied peut porter jusqu’à trois-mille graines qui tombent au pied de la plante. Il suffit qu’un engin agricole par exemple passe derrière à l’automne et dissémine les graines pour voir en quelques années toute une parcelle colonisée. Le problème, c’est que certaines graines restent viables plus de dix ans ! »

Quels risques sanitaires engendre l’ambroisie ?

F.C. : « Un décret de 2017 a permis d’inscrire trois espèces d’ambroisie comme nuisibles à la santé humaine dans le Code de la santé publique. Ce décret se justifie par le caractère très allergisant du pollen d’ambroisie, classé à un niveau 5 - sur une échelle allant jusqu’à 5 - par les autorités de santé. Les symptômes sont les mêmes que pour le rhume des foins à la différence qu’ils apparaissent en août-septembre : rhinites, conjonctivites, trachéites. Pour une personne sur deux, une allergie au pollen d’ambroisie se conjugue avec l’apparition ou l’aggravation de l’asthme. D’après l’Observatoire régional de la santé, le coût annuel en matière de santé pour la région Auvergne-Rhône-Alpes est de quarante millions d’euros. On estime que 9 % de la population régionale est allergique au pollen d’ambroisie, un chiffre qui monte à 21 % dans les zones les plus colonisées. Concernant les animaux, on sait que les chiens sont sujets aux mêmes types de symptômes que les êtres humains. En revanche pour les animaux d’élevage, aucune réaction allergique n’a pour l’heure été observée. »

Propos recueillis par Pierre Garcia