ABATTOIRS
La Chine claque la porte aux abattoirs européens

Plusieurs abattoirs européens dont un français ont été déréférencés par les autorités chinoises et ne peuvent plus exporter en Chine. Si les conséquences semblent limitées à l’échelle de l’abattoir des Crêts (Ain), elles présagent du pire pour la filière porc française. 

La Chine claque la porte aux abattoirs européens
Thierry Thénoz, président de la section porc à la FDSEA de l’Ain et président d’Interporc Rhône-Alpes. ©L'Ain agricole

Le 26 août dernier, l’Ifip, l’institut du porc, annonçait le déréférencement de plusieurs abattoirs européens pour l’exportation vers la Chine dont l’abattoir français des Crêts (groupe Carrel), situé à Bourg-en-Bresse (Ain). Une décision politique selon Thierry Thénoz, président de la section porc à la FDSEA de l’Ain et président d’Interporc Rhône-Alpes : « Le contexte en Chine fait que le prix du porc s’est effondré. Aujourd’hui, il est autour de 1,80 – 2 € le kilo alors que le coût de production en Chine avoisine les 3,10 €. Donc forcément, ils perdent de l’argent et le gouvernement chinois a décidé de fermer le robinet aux importations chinoises et le meilleur moyen, c’est de déréférencer les outils ». Une décision qui pourrait être dramatique pour le marché européen : « Le risque pour la filière, c’est l’engorgement du marché en Europe. Les Espagnols ont beaucoup développé la production du porc  alors que les vannes se ferment. Il va y avoir un afflux de viande sur le marché européen à des prix défiant toute concurrence. Cette fermeture du marché chinois est une mauvaise nouvelle qui s’explique par des déséquilibres de prix dus à une explosion des abattages en Chine. En France, nous avons résisté et amorti le choc grâce au « porc français », mais aujourd’hui la digue risque de céder. » 

Un effet ciseau inquiétant 

Plus inquiétant encore, un effet ciseau entre le coût de production et le prix de vente pourrait s’accentuer à l’avenir si le cours du porc ne remonte pas. « Les Chinois sont dans la même dynamique que les Russes il y a quelques années, leur volonté, c’est d’être autosuffisants, voire d’exporter à l’avenir. On peut craindre une nouvelle baisse du prix quand en même temps on a un coût de l’alimentation élevé car le cours des céréales est haut. Nous subissons un effet ciseau comme on en a rarement connu. À cela s’ajoute la hausse du prix des matières premières liée à la pénurie. Si on fait le bilan, nous arrivons aujourd'hui à plus de 15 € de pertes par rapport au coût de production. Nous perdons de 10 à 20 € par porc produit sans perspective de baisse du coût de l’aliment », craint Thierry Thénoz. En plus de ce déréférencement, les autorités chinoises ont annoncé la visite en visioconférence d’autres outils. Cinq abattoirs français seraient dans le collimateur et inscrits sur la liste des prochaines visites prévues dans les dix prochains jours selon Stéphane Carrel, directeur de l’abattoir des Crêts : 2 outils Cooperl, 1 Bigard, 1 Abera et 1 Kermené, tous hors région Auvergne-Rhône-Alpes. « Ces visioconférences sont censées porter sur la Covid-19, mais derrière ces contrôles, il peut y avoir autre chose car les normes chinoises sont particulières. C’est une grosse pression pour les outils contrôlés », précise Stéphane Carrel. Une annonce qui fait également craindre la pire à Thierry Thénoz : « Aujourd’hui, tous les abattoirs qui ont fait l’objet d’un audit ont été déréférencés donc on peut craindre pour les prochaines visites »

Margaux Legras-Maillet