ENVIRONNEMENT/COLLECTIVITES
Epandage des boues : ça devient de plus en plus compliqué

Très encadré, l’épandage des boues de stations d’épuration présente un double intérêt : agronomique pour l’agriculture et économique pour les collectivités. Un service rendu à la société pourtant loin d’être reconnu à sa juste valeur.
Epandage des boues : ça devient de plus en plus compliqué

« Près de 70 % des boues françaises sont épandues en agriculture. Et c'est certainement la solution la plus vertueuse ! », rappelle Christian Buatier, du bureau d'études Ager Conseil, en charge de l'analyse des boues de la station d'épuration de la ville de Bourg-en-Bresse ; boues qui font l'objet d'un épandage encadré depuis 25 ans (soit 124 600 tonnes épandues depuis 1994 sur 100 000 ha). En 2019, ce sont quelques 6 676 tonnes de boues (pour 2 129 tonnes de matière sèche) qui ont été épandues sur 548 ha de parcelles agricoles. Des boues qui sont scrupuleusement analysées en application de la réglementation en vigueur afin de vérifier si elles sont conformes à la norme. « Ces analyses portent sur la valeur agronomique, les éléments traces métalliques (ETM), les bactéries et parasites. Les sept métaux analysés présentent des niveaux très faibles. Les boues de Bourg sont très en-dessous des valeurs au niveau national. L'apport de chaux est un élément déterminant par rapport à leur utilisation. La chaux vive permet de détruire l'ensemble des bactéries », précise Christian Buatier. A la question, faut-il continuer à utiliser ces boues, il affirme sans hésitation : « C'est une solution beaucoup plus intéressante et surtout moins contaminante que les engrais phosphatés. Les boues, qui sont souvent montrées du doigt, participent très peu aux apports de métaux dans les sols ».

Des boues de plus en plus boycottées par les contrats de filière

Si l'épandage est interdit sur cultures maraîchères, il est toujours autorisé sur les parcelles destinées aux céréales. Invité à l'assemblée générale du syndicat des utilisateurs de boues chaulées de la ville de Bourg-en-Bresse le 13 février dernier, Philippe Lefèvre, de la coopérative Oxyane (née de la fusion en 2017 de Terre d'Alliances et du groupe Dauphinoise), explique : « L'attente sociétale concernant la santé et le souhait de manger des produits « sains » est en plein essor. Elle est notamment très forte sur l'aspect production de blé. Les cahiers des charges se durcissent. Par exemple pour du blé de la filière CRC (culture raisonnée contrôlée), il y a interdiction d'épandre des boues pendant dix ans sur les parcelles. Pour la norme Afnor, qui sera demain le standard de production du blé, il est interdit d'utiliser des boues l'année de la culture du blé. A Oxyane, on propose du CRC depuis 2018, environ 30 000 tonnes, et 100 000 tonnes en Afnor. Pour le blé Afnor, avec les rotations de cultures on arrive à gérer. Avec d'autres cahiers des charges, c'est plus compliqué. Nous avons même essayé de discuter avec le CRC sur la problématique des composts végétaux mais cela été impossible, c'était NON. Le poids que nous avons régionalement sur la question, il est zéro. Et ces contraintes de cahiers des charges ne vont que s'accentuer encore. Demain ce sera surement la même chose pour le maïs destiné à l'alimentation humaine. Donc ne croyez pas que c'est une folie de la part de la coopérative, ce n'est pas vrai. Et je crains que l'épandage agricole des boues ne soit à long terme condamné ». Et Christian Buatier de préciser : « Un comité national sur l'épandage des boues de stations d'épuration a été mis en place en 1990. Il faudrait lancer un nouveau cahier des charges « citoyen » et que l'Etat se prononce en faveur d'une qualité de céréales qui se base sur les analyses ».

Patricia Flochon

L’épandage des boues en pratique 

Quatre périodes d’épandage des boues de la station de Bourg : en mars, avril, fin juillet – début août et début septembre. Le transport et le dépotage en bout de parcelles sont assurés par la SAS Cérétrans. La reprise, l’épandage et l’enfouissement sont réalisés par la Cuma Le Chatelet (Saint-Etienne-du-Bois), la Cuma de Saint-André-sur-Vieux-Jonc et la Cuma de Servas-Lent.
La décision de diriger les boues en épandage agricole n’est prise que lorsque les résultats d’analyses des ETM sont connus. Un plan de fertilisation est mis en place.   Trente analyses de contrôle des sols sont réalisées chaque année (fertilité et teneur en métaux lourds) sur les parcelles témoins.