CONFÉRENCE
Christiane Lambert : « Je refuse le déclin de l’agriculture française ! »
À l’initiative de Claude Laurent et de Marc Pariot, le Rotary de Bourg-en-Bresse a convié le lundi 27 novembre Christiane Lambert, l’ancienne présidente de la FNSEA, à tenir une conférence sur le thème de l’agriculture et de l’alimentation de demain.
Connue pour son franc-parler et son inlassable combat pour l’agriculture et ses acteurs, Christiane Lambert n’a pas déçu un auditoire de plus de cent personnes réunit dans le nouveau conservatoire de musique de Bourg-en-Bresse. Après avoir quitté en avril dernier la présidence de la FNSEA (2017-2023), elle représente et défend désormais les agriculteurs européens en tant que présidente du Copa (1).
« Oui, nous avons besoin de produire plus… »
Travailleuse, elle connaît ses dossiers autant que les arcanes d’un pouvoir politique et administratif dont elle dénonce « les renoncements, les atermoiements, les lenteurs et les contradictions ». Depuis 1980 et son adhésion au CDJA du Maine-et-Loire, elle a vécu le recul de notre agriculture nationale passée en vingt ans de la deuxième à la cinquième place au titre des puissances agricoles du monde. Pourtant, « riche de ses hommes et de ses femmes mais aussi de son sol et de son climat tempéré » l’agriculture française, aujourd’hui reléguée, a longtemps été montrée en exemple. « Nous refusons de subir le sort qu’a connu notre industrie et qu’à grand-peine, après l’avoir abandonné, nous cherchons maintenant à reconstruire », dénonce Christiane Lambert. Oui, nous avons besoin de produire plus et à plus d’un titre. D’abord en raison de l’augmentation de la population mondiale qui de 7 milliards d’humains actuellement passera à 9 milliards dans les trente ans qui viennent. La présidente du Copa alerte : « aucune frontière, aucune mer n’arrêtera ceux qui ont faim ». Notre souveraineté alimentaire est une autre raison supérieure de développer notre capacité à produire. Cette exigence peu à peu oubliée « s’est brutalement imposée à tous depuis l’agression par la Russie de l’Ukraine ». Alors que l’Europe baisse la garde sur sa capacité à produire des denrées agricoles, « Poutine augmente la sienne pour ajouter à son arme énergétique celle de l’alimentation ». Récemment, avec un cynisme assumé, la Russie a livré des bateaux de céréales à certains pays de l’Afrique pour s’assurer de leur vote aux Nations Unies ! Comment nos sociétés et nos dirigeants ne voient-ils pas le risque que fait peser sur notre indépendance le recul de notre outil de production agricole ? La présidente du Copa relève qu’en vingt-cinq ans la vallée du Rhône a perdu la moitié de sa production de fruits pendant que leur consommation sur la même période n’a pas cessé de croître. Aujourd’hui, 50 % des fruits et des légumes consommés en France sont importés. Des fruits et légumes produits de surcroît avec des normes sanitaires et environnementales bien moins contraignantes que celles imposées aux producteurs français. « Résultat, au nom d’un libre-échange dérégulé, nous faisons manger à nos enfants des cantines scolaires des aliments produits avec des traitements interdits en France ! », condamne Christiane Lambert.
De bonnes raisons de croire en l’avenir
En dépit de ces constats préoccupants, l’ancienne présidente de la FNSEA reste optimiste même si elle déplore le difficile renouvellement d’une génération vieillissante. L’agriculture, pour peu qu’elle soit soutenue par les pouvoirs publics nationaux et européens est un secteur porteur de solutions notamment dans la recherche par les consommateurs d’un approvisionnement sécurisé et de proximité. Elle est aussi source d’énergie dont Christiane Lambert pense que le secteur peut doubler sa capacité actuelle de production décarbonée et s’ouvrir de nouvelles perspectives économiques. On le sait, le défi de l’agriculture sera désormais celui « de concilier performance économique et performance écologique ». Deux exigences qu’elle refuse d’opposer. Les nouveaux outils à la disposition des agriculteurs, notamment les outils connectés, les drones, l’intelligence artificielle, mais aussi la formation des hommes et des femmes pour en maîtriser l’immense étendue, représentent une nouvelle « révolution silencieuse ». La précédente, celle des années 50, pensée par les responsables agricoles d’alors et encadrée par des pouvoirs publics stratèges et visionnaires, avait permis à la France de se hisser au rang des premières puissances agricoles du monde. « La France et l’Europe seront-elles à la hauteur de ce nouveau rendez-vous avec l’histoire ? », questionne Christiane Lambert.
(1) Comité de défense des producteurs agricoles européens