Pas moins de 600 unités de méthanisation devraient être installées d’ici 2035 en Auvergne-Rhône-Alpes. Un défi de taille pour les signataires de la charte Ambition biogaz.
La région Auvergne-Rhône-Alpes compte à ce jour 153 unités de méthanisation en fonctionnement. La charte Ambition Biogaz 2028 signée le 18 décembre dernier à L’Isle-d’Abeau en Isère fixe le cap à 600 unités d’ici 2035. L’enjeu est donc d’accélérer les installations pour passer d’une quinzaine par an à une quarantaine. C’est ce à quoi s’emploient les signataires de cette nouvelle charte : la Région Auvergne-Rhône-Alpes, l’État, l’Ademe, GRDF, GRTgaz, la chambre régionale d’agriculture, BPIfrance et Auvergne-Rhône-Alpes Environnement. Ils ont été rejoints par l’association régionale des syndicats d’énergie départementaux Tera. L’État a fixé l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Cela passe par une réduction de moitié de la consommation de gaz fossile et le développement des énergies renouvelables de l’ordre de 60 %. « La méthanisation fait partie des leviers, indique Thierry Kovacs, vice-président de la Région, délégué à l’environnement et à l’écologie positive. Produite localement, elle est un facteur de développement économique et d’emploi. Nous sommes une grande région agricole qui produit beaucoup de méthane. Il nous faut nous passer de gaz d’importation, mais la souveraineté énergétique ne doit pas se faire au détriment de la souveraineté alimentaire. »
Tarifs et assouplissements
Cependant, la filière méthanisation régionale, composée aux trois quarts de méthaniseurs agricoles, doit s’affranchir de certains freins pour pouvoir accroître sa production. Le premier levier présenté par Sylvain Pelleteret, secrétaire général adjoint aux affaires régionales de la préfecture de région, est la réévaluation du prix du rachat du biométhane de 12 % (arrêté du 10 juin 2023) et un engagement de révision de ce prix deux fois par an. Le deuxième facteur facilitant est l’assouplissement des conditions de subventions, indépendamment du tarif de rachat du gaz, mais aussi un assouplissement des règles de délais de raccordement en cas de contentieux. Reste que les projets de méthanisation représentent des investissements colossaux, de l’ordre de 5 millions d’euros par installation. « Il existe des financements et des aides à l’innovation », souligne Yvan Demars, directeur du réseau Auvergne-Rhône-Alpes de BPI France. Un soutien qui se traduit aussi par des prêts sans garantie pour les nouveaux projets. Le montant des aides (1) peut couvrir jusqu’à 15 % du projet et le retour sur investissement serait de l’ordre de huit à quinze ans. À condition que les tarifs de rachat du gaz soient à la hauteur, comme c’est de nouveau le cas. Alors, la méthanisation représente une source de revenus complémentaire pour l’agriculture. « Les chambres d’agriculture sont en cela un partenaire incontournable, notamment pour l’accompagnement des agriculteurs dans l’adaptation de leurs pratiques et la maîtrise des gisements : effluents d’élevage, cultures intermédiaires etc », a souligné Gilles Brenon, vice-président de la chambre d’agriculture de l’Ain.
Biogaz deuxième génération
Si l’État souhaite massifier ses énergies décarbonées et à plus forte raison la méthanisation, l’équation revient aujourd’hui à diversifier les sources d’énergie. Ce biogaz de 2e génération est d’ailleurs un des points de la nouvelle charte. Guilhem Armanet avance des pistes de gaz bas carbone nouvelle génération, notamment à travers le procédé de pyrogazéification, largement alimenté par les résidus de bois. La question de l’élargissement porte sur les nouveaux types de déchets, et notamment sur l’évolution des stations d’épuration et la valorisation des biodéchets. Enfin, le secrétaire général adjoint de la préfecture de région, indique que la loi pour l’accélération de la production d’énergies renouvelables prévoit la création de zones d’accélération dans les territoires. Il s’agit d’un outil d’aide à la décision au service des collectivités pour l’implantation la plus appropriée de projets de productions d’énergies renouvelables. Quant à la question essentielle de la pertinence de la méthanisation pour l’agriculture, le propos du vice-président de la chambre d’agriculture de l’Ain est clair : « la méthanisation ne doit pas être un alibi au maintien de l’élevage, elle doit demeurer une source de revenu complémentaire. Mais si l’on souhaite maintenir la souveraineté alimentaire, il faut que les agriculteurs vivent de leur activité première, c’est-à-dire de l’élevage ! »