CONFERENCE
Quels enjeux pour nourrir durablement la planète à l’horizon 2050 ?

Dans le cadre de son centenaire, le lycée agricole de Cibeins proposait une série de conférences les 9 et 10 mai, invitant à s’interroger et débattre sur l’évolution des pratiques d’élevage, le bien-être animal, les nouvelles technologies…, mais aussi plus globalement sur les enjeux liés à l’avenir de l’agriculture.
Quels enjeux pour nourrir durablement la planète à l’horizon 2050 ?

Afin de répondre à l'épineuse question : « pourra-t-on dans les décennies à venir nourrir correctement et durablement l'humanité toute entière ? », le député européen Michel Dantin, Marc Dufumier, professeur émérite à AgroParisTech, Hervé Guyomard, directeur scientifique à l'Inra et Yannick Fialip, président de la FDSEA de Haute-Loire, étaient invités à apporter leur éclairage sur le sujet.

Pour Marc Dufumier, la réponse est clairement : « oui ». « Il faut entre trois et dix calories végétales pour fabriquer une calorie animale. La production végétale va donc plus que doubler d'ici 2050. Aujourd'hui la terre compte quelques 6,7 milliards d'humains, dont environ 800 millions d'entre eux victimes de la faim. Pour nourrir correctement les gens, il faut produire environ 200 kg de céréales par habitant et par an. La production mondiale aujourd'hui est de l'ordre de 350 kg. Il y a donc un surplus de nourriture, mais certains n'y ont pas accès... », souligne-t-il. La cause de la faim et de la malnutrition demeure l'écart de revenus au niveau mondial.

Enjeux sociaux, économiques et politiques

Pour Hervé Guyomard, la réponse est plus mitigée : « c'est possible, mais ça n'est pas gagné... ! ». Et d'expliquer : « Il s'agit surtout d'un problème d'accès à la nourriture, d'accès sécurisé, dans le temps et dans l'espace. Il va falloir jouer sur l'offre et la demande, assurer l'équilibre entre les exportations et les importations et éviter les pertes et les gaspillages ; changer les comportements. Les facteurs sociaux, économiques et politiques sont à prendre en compte ». Quant à la question de l'augmentation de la production, il ajoute : « historiquement, c'est 85 % par les rendements et 15 % par les surfaces disponibles au niveau mondial. Une des grandes questions est : comment concilier augmentation des rendements et changement climatique ? ».

Pour ce qui est du rôle de la recherche, Hervé Guyomard affirme que « la génétique fait partie du changement, pour augmenter la durabilité environnementale et économique il ne faut exclure aucun levier » ; regrettant dans le même temps que « la recherche publique ne donne pas suffisamment de moyens à l'innovation ; il nous faut trouver de nouveaux dispositifs pour que l'innovation soit co-construite avec tous les acteurs, à l'Inra, on développe l'innovation « ouverte ».

Pour Yannick Fialip, la question des prix et de la rentabilité reste une question majeure pour l'avenir de l'agriculture française. S'interrogeant sur la capacité de l'Europe à mener un projet agricole pertinent, il martèle : « il faut construire le prix agricole, du producteur au consommateur. Or la France a fait le contraire depuis 50 ans. Les Etats généraux de l'alimentation avaient cet objectif mais l'on s'aperçoit que l'idée de départ s'effiloche. Les seules productions qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu sont les appellations d'origine. Il est primordial de remettre en place des filières sur les territoires. Chaque année les agriculteurs investissent 13 milliards d'euros pour moderniser leurs exploitations, la France les accompagne à hauteur de 600 M€... ».

Patricia Flochon