REPORTAGE
Christian Novel l’eleveur qui arpente les berges du canal du Rhône

Christian Novel l’eleveur qui arpente les berges du canal du Rhône

Depuis 1984, un partenariat lie Chrisitan Novel, éleveur ovins à Brens dans le Bugey à la compagnie nationale du Rhône (CNR) pour l'entretien des berges et les aménagements du fleuve.
Il est debout depuis 4h30 Christian Novel, comme chaque matin. Dans son paisible et verdoyant village de Brens où coule le Rhône, il va surveiller les agnelages dans ses 2 bergeries et donner à manger à ses agneaux avant de faire le tour des prés avec son fidèle chien Mistral, un Border Collie qu'il a lui même dressé.
« C'est très compliqué de mener à bien un bon troupeau avec la masse. Le mouton est un animal qui nécessite un gros travail de manipulation. Il faut être costaud » confie l'éleveur avec le sourire.

Passionné par l'élevage

Alors qu'il finissait ses études à l'ISARA (l'Institut supérieur d'agriculture Rhône-Alpes), le projet d'aménagement hydraulique du Rhône avec la construction d'un canal artificiel de dérivation alimentant le fleuve s'achevait dans le Bugey. Ce canal était entouré de talus végétalisés pour le rendre plus attractif et stabiliser les digues. Christian, passionné par l'élevage voit une annonce de la CNR qui cherchait des éleveurs pour mener à bien un entretien pastoral des berges, pas d'animal lourd, mais avec des moutons. L'idée lui plaît. Il remplit un dossier.

Installé en 1984

A Brens dans le Bugey, Christian Novel arpente ses prés avec son chien de troupeau Mistral qu’il a lui même dressé.

 

« Ça n'a pas été simple au départ car il fallait justifier d'une SMI (Surface Minimum d'Installation). J'avais peu de terrain,
12 ha, pas assez pour enclencher le processus des aides à l'installation. Puis il y a eu la cessation d'activité d'agriculteurs. Nous avons partagé le sommet de Brens avec un autre éleveur. J'ai commencé avec 100 brebis ». Aujourd'hui, Christian exploite 90 ha de prairie permanente et 80 ha de surface pastorale sur Brégnier-Cordon et Belley. Il possède un troupeau de 500 brebis allaitantes de race Ile de France qui élèvent leurs agneaux pendant 2 à 3 mois. Ils sont ensuite engraissés jusqu'à la vente. Le taux de renouvellement des brebis est de 20%. Chaque année Christian achète 3 à 4 béliers chez un sélectionneur pour renouveler les reproducteurs. Un bélier peut saillir jusqu'à 40 brebis.

L'agnelage, une grosse activité

6 mois sur 12 l'éleveur est occupé par l'agnelage de fin novembre à début mai. Environ 420 mises bas ont lieu chaque année représentant 700 agneaux nés. « Au début je dormais dans ma bergerie mais plus maintenant, je fais des allers-retours ». Christian avoue ne plus compter les heures lors des périodes de mises bas. « J'arrive à 100 heures par semaine. Il faut isoler chaque brebis avec ses agneaux pendant quelques jours et s'assurer de leur bonne adoption. Parfois je dois compléter l'allaitement avec du lait en poudre, notamment en cas de triplés voire de quadruplés ». L'agnelage est une période critique au niveau sanitaire. Il faut gérer les problèmes de mammite et de maladies contagieuse. « Cette année j'ai eu un virus, des croûtes sur la bouche des agneaux, un souci qui m'a pourri la saison, donc je traite ». Christian est un perfectionniste, il l'avoue. « J'ai la culture de la performance, horreur de l'échec. Chaque année je pense à ce que je vais pouvoir améliorer l'année suivante ».

Ce n'est jamais terminé

Lorsqu'il a fini son travail dans les bergeries, Christian est en extérieur. Il surveille ses troupeaux dans les prairies.
« Je fais parfois jusqu'à 20 km à pied pour les changer de prés et plusieurs fois par semaine. C'est important d'être régulier dans l'alimentation. Mes agneaux sont calibrés, légers, je ne fais pas la semaine de trop ». D'un geste assuré, l'éleveur palpe quelques agneaux au niveau des côtes. « C'est à cet endroit que je vois s'ils sont bons. Ils ne doivent pas être trop gras. Il faut trier toutes les semaines. Une semaine avant, l'agneau n'est pas assez fini, une semaine de plus, il est trop gras ».

Le parent pauvre de la vache

Le mouton n'est pas facile : c'est un animal à chagrin comme on dit. Tout semble bien aller et d'un seul coup on peut le perdre. La liste est longue des soins qu'il faut lui apporter : vaccins, vermifuges, traitements individuels, parage des pieds et bien sûr la tonte deux fois dans l'année. Faite par un professionnel elle a un coût et on ne s'enrichit pas avec la laine. Mais c'est par amour du métier que Christian continue à se lever chaque matin. Dans un souci de développement durable, il déplace régulièrement son troupeau dans les parcs pour qu'il broute les digues. D'avril à décembre les animaux restent sur les berges.
Lors des sorties en famille les promeneurs croisent les moutons sur la vélo-route qui traverse sur deux portions la Balme et Brégnier-Cordon, deux parcs de pastoralisme. Ils trouvent cela sympathique pour l'environnement... même si parfois les enfants rentrent avec les chaussures crottées !

Yolande Carron

Gigotin c’est les agneaux de l’Ain

 

Les agneaux sont le principal produit de l’exploitation. Ils sont vendus à la Cobra (coopérative des bergers réunis de l’Ain). Ils répondent au cahier des charges de la marque Gigotin. Quant à la laine qui reste un sous produit elle est commercialisée via le syndicat ovin de l’Ain.

 

 

Et la retraite Christian ?

 

La réponse est claire : « pas de visibilité sur le court terme. Sans doute encore 8 années aux alentours des 68 ans vu que j’ai fait des études et je me suis installé tard ». Dans l’immédiat, il va attaquer les foins. Continuer la gestion de ses pâturages, entretenir ses 15 km de clôtures, surveiller son cheptel, toujours avec le même plaisir et regarder partir ses agneaux toutes les 3 semaines. Mais là, le visage se ferme… Depuis 1984 que Christian fait ce métier il a du mal. « Ah ! ça j’avoue que c’est toujours un problème, je n’aime pas les voir monter dans le camion, je ne m’y ferai sans doute jamais ».