Chambre d'agriculture
Dernière session de l’année sur fond de grogne
A quelques encablures des futures élections des chambres d’agriculture, la dernière session plénière de l’année de la chambre d’agriculture accueillait le président de Chambres d’agriculture France, Sébastien Windsor.
Un rendez-vous auquel n’ont pas manqué de participer les députés, sénateur et sénatrice du département, Xavier Breton, Jérôme Buisson, Marc Chavent, Sylvie Goy-Chavent et Patrick Chaize. Après avoir rappelé qu’il y a six ans, en début de mandature, les sujets de préoccupations majeures étaient déjà les mêmes (nécessité de renforcer la rentabilité des exploitations par le biais de la loi EGALim, nécessité d’obtenir de la reconnaissance de la population, d’abroger la surtranspositions des normes, de lutter contre la prédation ou encore de stabiliser et renforcer la situation économique de l’agriculture), le président Michel Joux soulignait : « Ces mêmes sujets sont encore d’actualité aujourd’hui. Nous avons progressé collectivement depuis quelques mois, les acquis que nous avons engrangé sont réels mais pas encore suffisants. Les promesses et les engagements de l’ancien gouvernement doivent être tenus » ; poursuivant avec fermeté : « le cri d’alarme du monde agricole de ces derniers mois doit se transformer en véritable changement de paradigme en faveur de la profession ! » Le président de la chambre d’agriculture de l’Ain prône également la mise en œuvre d’un contrat de confiance entre les agriculteurs et la société, ainsi que le rejet de l’accord UE-Mercosur.
Entre une situation sanitaire critique avec des élevages lourdement touchés par la FCO entraînant des pertes économiques directes (mortalités) et indirectes (pertes de production) importantes, des conditions climatiques très défavorables impactant tant la qualité que les rendements des céréales d’automne, fourrages et vignes, des attaques de prédateurs sur le bétail en hausse…, l’agriculture est fragilisée. Concernant le loup, Michel Joux, rappelait que « cette année, on dénombre 76 victimes à ce jour, contre 42 en 2023. Tout doit être mis en œuvre pour arriver à l’objectif Zéro attaque, zéro victime. Et je reste persuadé que maîtriser la prolifération de l’espèce est la meilleure des solutions ! »
« Produire plus pour assurer la souveraineté alimentaire »
Et le président de Chambres d’agriculture France, Sébastien Windsor, de commenter : « Il faut qu’on retrouve la capacité d’accompagner l’agriculture française, tout en continuant à livrer notre empreinte environnementale. Il faudra l’accompagner à produire plus pour assurer la souveraineté alimentaire, accompagner la décarbonation, et produire des matériaux renouvelables pour alimenter nos industries. » Sur le sujet de la loi de finances, il enchaîne : « dans le projet de loi, on a des réponses à un certain nombre de demandes du monde agricole, comme par exemple un renforcement de la dotation pour l’épargne de précaution ; des éléments autour de la retraite du monde agricole ; l’exonération de droits de succession de plus-values professionnelles pour ceux qui céderaient à des jeunes agriculteurs… La loi d’orientation agricole va redémarrer au sénat le 11 décembre, avec des éléments autour de la formation, de l’installation, de la transmission et de l’accompagnement des cédants. On va bientôt approcher la moitié des jeunes qui ne sont pas issus du monde agricole, et on ne doit pas les accompagner de la même façon. »
Et de citer un certain nombre d’autres dossiers d’importance, qui feront l’objet de la plus grande vigilance : le conseil stratégique phytosanitaire, qui doit être revu, « faute de quoi on sera dans une impasse pour renouveler le Certiphyto aux agriculteurs » ; ou encore la possibilité d’utiliser les drones dans un certains nombres de traitements phytosanitaires… ; avant d’ajouter : « c’est aussi la toute dernière session pour moi car nous rentrons en campagne électorale. Je souhaite que l’on ait une campagne électorale dans le respect des uns des autres et des débats centrés sur les besoins de l’agriculture et non sur des querelles de chapelles. »
Soutien financier de l’Etat…
Chantal Mauchet, la préfète de l’Ain, a quant à elle débutée son intervention par des remerciements appuyés à la chambre d’agriculture « pour la qualité de nos relations ». Et d’ajouter : « Dans le contexte de mobilisations actuel, je tiens à souligner l’esprit de responsabilité du monde agricole et à souligner le travail de partenariat avec la gendarmerie, dans un esprit de confiance. » Tout en se faisant fort de rappeler que le gouvernement a identifié 70 mesures prioritaires, elle affirmera que : « l’intégralité de ces mesures a été engagées. Toutes les promesses seront respectées. L’Etat agit en soutien au monde agricole. »
Sur le volet sanitaire (FCO, MHE, peste porcine africaine), elle précisera que le fonds de 75 M€ indemnisant les pertes directes liées à la FCO-3 a été élargi aux pertes directes ovines liées à FCO-8… C’est aussi la commande de 2 millions de vaccins supplémentaires pour la FCO-3, en plus des douze millions commandés en 2024. Et de rappeler, sur le volet du soutien économique au monde agricole, les prêts exceptionnels de trésorerie ainsi que des prêts à taux bonifié de long terme annoncés par la ministre de l’agriculture, pour les exploitations affectées par des récoltes plus faibles. Dans l’Ain l’Etat s’est engagé à un dégrèvement partiel de 20 % de la TFNB pour les parcelles classées en culture et de 50 % pour les vignes sur le périmètre de l’AOC Bugey ; représentant 770 000 €, hors viticulture (encore en cours d’estimation). Le montant total des aides Pac représente quant à lui un montant de 70 M€. Pour l’année 2025 le projet de loi de finances prévoit près de 400 M€ d’allégements fiscaux : suppression de la hausse de la fiscalité sur le gazole non-routier ; hausse du taux de dégrèvement sur la TFNB ; ou encore revalorisation de dispositifs fiscaux favorisant la transmission d’exploitations. Le projet de financement de la sécurité sociale prévoit la prise en compte des 25 meilleures années pour la retraite agricole. Le premier ministre a annoncé un renforcement de la transparence sur les marges appliquées dans la grande distribution. Quant au Mercosur, la préfète ajoute : « Le Premier ministre a réaffirmé son opposition à l’accord actuel, de même que l’Assemblée nationale à une grande majorité, et le Président de la République, lors de son récent déplacement en Argentine, a redit que la France « ne signerait pas, en l’état, le traité ».
… et promesses de simplification normative
Sur le sujet de la simplification normative et du contrôle administratif unique, la préfète se veut rassurante : « À ce contrôle unique sera adossée la création d’une charte du contrôleur, faisant là aussi écho aux nombreuses demandes de la profession. De même, au moyen de la loi du 15 avril 2024, les agriculteurs sont davantage préservés des recours abusifs, résultant de conflits de voisinages ; l’agriculture a été inscrite dans la liste des secteurs de métiers en tension, simplifiant la réponse au besoin de main d’œuvre ; et le Premier ministre s’est engagé avec fermeté dans la lutte contre la surtransposition de normes européennes qui pénaliseraient la compétitivité agricole. On pourrait également citer la publication du décret de simplification relatif aux curages de fossés. Nous avons aussi créé un service agricole unique qui offre un premier guichet pour accompagner les agriculteurs dans leurs démarches. »
Et Michel Joux de rebondir : « cela montre que suite aux mobilisations de ce printemps et de cet automne, les choses ont bougé. On avance. Il faut que ça bouge, réellement et rapidement. »
Patricia Flochon
Ils ont dit...
Julien Quinard, secrétaire général de la chambre d’agriculture
« Nous travaillons en chambre régionale sur le dossier Prospect ’Aura 2040. Nous avons pu ce matin mettre les bases de ce travail qui va nous permettre de nous projeter. Deuxième point : le désir et l’envie de simplification. C’est mon troisième mandat ; dix-huit ans de mandat de chambre d’agriculture. La simplification administrative, c’est un cheval de bataille. Je pense que le compte n’y est pas. On voit encore, ces derniers jours, la grogne des agriculteurs. Sur la transmission des exploitations, notamment en viticulture, on voit de plus en plus des situations dramatiques par la faute d’une fiscalité inadaptée. En 1980, on avait 1,2 millions d’agriculteurs . En 2024 ils sont 400 000. Les déclarations pour le gel sont ouvertes ; ça permettra à certains qui ont tout perdu de pouvoir survivre. »
Lionel Manos, président du comité agricole de territoire montagne
Lionel Manos de pousser un coup de gueule : « C’est l’histoire d’un jeune lynx qui est né en 2015 sur la commune de Thoiry. Et puis un jour il est réapparu dans la Dombes à Saint-Paul-de-Varax et ensuite il a été aperçu sur la commune de Marlieux ; et ensuite un peu plus loin. Il s’est arrêté à Francheleins. Il est aussi passé dans certains élevages (porcs et volailles plein air). Une association, Athéna, a semble-t-il été missionnée par la préfète pour prélever ce lynx. Une association qui en réalité aurait une convention avec la Dreal, mais qui se dit missionnée par la DDT. Moralité de cette histoire : on n’écoute pas les gens de terrain. On aimerait que ça cesse et qu’on entende les agriculteurs qui connaissent leurs territoires. » Ce à quoi répondra la préfète, Chantal Mauchet : « c’est un lynx qui était blessé, donc ce n’est pas un arrêté préfectoral, mais une habilitation ministérielle qui a été délivrée à l’association Athéna pour le capturer et le soigner avant de le relâcher sur le massif du Jura. »
Jonathan Janichon, président de la FDSEA
« Les choses n’avancent pas. On peut parler je crois aujourd’hui d’une maladie de la production. La France produit de moins en moins. Où sont ces fameux objectifs de production qu’on avait présenté en début d’année. On nous a fait des promesses, mais concrètement l’objectif n’y est pas. Concernant la simplification on est encore loin du compte. Le schéma EGALim nous tient à cœur depuis plusieurs années. En 2015 on a pu avoir une grande avancée sur cette loi. Nous sommes en 2024 et malheureusement il en manque encore. »
Gaëtan Richard, élu référent Energie Climat
Revenant sur le forum Climat, organisé dernièrement par la chambre d’agriculture aux lycée des Sardières : « Les projets sont en train de naître, et il n’y a jamais eu autant de projets dans le département de l’Ain. Les jeunes sont intéressés par le beau métier qu’est le nôtre. Il y a un gros enjeu sur le fait de redorer le métier d’agriculteur. Arriver à ramener de la main d’œuvre que ce soit dans les exploitations ou les filières est également un enjeu important. »
Xavier Fromont, membre de chambre
« Le problème principal des agriculteurs, c’est le revenu, et la question des prix. C’est ça qui les a mobilisés. Cela veut dire planification des productions pour donner aux agriculteurs des visions de long terme. Sur la question de la FCO, on a beaucoup parlé des pertes directes. Je voudrais qu’on mette en avant les pertes indirectes. Quand on perd une brebis laitière en production, on perd la transformation de toute la lactation de la brebis et les brebis qui se sont remises ne démarrent pas en lactation. Les montants qui nous ont été annoncés aujourd’hui ne permettent pas d’y faire face. Cela ne suffit pas. »
Gilles Brenon, vice-président de la chambre d’agriculture
« Je remercie madame la préfète d’avoir signé cette dérogation aux dates d’épandage. Concernant les avancées suite aux mobilisations de ce début d’année, un certains nombre de demandes ont abouti, mais on s’aperçoit que huit à neuf mois plus tard ça n’est pas suffisant. Et en attendant certains agriculteurs ont des trésoreries qui fondent comme neige au soleil. Autre sujet, qui revient régulièrement : l’ambroisie. Nous aurons une réunion le 13 décembre en préfecture. L’ambroisie, c’est l’affaire de tous. Il y en a assez que les agriculteurs en supportent les conséquences systématiquement. »
Justin Chatard, président des Jeunes Agriculteurs
« On vit une situation difficile dans les campagnes. Des jeunes installés prennent de plein fouet une crise agricole et ont des épées de Damoclès au-dessus de la tête. Oui, notre métier on en est fiers, mais c’est important que réellement on donne un souffle d’air à ces jeunes-là. Nous n’avons jamais eu autant d’agriculteurs en difficulté, notamment dans le département. »
Xavier Breton, député, vice-président de l’assemblée nationale
« Je retiens l’expression du président Windsor, le monde agricole se sent aujourd’hui perdu. A cette crise sanitaire, il ne faut pas que l’on rajoute une crise politique. Il faut prendre nos responsabilités et que notre pays ait un budget. Il ne faut pas être dans la politique du pire, et ne pas laisser tomber le monde agricole. »
Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France
A propos du revenu agricole : « Nous avons des situations extrêmement compliquées et difficiles, mais il faut reconnaître qu’on a certaines filières où cela se bien. Je suis producteur de porcs et la filière se porte bien. Mais on constate des situations contrastées. Près de 30 % d’agriculteurs en plus arrivent dans nos cellules Réagir (dédiées aux dossiers des agriculteurs en difficultés, NDLR) ».
Directive Nitrates : « Quand on commence à être obligés d’avoir l’intervention du premier ministre pour déplacer les dates d’épandage, cela veut dire que l’on a raté quelque chose en amont ! »
La taxe additionnelle sur le foncier non bâti : « On va se battre pour essayer de corriger les choses. Il faut que soit pris en compte le nombre de productions concernées dans une chambre d’agriculture. Je remercie les élus, comme les collaborateurs, pour votre engagement. L’agriculture n’a jamais eu autant besoin des chambres qu’en ce moment. Ne lâchez rien et restez engagés. »
P.F.
Convention de partenariat avec le Groupement de gendarmerie de l’Ain
« Un partenariat essentiel » insiste la préfète Chantal Mauchet. « Cela nous permet mutuellement d’être très actifs. Les gendarmes sont notamment allés au contact de tous les éleveurs de volailles de Bresse. Par ailleurs l’alerte sms est quelque chose de très efficace. » Selon Philippe Ravoyard, lieutenant-colonel du Groupement de gendarmerie de l’Ain, « cette convention nous permet de vous apporter un service sur-mesure, propre aux différents territoires de l’Ain. D’où l’intérêt d’avoir un partenariat qui soit très territorialisé. L’échange doit se faire au plus près. Important d’avoir une réappropriation territoriale, auprès d’une population, de concitoyens qui sont pour nous des partenaires. Ces conventions là sont un premier pas, et vont cadrer des relations qui doivent reprendre, entre le monde agricole et les gendarmeries dans toutes leurs diversités. »