Filière ovine
L’élevage ovin : un métier qui se conjugue au féminin
Si elle est originaire de l’Isère, c’est dans l’Ain que Marie Monin a décidé de s’installer il y a près de deux ans, en élevage ovin. Une installation actée le 1er janvier 2023 sur la commune de Thézillieu dans le Bugey, où elle reprend une partie du cheptel d’un éleveur qui prend sa retraite. Rencontre.
A 35 ans, dotée d’une solide formation et expérience professionnelle (après un BTS Productions animales suivi de deux licences professionnelles « Développement et conseil pour les filières ovines » et « Responsable d’atelier de productions fromagères de terroir », ainsi qu’une école d’ingénieurs à Clermont, elle sera conseillère ovine et installation durant quatre ans à la chambre d’agriculture de l’Isère, puis salariée dans une ferme drômoise (brebis, vaches et porcs) la jeune femme semble aujourd’hui pleinement épanouie dans son métier d’éleveuse.
Eleveuse de brebis allaitantes et de brebis laitières, elle gère un cheptel de quelques 200 ovins, sur une SAU de 64 ha de prairies permanentes situées dans un rayon d’un kilomètre autour de l’exploitation. Les agneaux sont élevés à l’herbe et commercialisés en vif à des particuliers et quelques négociants. Et l’éleveuse de préciser : « Je vends mes agneaux du sevrage jusqu’à six – sept mois, voire plus. J’aimerais faire plus de vente directe, mais c’est compliqué faute d’abattoir à proximité. Je prévois de faire des caissettes, mais je ne vais pas pouvoir tout vendre. » Depuis le printemps dernier, dans son labo de transformation, elle fabrique une gamme de fromages de brebis savoureux (yaourts, tomme, feta, caillé doux, fromages blancs…) commercialisés au magasin de producteurs Patur’Ain à Château-Gaillard, a des revendeurs (épiceries, commerces locaux) ou encore le vendredi après-midi chez Fleur Mallet, maraîchère à Rossillon.
Une conduite du troupeau au rythme des saisons et de la nature
Sur l’exploitation, les journées de Marie sont bien rôdées. Une heure de traite tous les matins, puis transformation fromagère le reste de la matinée. Un élevage qui a pour particularité d’avoir plusieurs races, telles la Lacaune, la Manech tête rousse (et croisées des deux races) pour les laitières, ainsi que des brebis allaitantes issues d’un troupeau déjà croisé avec plusieurs races et des béliers Hampshire.
Nourri à l’herbe est au foin, le cheptel bénéficie d’une alimentation bio. « C’était déjà le cas auparavant. Je souhaite que les brebis mangent un maximum d’herbe. Donc l’an passé elles sont rentrées mi-janvier en bergerie. Dans le secteur on a beaucoup de haies qui forment de très bons abris naturels », précise l’éleveuse, avant d’ajouter à propos de la reproduction : « J’ai opté pour la monte naturelle, à l’automne. J’ai deux béliers en race allaitante et un en race laitière. C’est un choix qu’elles mettent bas toutes en même temps quand elles ont de l’herbe et aussi pour une période de moindre activité l’hiver. »
Marie Monin a opté pour un système économe en aliment concentré. « Les races allaitantes sont peu prolifiques, mais ce sont des bêtes rustiques capables d’élever seules leurs agneaux. Je voulais un troupeau assez simple à conduire. Mais je n’ai pas tout misé sur elles. A la reprise de la ferme, je n’aurais pas pu avoir que des allaitantes, ça ne passait pas économiquement. Mais je souhaitais les maintenir car elles sont complémentaires aux laitières. L’idée étant de faire un maximum de lait à l’herbe, non pas des bêtes ultra productives, mais adaptées à mon système. La ferme m’a plu car il y a beaucoup de surface. Les bêtes suivent le rythme des saisons », confie l’éleveuse pour qui il est important de travailler en adéquation avec son environnement. Son objectif : atteindre 200 à 220 litres transformés par brebis.
Deux chiennes de protection pour le troupeau
Si le loup a déjà sévi deux fois cette année sur la commune, l’élevage de Marie Monin est pour l’heure épargné, mais l’exploitation n’en est pas moins protégée. Le troupeau est regroupé la nuit dans des parcs électrifiés et deux chiennes veillent : Tatsi, deux ans, de race Berger de Maremme et des Abruzzes, reconnu pour ses qualités exceptionnelles de berger ; et Tikkah, du même âge, une Cao de gado transmontano, race dont l’histoire est intimement liée à la protection des troupeaux. Et Marie, très attachée à ses chiennes, d’expliquer : « Elles sont nées en bergerie. Je les ai beaucoup sociabilisées du fait notamment de la proximité avec le voisinage. »
En conclusion, Marie confie : « Ces deux premières années d’installation ont été très intenses : la mise en place, la transformation fromagère, et aussi gérer la fièvre catarrhale ovine. J’ai perdu 28 bêtes et une bonne trentaine qui ont été bien malades mais qui se sont remises. »
Patricia Flochon