PORTRAIT
« Quand on a vu partout ailleurs, on se dit qu’on est quand même bien chez soi »
Elsa Pivard est une jeune agricultrice qui a repris avec son frère l’exploitation familiale à Dortan. Mais son premier choix professionnel était tout autre. Zoom sur cette personne qui a décidé de faire le tour du monde avant de se rendre compte qu’on n’est jamais aussi bien que chez soi.
« Quand j’étais à l’école, j’étais un peu l’intello de la classe. J’étais forte en maths, en physique et dans les langues étrangères. » Elsa Pivard est une jeune femme qui a décidé de reprendre l’exploitation de son père et de son oncle avec son frère, Oscar Pivard, le 1er janvier 2022. Mais ce mode de vie n’était pas son premier choix : « Quand je suis arrivée en terminale, je ne savais pas quoi faire de ma vie. On m’a dit d’aller en prépa pour me donner deux ans de plus pour savoir ce que je veux faire de ma vie. » Elle a alors débuté ses études supérieures à l’école préparatoire du lycée du Parc à Lyon, spécialisée en mathématiques. « C’est l’une des meilleures écoles préparatoires de France », précise l’exploitante. Après avoir passé les concours, Elsa Pivard a été acceptée à l’ENSAE, l’École nationale de la statistique et de l’administration économique, pour travailler dans le milieu de la data science et de la modélisation. Mais l’exploitante ne s’est pas cantonnée à la routine étudiante parisienne. « J’ai fait ma dernière année en double diplôme avec l’université de Berlin. C’était sur la partie économie », explique la jeune femme. Après son master, Elsa Pivard hésitait à poursuivre ses études en passant son doctorat, mais certaines personnes n’étaient pas d’accord avec son choix : « Je voulais un doctorat en lien avec l’environnement, mais les professeurs voulaient que je fasse un sujet classique sur l’économie libérale. » Elle s’est alors arrêtée au master.
Revoir sa vision de l’agriculture
Lors de sa dernière année, Elsa Pivard a décidé d’apprendre le russe. En 2021, à la suite de l’obtention de son diplôme, elle part en Biélorussie pendant deux mois pour faire des cours intensifs de russe. « À partir de là, je suis partie un an et demi dans les pays de l’ex URSS. J’en ai profité pour revoir toutes mes idées de base sur l’agriculture. Ça m’a permis d’aller dans la Lettonie profonde avec une vieille grand-mère. Tous les matins on avait une vache à traire qui faisait huit litres de lait par jour. On la trayait à la main matin et soir », décrit Elsa Pivard. Là a été le déclic : « C’était super thérapeutique de voir ce que c’était comme contrainte, et aussi de voir qu’il n’y a pas que du mal à la mécanisation. » En effet, l’apparition de la robotisation dans la profession a permis aux femmes d’être plus autonomes dans leur travail et de pouvoir porter des charges plus lourdes. La mécanisation permet aussi aux hommes de limiter les blessures musculaires, liées au temps et aux charges lourdes.
Après son voyage en Lettonie, Elsa Pivard est partie dans les montagnes d’Asie centrale avec les peuples nomades. « L’été, ils emmènent leurs troupeaux en alpage, et c’était très clair : tous ceux qui avaient accès la route vendaient leur lait à la laiterie et tous ceux qui étaient au fin fond des montagnes, étaient contraints de transformer, mais c’était vraiment la contrainte », se souvient la jeune femme.
« L’agriculture est un métier de passion »
Entre sa première et sa deuxième année, Elsa Pivard a fait un stade de six mois au ministère de l’Environnement, et un autre stage de la même durée à l’ambassade de France au Canada. Ces expériences ont été très révélatrices pour la jeune femme : « Je n’étais pas très convaincue de ce que je faisais là-bas. Je ne m’y retrouvais pas. En tant qu’agricultrice, c’est l’occasion d’expérimenter au quotidien avec mes convictions. » Voilà pourquoi le 1er janvier 2023, elle et son frère ont repris l’exploitation de son père et de son oncle à Dortan dans le Haut-Bugey.
Son expérience à travers le monde lui a permis d’avoir une vision ouverte de l’agriculture et ses pratiques. « J’ai vu le travail de bureau, et si on est là, c’est parce que c’est ce qu’on voulait faire. L’agriculture est un métier de passion, on ne compte pas les heures », explique-t-elle, avant de terminer : « Quand on a vu partout ailleurs, on se dit qu’on est quand même bien chez soi. »