CONSOMMATION
La viande est toujours au menu des Français

La consommation de viande est en baisse régulière depuis une vingtaine d’années, particulièrement la viande de boucherie. Les raisons sont multiples : prix de la viande, crises sanitaires, inquiétudes pour la santé, l’environnement, le bien-être animal… L’évolution des modes de consommation a également beaucoup influencé les comportements alimentaires. Près d’un Français sur deux déclare avoir diminué sa consommation de viande et les nouvelles générations consomment la viande autrement, dans les burgers et les produits transformés. L’interprofession de la viande mise sur le « manger moins, mais manger mieux » avec une nécessaire montée en gamme de la production.
La viande est toujours au menu des Français

L'Homme est omnivore, c'est un fait. Il mange aussi bien des produits d'origine animale que végétale. 96 % des Français se définissent d'ailleurs comme tel, selon une étude Ipsos réalisée pour Interbev (interprofession bétail et viande) en juillet 2017. Seuls 3 % des Français se disent végétariens et 1 % végétalien. Si cette étude confirme que « les Français restent attachés à la consommation de viande », elle montre également qu'ils « en consomment moins ». Pascale Hebel, directrice du pole consommation et entreprise au Credoc1, situe la baisse de la consommation de viande rouge à partir du début des années 80. « Après la phase de transition nutritionnelle du début du 20ème siècle où le régime céréalier a été remplacé par un régime intégrant plus de viande, la consommation de viande rouge a diminué à partir du début des années 80, les jeunes générations consommant moins de viande au même âge que les générations précédentes », relate-t-elle. Une nouvelle phase de transition nutritionnelle, également observée aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne, est en cours. Selon FranceAgriMer, « la crise économique de 2007 semble avoir renforcé ce repli et les modifications en cours de la structure de consommation des Français. À l'exception des volailles dont la consommation continue à se développer, l'ensemble des autres espèces a atteint son maximum de consommation par habitant à la fin des années 80 ou au début des années 90 ». Une étude du Credoc de septembre 2018, confirme cette tendance : entre 2007 et 2016, la consommation de produits carnés a baissé de 12 %, et en particulier celle de viande de boucherie. En 2007, un adulte mangeait en moyenne 58 g de viande de boucherie par jour contre 46 g en 2016.

 

96 % des Français se définissent comme omnivores, 3 % se disent végétariens et 1 % végétaliens, selon une enquête Ipsos.

Une baisse plus marquée chez les cadres et les ouvriers

« L'évolution du prix de la viande rouge relativement plus forte que celle de l'alimentation a souvent été un argument avancé pour expliquer cette baisse de consommation. Néanmoins, les diminutions les plus importantes sont davantage le fait des catégories socioprofessionnelles supérieures (cadres et professions libérales) dont la consommation moyenne a chuté de 19 % en 9 ans et est continue depuis le début des années 2000. Ces catégories précurseurs dans l'adoption de nouveaux modes de consommation sont suivies par les ouvriers depuis quelques années », observe Pascale Hebel. Pour elle, « la baisse structurelle de la consommation de viande est avant tout liée à la mise en avant d'arguments nutritionnels datant du début des années 80 sur la trop forte consommation de matières grasses en France. » Mais d'autres raisons expliquent cette baisse de consommation des produits carnés : l'évolution des modes de vie et de consommation, les changements de valeurs portés notamment par les jeunes générations sur les aspects santé, l'impact sur l'environnement, le bien-être animal...

L'évolution des comportements alimentaires

Les nouvelles générations consomment la viande autrement, observe le Credoc. En 2016, les 18-24 ans sont les plus grands consommateurs de produits carnés, à la fois en quantité et en nombre de prises sur une semaine avec une part de produits transformés significativement plus importante que dans le reste de la population : 42 % des prises sur une semaine comportent ainsi des ingrédients carnés au sein de plats préparés, sandwichs, pizzas, burgers, etc. contre 23 % chez les 55-64 ans. Ces derniers restent cependant les plus grands consommateurs de viande de boucherie (bœuf, veau, agneau...). Interbev, l'interprofession de la viande, s'est appuyée sur l'étude de l'évolution des comportements alimentaires pour bâtir sa dernière campagne de promotion en mettant en avant le flexitarisme, avec le slogan « mangez moins de viande mais de meilleure qualité ». L'enquête Ipsos commandée par l'interprofession révèle que près d'un Français sur deux (46 %) déclare avoir diminué sa consommation de viande ; 63 % des Français estiment qu'on leur fait de plus en plus la morale sur la façon dont il faut se nourrir et en ont assez qu'on leur dise ce qu'ils doivent et ne doivent pas faire. Quand ils se prononcent sur leur choix de consommation, 89 % des Français pensent qu'il faut manger moins de viande mais de meilleure qualité. 86 % des sondés disent d'ailleurs que les éleveurs français produisent de la viande qualité.
Si la stratégie de l'interprofession mise sur le « manger moins mais manger mieux » pour coller à l'évolution des modes de consommation, pour les producteurs cela devra se traduire par une montée en gamme « ambitieuse » qui figure justement dans les objectifs du plan de filière viande bovine. L'interprofession prévoit que le label rouge qui représente environ 3 % de l'offre en viande bovine passe à au moins 40 % de l'offre en 5 ans.

C. Dézert

1 Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie

 

SOCIETE

 

34 % des personnes interrogées par le cabinet Kantar en septembre 2018 se déclaraient flexitariennes. Cette nouvelle tendance qui vise à réduire la consommation de viande, surtout rouge, et de poisson, a inspiré l’interprofession du bétail et des viandes avec une nouvelle campagne de communication. Réaction de Marc Pagès, directeur d’Interbev.


“ L’idée est de déculpabiliser le consommateur ”

 

Société / 34 % des personnes interrogées par le cabinet Kantar en septembre 2018 se déclaraient flexitariennes.
Cette nouvelle tendance qui vise à réduire la consommation de viande, surtout rouge, et de poisson, a inspiré l’interprofession du bétail et des viandes avec une nouvelle campagne de communication. Réaction de Marc Pagès, directeur d’Interbev.

“ L’idée est de déculpabiliser le consommateur ”

Quel est le message porté par la nouvelle campagne de communication d’Interbev ?

Marc Pagès, directeur d’Interbev, interprofession du bétail et des viandes.

 

Marc Pagès : « C’est une campagne collective qui vise à répondre au consommateur du XXIe siècle qui veut faire ses achats de manière éclairée et avec confiance. À travers le slogan « Aimez la viande, mangez-en mieux », on veut faire passer le message des engagements de la filière sur le bien-être animal, la qualité et l’environnement.
La campagne de communication vise un public large mais avec une accentuation sur la cible des millénials (la génération Y, personnes nées entre 1980 et 1999).
Il y a des spots à la télévision, au cinéma et sur les réseaux sociaux pour apporter de l’information rationnelle. »
La signature « Naturellement flexitarien » est-elle un virage dans la communication de la filière ?
M. P : « À travers l’utilisation de ce mot, l’idée est de déculpabiliser le consommateur. Notre définition du flexitarisme, c’est le comportement alimentaire qui se trouve entre végétarien et carnivore. C’est-à-dire « celui qui mange de tout ». On n’est pas là pour dire qu’il faut manger plus de viande. Je préfère que les gens en mangent un peu moins mais mieux. Historiquement, c’est l’une des premières fois qu’une campagne de communication est votée à l’unanimité par les organisations de la filière.
La première réaction des éleveurs, c’est souvent le manque de connaissance. Mais quand ils se renseignent sur le terme, ils sont 100 % d’accord. »

Pensez-vous que ce message va être compris par tous ?

M. P : « C’est vrai que tout le monde ne sait pas ce que veut dire le flexitarisme. D’après un sondage Ipsos que nous avons commandé, 65 % des Français n’en ont jamais entendu parler. On veut dire à ces gens-là que manger de la viande ce n’est pas être un monstre. Ce mot était de plus en plus utilisé mais personne ne savait vraiment ce qu’il voulait dire. Malheureusement, les mouvements anti-viande s’en sont emparés et on a vu sa signification glisser vers les interdictions alimentaires. »

Propos recueillis par Tanguy Dhelin
Alimentation /
La consommation de viande bovine a chuté de 9 %, ces dix dernières années. La filière se maintient aujourd’hui à flot grâce à la viande hachée, qui séduit de plus en plus de Français par des produits de qualité.

Le haché à la rescousse d’une consommation en berne
La consommation de burger en France a été multipliée par quatorze sur les dix dernières années.
Scrutés avec attention par les professionnels, les chiffres annuels de la consommation de viande bovine représentent un indicateur important pour l’avenir de la filière. D’après les données fournies par Kantar, la consommation de viande bovine a augmenté de 2,2 % entre 2017 et 2018. Ce chiffre, c’est celui de la consommation par bilan, obtenue à partir du nombre total d’abattages réalisés sur le territoire national auquel on ajoute les importations, avant de soustraire les exportations. Une méthode critiquée par de nombreux analystes qui lui préfèrent un autre indicateur jugé plus réaliste : la consommation des ménages. Celle-ci prend en compte la viande achetée en grandes surfaces, dans les boucheries ou encore sur les marchés mais exclut les plats cuisinés ou préparés chez le traiteur. Entre 2017 et 2018, la consommation des ménages a connu un recul de 3,6 %, une tendance conforme à l’évolution constatée les années précédentes.

« Le haché maintient l’équilibre de toute la filière viande bovine »

Les chiffres spécifiques à la consommation de viande hachée sont fournis par Culture Viande, le syndicat des entreprises de la filière. « Les Français consomment moins de viande à domicile, et le haché n’échappe pas à la règle », commente Mathieu Pecqueur, directeur général de Culture Viande. Entre 2017 et 2018, la consommation à domicile de viande de bœuf hachée a en effet reculé de 1,1 %. Un chiffre qui n’alerte pas outre mesure les professionnels du secteur, car l’essentiel de la consommation de viande hachée se fait en réalité dans le cadre de la restauration. « Nous ne disposons pas de chiffres assez précis concernant la consommation de viande hachée dans la restauration mais d’après les retours que nous avons, ils sont très positifs et à eux seuls ils compensent la baisse de la consommation à domicile. Le haché maintient l’équilibre de toute la filière viande bovine », confirme le directeur général du syndicat des entreprises de la viande. Les plus gros consommateurs de viande en général, et de viande hachée en particulier, ce sont les jeunes. D’après une étude dévoilée en septembre 2018 par le Credoc, leur alimentation est composée à 42 % de produits carnés type poulet blanc ou steak haché, contre seulement 23 % chez les 55-64 ans. Les jeunes composent en fait une large partie d’une catégorie de consommateurs dits « pressés », qui privilégient sandwichs, pizzas et autres burgers.

25 % des burgers sont consommés dans des fast-foods

Bernard Boutboul est fondateur de Gira Conseil, un cabinet d’étude qui fournit une expertise aux acteurs de la restauration, comme cette étude publiée en 2017 sur la consommation de burger en France. « Nous avons lancé, dès 2016, un indice burger face à l’explosion de sa consommation en France, dans des proportions incomparables avec d’autres produits », explique-t-il. D’après lui, la consommation de burger a été multipliée par quatorze sur les dix dernières années, et les premiers chiffres de l’étude qui sortira à l’été 2019 semblent indiquer une croissance à deux chiffres.
Et s’il y a encore quelques années, il fallait aller chez McDonalds pour trouver des burgers, aujourd’hui, seulement 25 % des burgers sont consommés dans des fast-foods (restauration rapide). Pour Bernard Boutboul, la montée en gamme du burger en France a commencé dès 2011 lorsque le grand chef Yannick Alléno a remporté le titre de meilleur burger du monde, prouvant ainsi que le burger pouvait être lui aussi un produit haut de gamme. Traditionnellement composée de morceaux de l’arrière non-vendus, la viande hachée est aujourd’hui constituée de pièces plus nobles, qui retrouvent ainsi un véritable attrait pour les consommateurs. Au point que 80 % des 145 000 restaurants de service à table comptent un burger à leur carte. Un choix payant, puisque pour 80 % d’entre eux le burger est le plat le plus consommé. « Nous sommes aujourd’hui les deuxièmes consommateurs d’Europe, juste derrière le Royaume-Uni et très loin devant l’Allemagne. Le burger tire la consommation de steak haché vers le haut et c’est toute la consommation de viande bovine qui en profite », conclut Bernard Boutboul.
Pierre Garcia