MOBILISATION
Toujours déterminés, les agriculteurs lèvent les blocages
Projet de loi sur l'alimentation et les relations commerciales décevant ; multiplication des accords de libre-échange entraînant l'augmentation des importations de produits agricoles ne respectant pas les normes imposées aux producteurs européens ; surtransposition en France des normes européennes ; coût du travail élevé ; menaces sur la Pac d'après 2020, les sujets qui alimentent le mécontentement des agriculteurs sont très nombreux. « Partout en France, les agriculteurs sont mobilisés et très motivés pour dénoncer les distorsions de concurrence. Ils sont exaspérés, ils font des efforts tous les jours pour améliorer leurs pratiques, des efforts battus en brèche par des produits venus d'ailleurs », a déclaré Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, le lundi 11 juin en fin de journée. Les revendications des deux organisations syndicales FNSEA-JA concernent ainsi toutes les distorsions, qu’elles soient sociales, environnementales et économiques, dans toutes les filières.
En Auvergne-Rhône-Alpes, trois sites pétroliers ont été bloqués à partir de dimanche soir : le port Edouard-Herriot de Lyon, la raffinerie de Feyzin et le site pétrolier de Cournon d’Auvergne. Les deux sites lyonnais sont tenus depuis dimanche soir par une centaine d’agriculteurs qui se relaient en provenance des différents départements de la zone Rhône-Alpes. Lundi, pour contrer le redéploiement des camions vers d’autres sites pétroliers encore accessibles, les agriculteurs se sont organisés pour aller bloquer le dépôt de carburant de Portes-lès-Valence dans la Drôme et celui de Saint-Priest dans le Rhône.
En finir avec les distorsions de concurrence
« Nous avons une agriculture exceptionnelle en France avec des chefs d’entreprise motivés qui travaillent dans des exploitations à taille humaine, et pourtant, le gouvernement continue cette politique du tout libéral qui nous met en grande difficulté », insiste Michel Joux, le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes lundi sur le site de la raffinerie de Feyzin à la sortie sud de Lyon.
Comment expliquer qu’il est possible d’importer des produits agricoles sur le territoire national qui ne respectent pas les mêmes normes environnementales que les denrées issues des champs français ? Alors que la plupart des productions des autres secteurs tels l’automobile ou les produits électroménagers sont encadrés par des normes de qualité, les denrées agricoles qui finissent dans l’assiette des Français ne doivent répondre à aucune exigence de qualité et de conditions de production ! C’est ce paradoxe que Nicolas Merle, président de JA Aura trouve inacceptable. « Le gouvernement est incohérent et ne met pas ses paroles en conformité avec ses actes. Il autorise des produits agricoles importés à entrer sur le territoire qui ne respectent pas les normes imposées aux agriculteurs français. Oui, nous sommes favorables à la montée en gamme, mais cela ne peut se faire si nous sommes concurrencés de cette manière. » Une position résumée par la présidente de la FNSEA : « Nous ne pouvons pas laisser les importations anéantir l’agriculture française ».
Pour sortir de l’ornière, Michel Joux est très clair. « Les solutions sont simples, il faut rémunérer correctement les produits agricoles que nous produisons. Cela passe par une loi ambitieuse sur les relations commerciales. Le gouvernement doit donc améliorer le texte issu des États généraux de l’alimentation au Sénat pour nous mettre en capacité d’obtenir des prix rémunérateurs. Et il faut permettre aux exploitations d’être plus compétitives par la non-surtransposition des normes européennes en droit français, la création d’une fiscalité adaptée pour gérer la volatilité des cours, la vigilance sur le coût du travail, etc. »
La mobilisation a reçu le soutien des syndicats italien, grec et espagnol : « ils nous soutiennent dans notre lutte contre ces importations distorsives qui pénalisent tous les agriculteurs européens », affirme Christiane Lambert. « Le gouvernement ne peut pas rester inerte et silencieux face à une telle mobilisation », conclut-elle. Mardi en fin d’après midi, une délégation emmenée par Jérémy Decerle (JA) et Christiane Lambert (FNSEA) a été reçue par le ministre de l’Agriculture. La rencontre n'a pas abouti. Une nouvelle rencontre était prévue dans la soirée pour tenter de trouver un accord et une sortie de crise.
Ce mercredi 13 juin, en fin de matinée, les deux centrales syndicales décidaient la suspension du blocage des raffineries. Elles restent néanmoins mobilisés et affirment reprendre la mobilisation si les ouvertures du gouvernement ne se concrétisent pas.
Camille Peyrache