TERRITOIRE
Fabienne Buccio sur la gestion de l’eau : « il ne faut pas toujours demander aux mêmes »
Préfète de la région Auvergne Rhône-Alpes et de bassin, Fabienne Buccio, s’est rendue en Dombes pour une première visite sur le département ce lundi 12 juin. Elle a tout d’abord visité un étang à Saint-Paul-de-Varax avant de se rendre à Valeins sur la plateforme expérimentale Agro’Dombes.
Guidée par Chantal Mauchet, préfète de l’Ain, Fabienne Buccio, préfète de la région Auvergne Rhône-Alpes, s’est tout d’abord rendue sur le site d’un des étangs de Monsieur Roche à Saint-Paul-de-Varax pour évoquer l’obtention du label Ramsar, la zone Natura 2000 et le quotidien des pisciculteurs de la Dombes. Propriétaire de l’étang, Monsieur Roche a alerté sur la difficulté pour les professionnels de s’adapter aux sécheresses successives : « Normalement cet étang aurait dû être empoissonné mais après une période de mise en assec il manquait 60 cm d’eau. J’ai préféré garder le peu d’eau en réserve pour alimenter si nécessaire un autre étang empoissonné », a-t-il expliqué. Fabienne Buccio a ainsi découvert le fonctionnement des chaînes d’étangs et leur importance dans l’organisation de la vie locale. « Je suis un fervent défenseur de la Dombes et je défendrai toujours le triptyque pisciculture, agriculture et chasse et aucun maillon ne doit être défendu au détriment des autres », a poursuivi Monsieur Roche.
La commission de conciliation : un rôle méconnu
Le propriétaire d’étang a par ailleurs mentionné l’utilité de la commission de conciliation dont il est membre. « Elle est intéressante parce que certains étangs appartiennent à des familles depuis des générations et parfois on observe un morcellement de ces étangs avec plusieurs propriétaires qui ne connaissent pas forcément le droit de l’eau. » Pisciculteur de cœur, il observe aujourd’hui un manque de conciliation entre propriétaires qui vient complexifier la gestion des étangs. Dans un rôle de médiateur, la commission de conciliation vise à régler les litiges et conflits. « Le but, c’est que les deux parties expliquent leur problème et ensuite on se met autour de la table. On fait toujours signer un procès-verbal que les deux parties doivent respecter », précise Monsieur Roche qui regrette une multiplication de ce phénomène.
Mutualiser le risque des expérimentations
Après la visite de l’étang de Monsieur Roche, Fabienne Buccio s’est rendue sur la plateforme Agro’Dombes à Valeins. La préfète de région s’est enquise des premiers résultats. S’il est encore trop tôt pour dresser le bilan d’une rotation complète construite sur six années sur la plateforme, Flora Ogeron, de la Chambre d’agriculture, décrit quelques observations : « Nous nous sommes rendu compte que le changement climatique offrait des opportunités, par exemple sur les dates de semis. Aujourd’hui, une fenêtre s’est ouverte entre le 15 février et le 15 mars, ce qui nous permet de planter des lentilles en Dombes. C’était totalement inenvisageable auparavant. »
Fabienne Buccio a également questionné l’intérêt et l’engouement des agriculteurs pour s’adapter au dérèglement climatique. « Les agriculteurs du territoire et de la région essaient de faire évoluer leurs pratiques depuis très longtemps, mais il y a un risque lorsque l’on change à grande échelle. Il est important de pouvoir effectuer des tests sur ce type de plateforme expérimentale pour mutualiser ce risque financier, que ce soit en agriculture conventionnelle ou biologique, a répondu Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture et invité pour le déplacement. Il y a une problématique du phytosanitaire, premièrement parce que cela coûte cher. Même si certains ne veulent pas l’entendre, nous sommes obligés d’aller dans le sens d’une réduction, mais pour l’instant nous promouvons déjà moins de produits phytosanitaires et nous verrons ensuite si nous pouvons aller vers une suppression. »
Une journée placée sous le signe de l’eau
Le matin, Fabienne Buccio, avait en effet visité le site de la fabrique de PVC Kem One à Balan. Lors des échanges avec la presse, elle a réaffirmé sa volonté de rencontrer les acteurs des territoires dont elle a la charge de plusieurs dossiers. Particulièrement exposée aux enjeux climatiques comme les sécheresses, la Dombes n’a pas été choisie au hasard par la préfète de l’Ain pour accueillir son homologue à la région. « La journée a vraiment porté sur l’eau. Les agriculteurs ont souvent tendance à dire qu’ils sont toujours les premiers à qui on demande des efforts et je dois dire qu’ils n’ont pas tout à fait tort. Je me devais de les écouter. Il ne faut pas toujours demander aux mêmes. Ce matin, nous avons demandé avec le Conseil régional à ce que chaque entreprise, même petite, rédige une feuille de route pour réduire sa consommation d’eau », a souligné Fabienne Buccio. À titre d’exemple, la préfète de région a assuré que l’entreprise Kem One avait promis de réduire sa consommation d’eau de 20 % cette année pour atteindre 40 % à l’avenir.
Henri Cormorèche, maire de Mionnay et agriculteur, a toutefois alerté la haut-fonctionnaire sur la difficulté pour les agriculteurs de concilier réduction de consommation d’eau et souveraineté alimentaire : « En me promenant en Dombes, j’observe que les agriculteurs mettent moins de maïs et plus de blé ou de soja, mais ils ne pourront pas réduire indéfiniment ou alors on fera venir des camions d’Espagne… » Sans mentionner nommément les bassines, Michel Joux a de son côté insisté sur l’importance de stocker l’eau. Fabienne Buccio a conclu en rappelant que l’eau était un bien commun et qu’il était surtout question « de mieux l’utiliser ».