QUALITÉ DE L'EAU
Changement climatique : les syndicats de rivière en ordre de marche

Patricia Flochon
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L’adaptation au changement climatique passe par des stratégies de territoire dans lesquelles sont parties prenantes les syndicats de rivière. Les collectivités s’engagent dans des politiques fortes en matière de maîtrise et gestion de l’eau. Point de situation de l’état des rivières dans l’Ain et actions phares en cours dans l’Ain. 

Changement climatique : les syndicats de rivière en ordre de marche
Sécheresse sur la Reyssouze à Jayat, les îlots de galets sont habituellement sous l’eau. Photo/SBVR.

« La qualité de l’eau sur la Reyssouze n’est pas très bonne, principalement à cause du peu de débit. L’assainissement a bien amélioré la qualité de l’eau depuis les années 2000, mais ça n’est pas suffisant », indiquait fin août Alexandre Lafleur, le directeur du syndicat du bassin versant de la Reyssouze (SBVR). Le syndicat, créé en 1956, a joué plusieurs rôles au fil des décennies, en commençant par le curage des cours d’eau jusqu’à la mise en place de contrats de rivière. Il est désormais chargé de la compétence Gemapi (Gestion de l’Eau, milieux aquatiques et prévention des inondations). Compétence qui garantit la solidarité entre l’amont et l’aval des cours d’eau et la gestion par bassin versant ; et assure les moyens d’aménager les cours d’eau, les zones humides, les plans d’eau pour améliorer la biodiversité, la continuité écologique et la défense contre les inondations. Le bassin versant est couvert par deux collectivités : la Communauté de Communes Bresse et Saône (CCBS) et Grand Bourg Agglomération (GBA). Afin de répondre aux nouveaux enjeux, le syndicat a amorcé une nouvelle dynamique ainsi que l’explique son directeur : « Notre philosophie aujourd’hui est de conserver le cœur de métier qui est la protection de la ressource, mais aussi l’adaptation au changement climatique. Pour préserver la ressource il est important de se concerter avec les acteurs du territoire, comprendre les contraintes de chacun et voir comment travailler ensemble pour atteindre les objectifs ». D’où une équipe renforcée, de sept agents, dont une technicienne de rivière à 100 % sur le terrain. Ainsi que différents projets d’envergure dont une opération sur Ceyzériat avec l’espace naturel sensible (ENS) nommé Vallon des Faulx (en 2021 la commune de Ceyzeriat et la société communale de chasse « Saint Hubert » de Ceyzeriat ayant sollicité le SBVR pour la gestion de leur étang, zone humide comprise dans l’ENS) qui devrait démarrer à l’automne.

Vue aérienne d’une partie du projet à Malafretaz, en partenariat avec un agriculteur du secteur. Photo/SBVR

La seconde opération concerne une parcelle sur la commune de Malafretaz, acquise par le syndicat en 2018, mise à disposition d’un agriculteur pour du pâturage. Débutées en 2018, plusieurs actions de restauration écologique et d’animation sont prévues : aménagement d’une frayère à brochets pour favoriser la biodiversité, création d’un bras de contournement de moulin (Moulin Neuf) pour restaurer la continuité écologique, mise en place d’un site pilote en agroécologie (optimisation de la production agricole tout en respectant le milieu naturel, implantation de haies, de mares et d’une Zone Tampon Humide Artificielle), animations scolaires avec les écoles du secteur. Le SBVR est également lauréat de l’appel à projets Eau et participation citoyenne de l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse. « Dans ce cadre, le syndicat porte un projet d’écoute et de mobilisation des citoyens autour d’un observatoire des perceptions paysagères. Les citoyens, à travers une application mobile ludique et des animations sur le territoire, seront amenés à observer et donner leur avis sur différents sites choisis par le syndicat : bords de rivières, zones humides, etc. Les retours des citoyens permettront d’avoir une image plus précise de ce qu’est « une rivière en bon état » (état écologique) pour les citoyens et de comparer cette vision avec celle des techniciens sur le terrain. Ce projet d’observatoire est la première étape d’un projet plus ambitieux de mettre en place des groupes citoyens répartis sur le territoire du bassin versant afin de contribuer à nos projets. Les publics jeunes seront également mobilisés (écoles, collèges, conseils municipaux jeunes, …) au travers de projets et d’animations (débats d’idées, participation à l’observatoire, sensibilisation, etc.) », explique Laurine Cornaton-Perdrix, chargée de projet.
 
Des pluies de juin qui ont « amorti le choc »
 
Au syndicat mixte Veyle vivante, les projets ne manquent pas non plus, ainsi que l’explique son directeur, Stéphane Kihl : « Notre structure est assez similaire à celle de nos voisins, à savoir la Reyssouze au nord et la Chalaronne au sud. Nous sommes sur le bassin versant de la rivière Veyle qui prend sa source à Châtenay dans la Dombes et conflue avec la Saône juste en face de Mâcon, soit environ 680 km² ; avec la compétence Gemapi et une équipe de quatre personnels permanents ». Interrogé sur la situation cet été, il précise : « Depuis 2015, à quelques exceptions près, nous subissons des périodes caniculaires. La partie amont des rivières, à l’instar des étangs dombistes, n’est alimentée en eau que par la pluie. Ce sont ces secteurs là qui sont frappés le plus durement. On a des débits particulièrement impactés avec des secteurs à sec, comme le Vieux Jonc. Néanmoins, malgré le fait que la sécheresse ait duré très longtemps, la quelque centaine de millimètres d’eau fin juin a quand même amorti le choc. Sur la partie bressane, les rivières sont alimentées par des sources situées dans des zones de résurgence de la nappe des cailloutis de la Dombes. Cette alimentation n’a pas semblé faiblir cette année. En conclusion, l’année n’a pas été bonne, mais pas catastrophique non plus ». Concernant les projets phares du syndicat : la préservation des prairies inondables de la Veyle sur la partie bressane, en lien avec les agriculteurs du secteur ; à ce titre, le syndicat est porteur d’un PAEC (Projet agroenvironnemental et climatique). Ainsi qu’une démarche financée par le dispositif Leader dans l’objectif de développer une petite filière de semences de prairies en lien avec les Cuma. Sans oublier « des séries de travaux là où cela nous est possible pour désartificialiser la rivière et redonner un fonctionnement naturel, permettre au milieu d’avoir une bonne résilience dès que la pluie revient. Nous travaillons notamment en lien avec la Communauté de communes de la Dombes », ajoute Stéphane Kihl.
 
Une stratégie collective au service du milieu et des acteurs du territoire
 
Du côté du syndicat des rivières Dombes Chalaronne Bords de Saône, même constat, ainsi que le précise sa directrice, Alice Prost : « Concernant les débits, par rapport à la normale, à la sortie de l’hiver on était bien, mais après cela s’est dégradé. Les pluies de juin ont bien sauvé la situation. En juillet/août nous avons eu des débits moins faibles qu’en 2019. L’année 2021, qui a été bien pluvieuse, a permis de sauver les meubles. On a des cours d’eau qui n’ont pas vraiment de source ; la Chalaronne par exemple comme sur la Dombes, le débit n’est fait que par les eaux de ruissellement et les étangs. La Chalaronne a été très vite à sec sur la partie amont, ainsi que les affluents ».

Conséquence directe de la canicule, des canaux et des rivières à sec. Ici les Echudes à Thoissey. Photo/Syndicat des rivières Dombes Chalaronne Bords de Saône 

Le syndicat est porteur de projet agroenvironnemental de la partie aval du territoire, de l’aval de Châtillon à la Saône. Et Alice Prost d’ajouter : « Sur la Dombes nous sommes partenaires du projet agroenvironnemental de la Dombes en lien avec la Communauté de communes de la Dombes ainsi que la Chambre d’agriculture. Notre réflexion globale porte sur comment rendre ces milieux les plus résiliant possible, avec pour cela la préservation et restauration des zones humides, et tout ce qui favorise l’infiltration. Nous allons relancer la plantation de haies et la restauration de mares. Nous participons également à la réflexion sur le projet de territoire de gestion de l’eau Ain Dombes Saône 2050… ». 
 
La situation sur le bassin versant de l’Ain…
 
Interrogé sur la situation du bassin versant de l’Ain, le SR3A Ain Aval & Affluents précise : « Cet été 2022, particulièrement chaud et sec, s’est traduit sur le territoire du SR3A, par des niveaux piézométriques de la nappe alluviale de l’Ain historiquement bas depuis le début du suivi mis en place en 2007. Au niveau des cours d’eau du bassin versant de l’Ain Aval et de ses Affluents, l’absence totale de pluie durant un mois et demi a entraîné une chute des débits des cours d’eau, avec une multiplication des zones d’assecs. Les cours d’eau, même avec les quelques pluies observées, avaient du mal à retrouver des écoulements durables ». Dans le cadre de ses missions, le SR3A participe activement au suivi des ressources, notamment en période estivale. Il est acteur dans les comités de suivi de la sécheresse piloté par la DDT01 et dans la cellule d’alerte, organe de concertation dédié spécifiquement au suivi de la rivière d’Ain. À noter que le SR3A dispose en d’un réseau de piézomètres situés sur la nappe alluviale de la plaine de l’Ain (mis en place depuis 2007) et réalise un suivi des assecs des cours d’eau de son territoire, via l’application Dryrivers. Ces données sont remontées auprès des instances de suivi de la sécheresse, et participent à la connaissance de l’état des milieux. Pour la cellule d’alerte de la rivière d’Ain, le suivi est élargi à des paramètres physico-chimiques, au suivi des populations piscicoles, suivi du développement algal et un suivi des niveaux des lônes. Enfin, le syndicat anime un plan de gestion de la ressource en eau, dont les actions d’économie d’eau s’adressent à l’ensemble des usagers (collectivités, entreprises, agriculteurs, particuliers). Il réalise également des actions de sensibilisation des particuliers aux économies d’eau, via des animations grands publics, et la mise à disposition de kits de dispositifs hydro économes à installer dans les logements.

Patricia Flochon

Typologie des rivières & profil des syndicats de rivières

Le bassin versant de la Reyssouze :
Il mesure 500 km², comprend 400 km de cours d’eau et 12 380 ha de zones humides répartis sur 37 communes. Situé en totalité dans le département de l’Ain, il est dominé à l’est par le Revermont (575 mètres). Cette chaîne de petites montagnes constitue la première partie du massif du Jura. Plus au Sud, le plateau de la Dombes s’étend jusqu’au bassin versant de la Leschère, premier affluent rive gauche de la Reyssouze. Cet ensemble se caractérise par la présence d’étangs connectés les uns aux autres par des réseaux de fossés. Ils peuvent être indépendants ou directement liés aux cours d’eau. Puis la Reyssouze et ses affluents traversent un pays de plateaux vallonnés peu accidentés (entre 200 et 300 mètres) dont le trait morphologique majeur est la large vallée à fond plat de leur bassin : la Bresse. Enfin, le cours d’eau principal termine sa course en traversant la vallée de la Saône, large couloir peu vallonné et marqué par ses étendues de prairies humides de fauche ou de pâture
 
Le bassin de la Veyle :
Le bassin de la Veyle fait partie du bassin Rhône Méditerranée et représente près de 680 km². Il se situe à cheval sur deux régions agricoles : la Dombes (près de la moitié des communes du territoire du bassin versant de la Veyle sont situées en territoire dombiste) et la Bresse entre Bourg-en-Bresse et Mâcon. 
 
Périmètre du syndicat des rivières Dombes Chalaronne Bords de Saône :
Les territoires de Dombes-Chalaronne-Bords de Saône se situent l’Ain, à l’ouest de Bourg en Bresse et au sud de Mâcon. Territoires d’eau, ils regroupent près de 400 étangs de la Dombes et dix affluents rive gauche de la Saône, du Nord au Sud) : l’Avanon, le Romaneins, la Chalaronne et ses affluents (le Moignans, le Relevant, la Brévonne), le Jorfond, la Petite Calonne, le Râche, la Calonne, l'Appéum, la Mâtre et le Rougeat formant chacun un bassin versant. 
 
Le syndicat de la rivière d’Ain Aval et de ses affluents
Né de la fusion de quatre syndicats de rivières, le Syndicat de la Rivière d’Ain et de ses affluents a vu le jour le 1er janvier 2018 afin de préserver la ressource eau à une échelle cohérente et selon une stratégie unique. En l’espace de quatre années et par sa labellisation EPAGE (Établissement public d’aménagement et de gestion), le SR3A est un interlocuteur incontournable dans la gestion de la rivière. C’est une collectivité qui regroupe les sept intercommunalités du bassin versant de l’Ain et de ses affluents.
Territoire : 1,7 km² – 1,3 km de rivières – 142 communes – 161 000 habitants.