AMBROISIE
Des agriculteurs démunis face à la grande invasion

La plante invasive, fortement allergène et potentiellement mortelle continu à coloniser le département. La semaine passée, à St-Etienne-sur-Chalaronne, une parcelle de tournesol a été partiellement broyée suite à une mise en demeure de la municipalité. Agriculteurs et collectivités semblent démunis pour enrayer ce fléau.
Des agriculteurs démunis face à la grande invasion

L'ambroisie, plante invasive originaire d'Amérique du Nord s'est implantée en Europe au milieu du XIXe siècle. Elle s'y est timidement développée jusqu'aux années 1970, où elle a peu à peu colonisé l'ensemble du territoire, sous l'effet, notamment, des grands chantiers, qui favorisent la prolifération de cette plante pionnière, friande des accotements et des mouvements de terre.
En France, l'ex région Rhône-Alpes apparaît comme l'espace le plus densément colonisé par cette plante extrêmement allergène. Au point que les autorités tentent, depuis plus d'une dizaine d'années, de l'éradiquer. Ministères de la santé et de l'agriculture, agences régionales de santé, directions des territoires, chambres d'agricultures Fédération de lutte contre les organismes nuisibles (FREDON Aura) et Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) s'associent pour tenter d'éradiquer le phénomène.
Jusqu'ici, sans grands effets, si l'on en croit l'augmentation des zones colonisés et l'inflation des signalements. L'association Stop Ambroisie estime qu'en Rhône-Alpes, l'ambroisie à feuille d'armoise a déjà contaminé 50 000 ha. Chaque année, il faudrait y ajouter au minimum 1000 ha infestés !

Un colossal problème de santé publique

L'ambroisie pose avant tout un problème de santé publique, puisque les personnes allergiques au pollen (13% de la population de Rhônes-Alpes), émis de fin juillet à septembre, peuvent subir des réactions extrêmement violentes, pouvant conduire jusqu'au décès chez des personnes fragiles. L'agence Régionale de Santé (ARS), estimait déjà, en 2012, le coût de l'ambroisie en termes de santé publique entre 11 et 16 millions par an pour la seule région Rhône-Alpes !
Par ricochet, elle s'ajoute à la liste des fléaux agricoles : non seulement elle nuit au rendement et les graines (3000 par pied !) contaminent les récoltes de printemps, mais en plus, les agriculteurs, sont tenus de détruire la plante avant qu'elle émette son pollen et au plus tard qu'elle graine (au même titre que les particuliers). Quitte à sacrifier les cultures dans lesquelles elle s'est immiscée en cas de présence massive.
C'est précisément ce qu'ont dû se résoudre à faire les associés du Gaec des Perses, vendredi dernier, à St-Etienne-sur-Chalaronne. « Il s'agit d'une parcelle de 76 ares situées au bord de la route. On avait semé du tournesol, qui était particulièrement beau (...) L'ambroisie a envahie une partie de la parcelle à partir des accotements et des fossés qui la bordent », détaille Didier Farfouillon. Fossés repris il y 4 ou 5 ans. Depuis, comme c'est souvent le cas sur les chantiers, l'invasive s'y épanouie.

Des agriculteurs obligés broyer leurs cultures

La mairie de St-Etienne-sur-Chalaronne a informé le Gaec par courrier de la présence d'ambroisie, avant de le mettre en demeure de la détruire sous huit jours.
« C'est la première fois qu'on est confrontés à ce cas. On est d'accord pour détruire l'ambroisie, mais on ne savait pas, dans ce cas, si on allait devoir renoncer aux aides PAC ou si on risquait des sanctions en cas de contrôle », témoigne Didier Farfouillon.
Aussitôt, il a contacté son syndicat, la FDSEA, la chambre d'agriculture et la FREDOn Aura, pour savoir quoi faire.
En l'occurrence, ne broyer que la partie la plus infestée. Interrogée sur le risque potentiel de perdre, en plus de la récolte et du temps passé à semer les graines de tournesol, l'aide européenne, la Direction départementale des territoires se veut limpide : « Un exploitant agricole qui doit détruire une parcelle envahie par l'ambroisie doit immédiatement déclarer au service agriculture et forêt de la DDT un «accident de culture ». La démarche doit être faite par courrier ou par mail, en précisant la localisation de la parcelle, le motif de la destruction avec éléments de preuve à l'appui (photos, mise en demeure de détruire rédigée par le maire...).
Les aides découplées PAC (DPB, droit au paiement de base) peuvent être versées pour des surfaces qui ont subi un accident de culture ».
De quoi rassurer nos agriculteurs à courts termes et leurs collègues qui pourraient connaître pareille mésaventure. A plus longue échéance, ils devront certainement s'y habituer, même si la FREDON propose des solutions à moyen et longue téchéance. (voir encadré)..

Etienne Grosjean

On est mal !

C’est, en substance, l’avis de tous les agriculteurs quand on les interroge sur la prolifération de cette plante, qu’ils voient s’épanouir chaque année un peu plus dans les secteurs de plaine, comme la Dombes, la Bresse, le plaine de l’Ain et le Val de Saône dans le cas de l’Ain. Impossible de juguler le phénomène avec leurs petits moyens. D’autant que l’invasion des terres agricoles semble autant se nourrir de contaminations via les engins agricoles et les céréales potentiellement contaminés qui entrent dans les exploitations que du mauvais entretien des espaces publics et résidentiels. Nul besoin d’être botaniste pour repérer, partout le long des routes, des kilomètres de fossés infestés. Pire est le résultat lorsque les agents des routes entretiennent les fossés, comme il se doit, pour assurer la sécurité des automobilistes et l’écoulement des eaux. Même fauchée ou broyée, la plante parvient souvent à survivre et à émettre son nocif pollen. Le remède réside, selon la FREDON Aura, dans la multiplication des interventions.
Et même les molécules chimiques, comme le tant décrié glyphosate, à l’efficacité éprouvée sur les chaumes, qui fait figure de meilleur rempart contre cette adventice, doivent être appliquée, d’avis d’agriculteurs à des concentrations élevées pour espérer détruire la robuste petite plante.
En un mot, on voit mal, malgré l’urgence, de remède réellement efficace à courte échéance. Reste à continuer à sensibiliser un maximum de citoyens à cet enjeu en espérant que chacun y aille de son effort. Pour que l’ambroisie devienne enfin l’affaire de tous.

 

En bref


L’Ain dans le top 5 des départements les plus touchés


Selon les données de l’ARS, l’ex région Auvergne-Rhône-Alpes serait la plus touchée par la prolifération d’ambroisie.
Au sein de cet espace, l’Ain est un des départements ou la problématique s’avère la plus préoccupante. Ainsi, 215 signalements ont déjà été enregistrés en 2019, ce qui place le département parmi les cinq premiers ou le nombre de signalements est le plus important.


Une plante armée pour coloniser


L’ambroisie à feuille d’armoise, c’est :
- 3000 graines par pied avec une durée de vie dans le sol de 10 ans au moins
- 1 milliard de grains de pollen par pied, aéroportés jusqu’à 40 km
- 13% de la population de Rhône-Alpes est allergique


Agriculteurs : vos contacts utiles


A la chambre d’agriculture de l’Ain, c’est Laurence Garnier qui suit ce dossier :
[email protected] ou 04 74 45 56 67
Fredon : 04 37 43 40 70
Si vous êtes mis en demeure de détruire, n’hésitez pas à contacter votre syndicat.
Fredon Aura : 04 37 43 40 70


Une plateforme pour la signaler


Si vous avez identifié ou que vous pensez avoir identifié un lieu infesté par l’ambroisie, signalez-le sur la plateforme nationale de signalement.
Site : http://www.signalement-ambroisie.fr/
Mail : [email protected]
Tel : 0 972 376 888
Une présence accrue dans les plaines céréalières et les espaces périurbains
L’ambroisie se développe d’autant plus vite que les sols peuvent être à nu ou la terre brassée. C‘est pourquoi, on la trouve énormément sur les accotements frais, les fossés repris, les chantiers et de constructions et les terres labourées. Les cultures de printemps la favorisent, comme le tournesol et le soja. A l’inverse, elle se développe moins facilement au milieu des maïs, mais s’épanouie sur les tours de parcelles.


Lutter contre l’ambroisie : peu d’alternatives au « chimique »


On n’a pas trouvé de solution miracle pour juguler l’ambroisie. Dans les terres agricoles, les agriculteurs sont tenus, en cas d’invasion, de la détruire. Pour la prévenir, la chambre d’agriculture de l’Ain et le FREDON Aura préconisent un arsenal de solutions, qui dépendront de la saison et du type de culture concernée.
Il s’agira, selon les cas, de jouer sur les rotations des cultures (celles de printemps favorisent l’ambroisie), d’implanter de faux semis, (cela consiste à favoriser la germination des adventices pour mieux les détruire ensuite), de pratiquer un binage inter-rangs. On peut aussi envisager l’implantation d’une couverture qui empêchera la levée et peut présenter des vertus agronomiques.
Pour autant, ces techniques, d’une efficacité imparfaite, s’avèrent beaucoup plus efficientes si elles sont combinées avec un désherbant chimique.