FCO
Un marché des veaux et broutards très complexe

Après une seconde rencontre initiée par les GDS Auvergne Rhône-Alpes avec tous les partenaires de l'élevage et du commerce de bestiaux le 21 décembre 2018 à la Tour de Salvagny, David Duperray, président du GDS de la Loire et de Gilles Murigneux président du GDS du Rhône, répondent aux questions sur la FCO qui impacte fortement l'élevage.
Un marché des veaux et broutards très complexe

Gilles Murigneux président du GDS du Rhône et David Duperray président du GDS de la Loire.

La FCO a encore eu des impacts négatifs sur le marché des petits veaux cet automne. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

David Duperray : « En effet, depuis début octobre, le commerce des veaux a été très compliqué. Les cours ont été tirés vers le bas essentiellement pendant les semaines qui ont entouré la grève des négociants liée à la recrudescence de veaux trouvés positifs en FCO 8 à partir des PCR réalisées dans les centres de rassemblement. Ce phénomène est venu amplifier le déséquilibre de ce marché des veaux qui souffre à la fois d'un contexte anti-viande de plus en plus marqué en France, d'une baisse de la consommation intérieure, et d'une concentration massive de la vitellerie française. Cela montre que l'on a impérativement besoin du marché espagnol qui est en progression et représente quelque 250 000 veaux par an, dont un tiers pour notre région Aura. Mais comme nous ne sommes pas un pays indemne pour les 2 sérotypes 8 et 4 de la FCO, il y a des conditions pour pouvoir exporter. »

En parlant de conditions d'exportation, pourquoi avoir insisté ces derniers jours sur la désinsectisation des veaux ?

Gilles Murigneux : « Un petit rappel historique : les conditions des premiers accords bilatéraux avec l'Espagne reposaient depuis 2016 sur des veaux issus de troupeaux valablement vaccinés. Temporairement, un protocole basé sur une PCR négative (recherche virale) et une désinsectisation avait été mis en place et devait prendre fin en juillet 2016. Devant le faible nombre de troupeaux vaccinés dans la plupart des régions françaises (ce qui est beaucoup moins vrai pour la nôtre), malgré la consigne qui avait été donnée de vacciner les troupeaux, le protocole PCR est devenu la règle sur tous les veaux à destination de l'Espagne. La désinsectisation, quant à elle, doit être réalisée par l'éleveur 14 jours minimum avant le départ. Cependant, elle ne l'est souvent que sur le papier. Les opérateurs commerciaux sont particulièrement inquiets car l'Espagne exerce aujourd'hui des contrôles à partir, entre autres, de tests de poils. L'absence de réalisation risque de remettre en cause les accords commerciaux. L'ensemble des parties prenantes de l'élevage et du commerce ont cosigné une plaquette rappelant aux éleveurs les modalités pratiques à mettre en œuvre, de façon indispensable ! »

Pourquoi y a-t-il des veaux avec des résultats PCR positifs cet automne et des veaux qui reviennent en ferme car non exportables en Espagne ?

D.D : « Ces résultats positifs sont inquiétants et ne datent pas de cet automne. La Franche-Comté, qui exporte régulièrement des génisses amouillantes vers l'Algérie ou le Maroc, a été confrontée dès l'automne dernier à cette problématique sur cette catégorie d'animaux pourtant vaccinée. Actuellement, des veaux sortent positifs alors qu'ils sont essentiellement issus de troupeaux non vaccinés, mais pas seulement, avec de grandes variations d'un département à l'autre, voire à l'intérieur d'un même département. Les exportateurs qui envoient des broutards vers l'Algérie sont aussi confrontés à ce problème, avec des animaux vaccinés à plus de 60 jours et dont les proportions de positifs avoisinent parfois les 40 % (le protocole algérien exige vaccination + PCR ).
Il y a donc un vrai problème. À Paris, il y a un mois, lors d'un Comité national d'orientation des politiques sanitaires, le sujet a été évoqué. Il a été demandé à la DGAL (État) d'apporter des éclaircissements sur trois points : la qualité des vaccins (il semble qu'il y ait plus de positivité avec certains vaccins), la qualité de l'acte vaccinal, et également d'éventuelles fraudes à la vaccination.
Quant aux retours en ferme, il y en a eu objectivement très peu, et sur notre demande, les opérateurs se sont engagés à les limiter au maximum. Il y a cependant eu parfois des décotes importantes sur les prix pour ces veaux réorientés sur le marché français. »

Une loi de Santé animale est en discussion au niveau européen pour mars 2019 avec une mise en application prévue pour avril 2021. En quoi impactera-t-elle la façon de gérer la FCO à l'avenir ?

G.M : « Dans sa première rédaction, le projet de loi stipulait qu'en matière de FCO, la mise sur le marché d'animaux dans l'Union européenne était conditionnée par l'obligation d'avoir mis en place une stratégie d'éradication. Cela revient à une obligation de vacciner pendant 5 ans tous les cheptels pour l'ensemble des sérotypes présents sur un territoire. La France a considéré que ce n'était ni réalisable ni finançable ; la profession s'est donc battue à Bruxelles pour éviter cela. Ce que nous savons depuis le 20 décembre concernant les derniers amendements nous fait penser que des dérogations seront possibles pour réaliser du commerce avec un pays qui n'aurait pas mis en place une politique d'éradication, selon des modalités qui s'appliqueraient à tous les pays de l'UE dans la même situation. Ces modalités ne sont à ce jour pas encore connues. »

De façon très pratique, que doivent faire les éleveurs vis-à-vis du marché des veaux et broutards ?

D. D. : « Avec ces éléments, voilà ce que nous pouvons vous indiquer pour la mise en marché des animaux :
concernant les broutards, les éleveurs doivent vacciner contre les deux sérotypes 8 et 4, le plus tôt possible, dès 3 mois d'âge et au plus tard 60 jours avant départ, pour garder ouvert l'ensemble des marchés potentiels. Les exportateurs se sont engagés, lors de la réunion du 21 décembre, à trouver une destination à tous les broutards vaccinés
60 jours minimum avant départ, même s'ils ont une recherche PCR positive, quand elle est faite pour certains marchés. Aucun de ces broutards ne retournera en ferme. C'est une vraie garantie de mise en marché, à l'inverse de broutards non vaccinés qui, à terme, risquent de se retrouver sans destination possible. Il est donc vraiment conseillé aux éleveurs de vacciner ! Concernant les veaux laitiers et compte tenu de ce que l'on sait des textes de la loi de Santé animale, le protocole désinsectisation plus PCR reste la règle. »

Et pour les éleveurs qui vaccinent depuis longtemps, quelle est la position à avoir ?

G.M : « Nous savons qu'il y a dans nos départements des éleveurs attachés à un historique de vaccination et prêts à revacciner cet hiver. Il faut avoir à l'esprit que dans tous les cas, des PCR seront réalisées sur chaque veau partant vers l'Espagne, car, comme les années précédentes, trop peu de veaux sont issus de troupeaux vaccinés, ce qui ne permet pas aux opérateurs de les trier. En tant que présidents de GDS, nous ne pouvons pas donner un mot d'ordre collectif de vaccination des troupeaux, car nous serons à nouveau les seuls à le faire, et qu'il n'est pas certain que ce mot d'ordre colle avec les règles de la loi de Santé animale à venir... Mais nous sommes vraiment inquiets pour les éleveurs de notre région qui risquent d'être confrontés à nouveau à des veaux positifs et à un marché difficile. Nous sommes les premiers à le regretter. Concernant l'Italie qui représente un petit marché pour les veaux de nos régions, suite à un échange avec les opérateurs de cette zone, il s'avère qu'il n'y a pas besoin de PCR pour les veaux issus de mères vaccinées avec attestation de la DDPP. La vaccination contre le sérotype 8 peut s'avérer intéressante dans ce cas mais, encore une fois, c'est aujourd'hui un marché qui concerne peu de veaux.

Puisque la France fait visiblement le choix de vivre avec la FCO et de ne pas l'éradiquer, se donne-t-elle tous les moyens pour réussir dans cette stratégie sans avoir durablement des marchés dégradés ?

D.D : « Cette remarque est apparue lors de notre rencontre du 21 décembre. L'état ne demande plus aux départements de faire remonter les cas positifs depuis fin septembre, ce qui nous dérange fortement. S'il n'y a pas de remontées du terrain, on ne peut pas progresser à terme dans la compréhension d'une maladie. Nous devrons très vite mieux interpréter les résultats des PCR et comprendre la dynamique de la FCO sur les territoires au risque de connaître de graves désillusions. Force est de constater que dix ans après l'arrivée des sérotypes 1 et 8 en France, bien peu de données émanent de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation...) et de la DGAL (Direction générale de l'alimentation - État) ce qui ne nous permet pas de progresser. »

En bref

Alimentation: forte progression des aliments bovins en octobre
Les relevés statistiques de Coop de France nutrition animale et du Snia (Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale) font apparaître une hausse générale des fabrications françaises d’aliments du bétail de 4,9 % en octobre 2018 par rapport au mois correspondant de 2017. Tous les secteurs sont en hausse : + 1,3 % pour les aliments porcs, + 2,7 % pour le secteur volailles, mais surtout, + 12,1 % pour les aliments bovins, dont + 12,4 % pour les spécialités vaches laitières et + 11,4 % pour les autres bovins. Octobre dernier comptait 1 jour ouvré de plus que son homologue 2017, ce qui intervient dans la hausse de production, mais la forte progression des aliments bovins est surtout la conséquence de la pénurie de fourrage occasionnée par la canicule et la sécheresse qui s’est fait sentir tout l’automne. Malgré le recours accru aux aliments composés pour pallier le manque d’herbe, la collecte laitière dans l’hexagone devrait, après le décrochage automnal, poursuivre son ralentissement cet hiver et jusqu’à la remise à l’herbe, au printemps prochain, selon l’Institut de l’élevage. La forte reprise des aliments bovins et la progression des aliments volailles (notamment poules pondeuses et palmipèdes) permet d’enregistrer, pour les 10 premiers mois de l’année, un quasi équilibre général (+ 0,4 %) par rapport à la période correspondante de 2017, avec un total de 16,13 Mt, dont 6,98 Mt d’aliments volailles  (+ 2,1 %) ; 3,96 Mt d’aliments porcs (- 2 %) et 3,14 Mt d’aliments bovins
(+ 1,2 %).

Bovins : les abattages  reculent en novembre 2018
Les abattages de bovins ont reculé en têtes (-2,2 %) et en poids (-1,7 %), en novembre 2018. Les abattages de vaches laitières reculent de 3,6 % et ceux de vaches allaitantes de 2,1 % par rapport à l’année précédente, où le niveau d’abattage était élevé. Les abattages de mâles de 8 à 24 mois sont en hausse de 1,7 % par rapport à novembre 2017, mais sont en retrait de 1,5 % sur l’année. Les cours sont également en retrait, avec - 4,6 % pour la vache « O » (3,07 €/kg de carcasse) et - 1,1 % pour la vache de type « R ».
En octobre, la production de bovins finis est en hausse de 1,2 % sur un an, avec 403 000 têtes. Les exportations de broutards dépassent de 7 % le niveau de 2017, une hausse qui concerne toutes les catégories d’animaux. Parallèlement, les exportations de viande bovine reculent alors que les importations sont en hausse sur un an, d’où un solde des échanges extérieurs de viande qui se dégrade, passant de 72 000 téc en 2017 à près de 78 000 téc en 2018.