EAU
Manifestation de Billom : à boire et à manger !

Plusieurs milliers de personnes se sont réunies le week-end dernier à Billom, dans la plaine de la Limagne (Puy-de-Dôme), pour manifester contre l'implantation de deux réserves d'eau.

Manifestation de Billom : à boire et à manger !
Selon les autorités, plus de 4 000 personnes étaient présentes à la marche de contestation contre le projet de bassines. Les organisateurs avancent 6 500 personnes. ©MC

Samedi 11 mai dernier, dans les alentours de Billom dans le Puy-de-Dôme, une « rando festive et déterminée » a été organisée, en contestation au projet de réserves d'eau, porté par un groupe de 36 agriculteurs des environs. Le Collectif Bassine Non Merci 63, La Confédération paysanne, les Soulèvements de la Terre et les Faucheurs volontaires étaient les investigateurs de ce rassemblement qui a vu converger plus de 4 000 personnes, d'après les forces de l'ordre et 6 500 selon les organisateurs. La manifestation s'est déroulée sans heurts mais causant quelques dégradations puisque deux buses d'irrigations ont été obstruées dans les parcelles proches du projet des réserves. Ce mouvement contestataire a été largement relayé dans les médias locaux et nationaux notamment du fait de la présence d'élus de la France Insoumise (Marianne Maximi, Clémence Guetté et Mathilde Panot) et d'Europe Écologie les Verts (Benoît Biteau). Ces derniers, ainsi que des opposants aux projets, ont relayé leurs messages parmi lesquels : « les cultures qui seront arrosées par ces bassines sont essentiellement liées aux besoins de la multinationale Limagrain » ; « l'eau servira principalement à irriguer du maïs » ou encore « le niveau de l'Allier ne permettra pas de remplir ces bassines ». Qu'en est-il réellement ?

Projet des réserves de Billom : de quoi parle-t-on ?

Le projet des 36 agriculteurs, réunis au sein de l’association syndicale libre (ASL) des Turlurons consiste à la construction de deux réserves. La première devrait s’implanter sur la commune de Bouzel et occuperait une surface de 15 ha pour permettre le stockage de 1,05 million de mètres cubes (Mm3). La seconde sera construite non loin de là, sur la commune de Saint-Georges-sur-Allier sur une surface de 18 ha pour 1,25 Mm3. Chacune permettra l'irrigation de 400 hectares de cultures dont du maïs semence et du blé, mais aussi de l'ail, des prairies, des pommes de terre et autres légumes de plein champ. Le foncier concerné appartient aux membres du collectif. Quant à l'eau, elle proviendra de l'Allier par pompage hivernal (entre le 1er novembre jusqu'au 31 mars) lorsque le débit de la rivière sera supérieur à 47,5 m3/s, « conformément aux autorisations départementales », souligne le collectif. Et afin d'optimiser au mieux cet investissement et réduire les pertes par évaporation, l'ASL étudie la possibilité d'installer des panneaux photovoltaïques à la surface de l'eau. Des études environnementales sont en cours. Les premiers résultats invalident d'ailleurs l'implantation de la réserve de Saint-Georges-sur-Allier. « Nous sommes à la recherche d'un autre emplacement », précise Cédric Duzelier, président de l'ASL des Turlurons. La taille moyenne des exploitations des porteurs de projet est de 80 hectares. « Parmi les agriculteurs, il y a des producteurs de maïs semence et d'autres non. Ils ne le deviendront pas pour autant », assure Sébastien Vidal, président de Limagrain.

De l'argent public va-t-il financer le projet ?

Le projet sera effectivement financé à hauteur de 70 % par la Région Auvergne-Rhône-Alpes via le fonds européen Feader. Les 30 % restants seront portés par les agriculteurs. La coopérative et multinationale Limagrain est accusée par les manifestants, et les élus de la France Insoumise et d'Europe Écologie les Verts, d'être à l'origine du projet mais également « d'imposer un modèle agricole aux agriculteurs ». De même, les opposants dénoncent la présence d'administrateurs et du président au sein du collectif. « Limagrain n'est pas derrière ce projet. Ce sont bien les agriculteurs du secteur qui le portent pour remédier aux effets du changement climatique sur leurs exploitations », explique Sébastien Vidal. Sur la présence d'administrateurs de la coopérative au sein de l'ASL des Turlurons, Sébastien Vidal dément là aussi toute influence de Limagrain dans le projet. « Il n'y a pas cinq administrateurs de Limagrain dans l'ASL comme peuvent le dire les opposants au projet mais trois dont moi. Encore une fois, nous ne sommes pas présents dans ce projet au nom de Limagrain mais en tant qu'agriculteurs. Je suis agriculteur. Je dois faire face, moi aussi, à des problématiques de sécheresse notamment sur mes cultures spécialisées. Ce projet, je le soutiens avant tout à titre personnel pour mon exploitation. »

Un mouvement politisé

Alors pourquoi un tel raccourci ? Selon Sébastien Vidal, les opposants au projet s'attaquent à Limagrain comme à toutes les autres grands groupes français « Danone a également été cité » et rejettent avant tout un modèle économique. « La manifestation s'est énormément politisée. L'extrême gauche a récupéré le sujet. Ils se fichent bien des terres de Limagne. Ce qu'ils combattent c'est un modèle agricole. Limagrain a aussi été visé parce qu'il est plus facile de s'en prendre à une grande entreprise qu'à un collectif d'agriculteurs ; surtout depuis les manifestations de janvier où les agriculteurs ont gagné en capital sympathie auprès de la population. »

La rivière Allier pourra-t-elle remplir les réserves ?

C'est un autre contre argument avancé par les opposants. Selon eux, le niveau d’étiage de la rivière Allier dans laquelle sera pompée l’eau ne permettra pas de remplir les réserves. L'ASL des Turlurons avait d'ailleurs commandé une étude sur ce sujet. « Sur les 20 dernières années, une seule d'entre elles, ne nous aurait pas permis de remplir les réserves, si elles avaient été vides », explique Cédric Duzelier. Le volume qui sera prélevé dans la rivière Allier est de 2,3 Mm3 de mètres cubes, soit « 0,12 % du volume annuel de la rivière ». « Les réserves permettent aujourd'hui de répondre dans un cadre légal à la problématique du moment. C'est une solution pérenne mais pas unique », explique Sébastien Vidal. Selon le président de Limagrain, des projets de réserves comme celui de Billom permettront d'accompagner les agriculteurs et maintenir leurs exploitations, en attendant que la recherche fasse son œuvre et offre davantage de solutions.

Mélodie Comte