ÉLEVAGE PORCIN
« La crise nous a déjà coûté 450 000 € »

Margaux Legras-Maillet
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Administrateur au sein de la coopérative Cirhyo, membre élu de la FNP, Alexis Pugliese est éleveur de porcs dans l’Ain. L’an dernier il a investi dans la construction de maternité truies en liberté. Malgré des investissements pour développer et améliorer son élevage, la pérennité de son exploitation est aujourd’hui remise en question par la conjoncture. 

« La crise nous a déjà coûté 450 000 € »
L’éleveur et son associé ont investi dans la construction de 96 places de maternité dites « truies en liberté ». Selon lui, ce choix coûteux permet de limiter le stress des mères tout en augmentant le poids de sevrage des porcelets. Photo/MLM

Alexis Pugliese s’est installé en 2014, SARL de Montburon, sur la commune de Confrançon (Ain). Avec son associé et une salariée, il élève un cheptel de 380 mères porteuses et 1 500 porcelets (de la naissance à 25 kg), pour une production totale de 10 500 porcs à l’année en moyenne. 
 
Création de maternités « truies en liberté »
 
L’an dernier, lui et son associé ont investi dans la construction de 96 places de maternité dites « truies en liberté », à raison de 8 000 € par place. Elles sont opérationnelles depuis mars dernier. Une façon pour lui d’améliorer le bien-être de ses animaux, mais qui nécessite certaines adaptations. « Il faut s’habituer, on a fait des erreurs au début, comme de libérer les truies alors que les porcelets n’avaient que 5 jours d’âge, il y a eu des porcelets écrasés. La deuxième fois, on a attendu une semaine de plus », regrette-t-il. Aujourd’hui, seules les cochettes et les truies de premier et deuxième rangs de portées sont libérées.

Alexis Pugliese est éleveur de porcs à Confrançon. Comme d’autres, son exploitation subit de plein fouet la conjoncture. Photo/DR 

D’ici un an, à raison de deux portées et demi par an et par truie, les éleveurs souhaiteraient pouvoir toutes les libérer. Autre point noir, le lavage, beaucoup plus long que pour des places de maternité classique, les truies salissant davantage d’espace. Il faut désormais compter 15 min/case contre 10 min auparavant, soit 6 heures au total à deux pour nettoyer 48 places, à réitérer toutes les trois semaines. Un temps précieux pour les éleveurs qui recherchent aujourd’hui un prestataire pour assumer cette tâche. Malgré ces inconvénients, Alexis Pugliese ne regrette pas du tout son choix : « On a des truies plus calmes, quand quelqu’un rentre, elles peuvent se tourner et voir ce qu’il se passe. L’autre principal avantage, c’est le poids de sevrage. Les porcelets sont plus gros car ils ont plus de place (environ 8 kg, soit quelque 200 g de gain environ). » 
 
Le pronostic vital engagé par la conjoncture 
 
Mais cet investissement s’est ajouté aux enjeux financiers des derniers mois en raison de la conjoncture. Si les devis ont été validés avant la hausse des charges, dont les prémices sont apparues fin de l’année dernière, l’éleveur craint pour la pérennité de son élevage. « Avec un coût de production à 2€/kg, en payant l’aliment 420 €/t pour un porc payé à 1,70 €/kg, il nous manque 15 ct€/porc, sans l’investissement…ce qui nous fera perdre 30 ct€/porc alors qu’une nouvelle hausse de l’aliment est annoncée, craint-il. En un an, on a mangé toute notre trésorerie. À cela s’ajoute un PGE (prêt garanti par l’État) et un prêt de 100 000 € à taux zéro. On n’a encore pas commencé à rembourser. La crise nous a déjà coûté 450 000 €. » L’exploitation est pour l’heure à l’équilibre, grâce aux aides de l’État, mais pour Alexis Pugliese, la hausse du cours du porc est leur seule planche de salut. L’éleveur place tous ses espoirs dans l’augmentation habituelle de la rentrée, due à une baisse de production à cette période et prie pour qu’elle atteigne 2€/kg au bas mot. « Si ça ne bouge pas d’ici la fin de l’année, la filière porcine est morte », lâche-t-il simplement pour résumer la situation. D’un naturel optimiste face aux fluctuations habituelles du cours du porc, le moral d’Alexis Pugliese vacille pour la première fois. « J’ai le sentiment que les abatteurs se servent des aides que l’on a pour ne pas faire monter le cours, mais l’année prochaine il faudra qu’il se demande s’ils veulent encore du porc sur leurs étales, et pas que français, car hormis en Espagne, la production baisse partout ». 
 
Création d’une filière individuelle locale 
 
En mal de certitudes, Alexis Pugliese a décidé de ne pas placer ses billes dans le même sac. Alors que l’exploitation achète 100 % de son aliment, l’éleveur et son associé cherchent à en produire eux-mêmes, l’acquisition récente d’une machine à soupe leur permettant d’intégrer du maïs humide. Quant à la contractualisation, obligatoire dans le cadre de la loi EGAlim 2, il a saisi l’opportunité d’intégrer une filière locale dont son élevage est le seul membre. De quoi valoriser ses truies en maternité liberté.