MOBILISATION
Des engagements oraux sur l’intégration des coûts de production aux contrats

Du 23 au 25 février, la FRSEA et JA Aura ont bloqué la plateforme logistique de Carrefour à Saint-Vulbas (Ain) et la centrale d’achats (SCA Centre) de E. Leclerc à Yzeure (Allier). Ces actions syndicales avaient pour objectif d’alerter la grande distribution de l’urgence à prendre en compte les coûts de production dans la contractualisation imposée par la loi Egalim 2. Retour, trois semaines plus tard, sur l’avancement des négociations.

Des engagements oraux sur l’intégration des coûts de production aux contrats
Pierre Picard, président de JA Aura. ©JA Aura

« Prendre en compte rapidement 100 % des coûts de production dans les contrats à venir », c’est la demande formulée très clairement par la FRSEA Aura à François Vincent, directeur des marchandises alimentaires du groupe Carrefour, à l’occasion du Salon de l’agriculture. «Pour donner suite à la mobilisation de Saint-Vulbas, fin février, nous avons eu plusieurs échanges téléphoniques avec lui. S’il n’a pas donné de date précise, il s’est engagé oralement à mieux les prendre en compte, à condition que tous les opérateurs jouent le jeu et que les retombées puissent redescendre dans les cours de ferme », explique Michel Joux, président de la FRSEA Aura.

Un travail de longue haleine

Pour que cela soit réalisable, il faut avant tout que les premiers acheteurs appliquent la règle. « La loi Egalim 2 oblige à contractualiser - depuis le 1er janvier 2022 pour les jeunes bovins, les génisses, les vaches à viande et les bovins sous Siqo de tout âge - mais ne définit pas de barème minimum. J’ai appris que des contrats établis sur la base de 80 % du prix de marché et de 20 % de coûts de production ont été signés. Ça ne peut pas marcher comme ça ! Il va falloir passer la vitesse supérieure. Si on arrivait dans un premier temps à 50 % de prise en compte des coûts de production dans les contrats, ce serait déjà un bon début. À échéance 2023, nous visons le 100 % », annonce Michel Joux. Pour lui, les discours doivent être accompagnés d’actes. « Il faudra sans doute quelques semaines pour faire bouger les lignes. Si les grands groupes comme Carrefour donnent le ton, nous espérons que les autres suivront… », ajoute-t-il. L’enseigne s’est pour l’heure engagée à mettre en place un plan d’actions sur les marques de distributeurs (MDD). Dans les prochaines semaines, ses instances nationales participeront, avec des représentants du syndicalisme majoritaire, à des groupes de travail sur l’intégration des coûts de production aux contrats. La loi Egalim2 sera-t-elle suffisante pour obtenir des résultats rapidement ? Faudra-t-il passer par une loi Egalim 3 plus coercitive ? « Si la loi actuelle ne donne toujours pas de résultats, nous comptons sur l’État pour imposer des règles plus strictes. Quoi qu’il arrive, il faudra revenir sur les moyens donnés à l’Observatoire de la formation des prix et des marges qui, à mon sens, n’amène pas de satisfaction. Tant que les grands groupes pourront, de manière tout à fait légale, répartir leurs coûts sur leurs différentes filiales, nous n’aurons jamais de vision réaliste de leurs marges… », estime Michel Joux.

SCA Centre : des volumes de steaks hachés revus à la hausse

À Yzeure (Allier), le blocage de la plateforme d’E. Leclerc, qui regroupe 21 hypermarchés (Allier, Puy-de-Dôme, Saône-et-Loire, Cher, Nièvre), aura eu le mérite pour les responsables professionnels agricoles présents de rencontrer en personne son président, Pascal Ricordeau, le jeudi 24 février. « Il est d’abord sorti discuter avec les manifestants. Il a ensuite reçu une petite délégation dans ses locaux, en s’engageant à revoir à la hausse les volumes de steaks hachés frais et à intégrer cette démarche dans le cadre de la contractualisation Egalim 2 », restitue Pierre Picard, président de JA Aura. Si la SCA Centre d’Yzeure en achetait jusqu’à 800 kg par semaine et par magasin aux établissements Puigrenier (Montluçon), elle s’est engagée à en acheter désormais cinq tonnes, avec la volonté de valoriser les morceaux nobles de chaque carcasse. Objectif à terme : passer une vingtaine de vaches par semaine. « Il y a une volonté forte d’aller vers ce nouveau schéma. Nous présentons d’ailleurs le dossier à la SCA Centre, jeudi 17 mars. Le contrat sera indexé sur l’indice Ipampa bovin viande. Cela va nous demander plus de moyens humains mais ce projet est aussi très intéressant pour nous… », précise Hervé Puigrenier, directeur de l’abattoir. D’après Pierre Picard, Pascal Ricordeau a tout de même évoqué une condition : rester moins cher que ses concurrents. « De notre côté, nous tablons sur une prise en compte totale de nos coûts de production. Ça fait des années qu’on est plutôt dans le moins que dans le plus. Si on est en dessous de 80 %, ce ne sera pas du tout suffisant. »

Alison Pelotier