ABEILLES
Plan pollinisateur : l'Anses pas complètement suivie

Annoncés pour décembre 2020, le plan pollinisateur et son volet réglementaire avaient été décalés à la demande du monde agricole. La version publiée six mois plus tard s'écarte de l'avis de l'Anses.

Plan pollinisateur : l'Anses pas complètement suivie
Attendu depuis décembre 2020, l'arrêté abeille révisé a enfin été envoyé aux acteurs concernés le 7 juin. ©Efsa

Attendu depuis décembre 2020, l'arrêté abeille révisé a enfin été envoyé aux acteurs concernés le 7 juin. Comme l'avait recommandé l'Anses dans ces deux avis de 2013 et 2018, l'interdiction d'épandage des insecticides sur les cultures mellifères en fleur est étendue dans cette nouvelle version à l'ensemble des traitements pesticides. Sur autorisation de l'agence après envoi d'éléments complémentaires, les produits ayant démontré leur innocuité sur les pollinisateurs pourront cependant être pulvérisés deux heures avant et trois heures après le coucher du soleil.

Sur cette question des horaires, le texte s'écarte des préconisations de l'Anses, regrettent ONG et apiculteurs. Dans ces deux avis, l'agence avait également invité le législateur à autoriser les épandages de l'ensemble des produits uniquement « après l'heure de coucher du soleil telle que définie par l'éphéméride et dans les trois heures suivantes ».

Le décalage entre les avis de l'Anses et le texte n'a surpris personne, alors que le ministre avait fait du travail de nuit une ligne rouge depuis la fin de l'année 2020. « Nous avons obtenu qu'une véritable concertation ait lieu », s'était réjouie Christiane Lambert, présidente de la FNSEA mi-décembre. La FNSEA demandait notamment d'insister sur le volet « alimentation et santé des abeilles », plutôt que sur les aspects réglementaires.

Jusqu'à quatre ans de délai

Principale nouveauté, le texte envoyé début juin a éclairci le calendrier de mise en œuvre de la nouvelle réglementation. Alors que certaines propositions donnaient dix-huit mois aux fabricants pour soumettre de nouveaux dossiers, le délai minimal fixé par l'arrêté sera de deux ans et demi, et pourra être porté à quatre ans pour les produits dont le renouvellement était prévu dans un délai supérieur à trente mois.

Autre inquiétude de taille chez les défenseurs de l'environnement et les apiculteurs : l'introduction dans l'arrêté d'un système dérogatoire à plusieurs étages. Pour l'ensemble des produits, la période de traitement pourra ainsi être « adaptée ou supprimée » sur recommandation de l'Anses, « sous réserve de la mise en place de mesures apportant des garanties équivalentes en matière d'exposition des abeilles ». « Il ne faut pas que demain les dérogations deviennent la norme », alerte Éric Lelong, président de l'interprofession apicole.

Les cas pourraient cependant se révéler nombreux. Car au-delà des garanties équivalentes, des dérogations pourront également être accordées pour les bio-agresseurs à l'activité diurne, ou si « l'efficacité d'un traitement fongicide est conditionnée par sa réalisation dans un délai contraint incompatible avec la période prévue ». Pour éviter les impasses techniques, des pesticides pourront également être autorisés à titre exceptionnel pour des périodes de 120 jours « lorsqu’aucun produit n'est utilisable pour un usage dont la justification agronomique est démontrée en période de floraison ».

Déception de la filière apicole

L'arrêté est également associé à un plan pollinisateur, dont les orientations en matière de veille sanitaire sont connues depuis plusieurs mois, mais ne satisfont toujours pas la filière apicole. « Nous avons des grosses interrogations sur le financement », regrette Éric Lelong, président de l'interprofession Interapi. Pour mettre en œuvre le plan, le gouvernement indique que les fonds européens pourraient s'élever à 13 M€ dans la nouvelle programmation, sous réserve de trouver 6,5 M€ de cofinancement français. Pour l'heure, le secteur apicole ne sait toutefois pas quelle part de cette somme sera à sa charge.

Le plan apicole pourrait même renforcer les contraintes imposées aux apiculteurs, en leur imposant des visites vétérinaires annuelles, en détaillant un nouveau cadre sur le bien-être animal dans les ruches ou en restreignant le nombre de ruches pouvant être installées dans certains milieux naturels protégés. 

I.L.