RÉCIPROCITÉ
Mesures miroirs : un consensus se dégage en Europe

Lors d’une conférence européenne organisée à Bruxelles le 10 février, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer des mesures de réciprocité en matière de normes de production agricole dans les échanges commerciaux internationaux.

 

Mesures miroirs : un consensus se dégage en Europe
Les clauses miroirs permettraient d’obtenir le respect par les pays commerçant avec l’Union européenne des mêmes standards sanitaires, environnementaux ou de respect du bien-être animal que l’Europe exige de ses agriculteurs. ©iStock-LockieCurrie

Les organisateurs de la conférence « de haut niveau » organisée jeudi 10 février à Bruxelles sur la mise en place d’une réciprocité des normes de production imposées aux produits agricoles et alimentaires importés en Europe ont réussi leur pari. L’interprofession bovine Interbev, la Fondation pour la Nature et l’Homme et l’Institut économique Veblen ont obtenu l’engagement public de trois ministres de l’Agriculture et d’une dizaine de députés européens de diverses nationalités et groupes politiques en faveur de mesures miroirs. Celles-ci permettraient d’obtenir le respect par les pays commerçant avec l’Union européenne des mêmes standards sanitaires, environnementaux ou de respect du bien-être animal que l’Europe exige de ses agriculteurs.

L’obstacle de l’OMC

Dans un contexte de concurrence jugée déloyale par les organisations agricoles européennes et leurs soutiens syndicaux, associatifs et politiques, la conférence a mis en évidence l’existence de différents leviers réglementaires qui pourraient être activés à brève échéance. « L’obstacle souvent invoqué du droit de l’OMC apparaît loin d’être infranchissable », a notamment souligné Gabrielle Marceau, professeure de droit et conseillère à la division des affaires juridiques de l’OMC. « Le bien-être animal, par exemple, est expressément couvert par l’article 20 des accords sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Celui-ci reconnaît que la protection des animaux et des végétaux, comme des ressources naturelles, est un objectif légitime des gouvernements, au même titre que la libéralisation du commerce et constitue une exception conditionnelle aux règles du GATT. » Une première mesure miroir pourrait être mise en œuvre immédiatement, ont expliqué les experts invités à s’exprimer sur le sujet. « Le règlement relatif aux médicaments vétérinaires permet d’imposer aux producteurs des pays tiers l’interdiction européenne d’utiliser les antibiotiques comme promoteurs de croissance en élevage », a indiqué Jean-Luc Angot, inspecteur général de santé publique vétérinaire, déplorant que la Commission européenne « tarde à publier l’acte délégué et l’acte d’exécution de cette mesure ». Interdite dans l’Union européenne depuis 2006, l’utilisation des activateurs de croissance est en effet monnaie courante dans de nombreux pays et a un lien avéré avec le développement de l’antibiorésistance, par exemple dans la zone amazonienne.

Plusieurs voies d’harmonisation

D’autres voies d’harmonisation des règles mériteraient d’être explorées. Les intervenants ont notamment évoqué le durcissement « des règles de diligence raisonnée » concernant la viande bovine dans le cadre du règlement relatif à la déforestation importée, qui permettrait d’imposer le traçage des animaux de la naissance à l’abattage. L’Union européenne aurait également la possibilité d’imposer des normes de bien-être animal aux producteurs des pays tiers qui souhaitent exporter leurs viandes vers l’UE. « Certains pays ne respectent pas nos règles dans ce domaine, par exemple en matière de transport terrestre des animaux, a expliqué Jean-Luc Angot. Or ces règles pourraient être incorporées dans l’accord de l’OMC sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS). » En dehors de l’OMC, l’Union européenne ou ses États membres peuvent également agir au niveau de l’élaboration des normes internationales notamment celles du Codex Alimentarius, pour obtenir un abaissement des limites maximales de résidus au seuil de détection pour tous les pesticides interdits par l’UE. Plus simplement encore, des mesures miroirs pourraient être inscrites systématiquement dans la conditionnalité des accords bilatéraux de libre-échange à venir. « Pour l’instant, ce n’est pas le cas, sauf sur le sujet des hormones », a regretté Jean-Luc Angot. La feuille de route évoquée par les intervenants de la conférence a reçu le soutien de plusieurs ministres européens de l’Agriculture à l’issue des débats. Le ministre français Julien Denormandie, actuel président du Conseil Agriculture de l’Union européenne, le ministre espagnol Luis Planas Puchades et la ministre autrichienne Élisabeth Köstinger sont venus soutenir la démarche. « Nous, politiques, devons entendre l’unité de la société civile, tirer parti de la force de notre marché européen et mettre en place une réciprocité répondant aux attentes sociétales », a synthétisé Julien Denormandie.  « La réciprocité des normes offrirait à l'Union européenne une occasion unique de transférer ses standards de production à ses partenaires commerciaux », a abondé de son côté Luis Planas, ministre espagnol de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation.