VOLAILLES DE PLEIN AIR
Une formation pour apprendre à piéger les prédateurs

Les 3 et 10 octobre, la chambre d’agriculture de l’Ain organise une formation sur le piégeage à destination, prioritairement, des éleveurs de volailles de plein air. Un apprentissage obligatoire, qui autorise les exploitants à protéger leurs animaux. D’autant plus d’actualité que l’année 2019, marquée par une explosion des populations de renards, s’annonce particulièrement meurtrière pour les gallinacés. Zoom.
Une formation pour apprendre  à piéger les prédateurs

Élevage de volaille de plein air
Pour vous protéger, apprenez à piéger

 

De joyeux poulets qui batifolent dans le bocage. Un symbole de nos campagnes de Bresse et leurs célèbres volailles AOC. Plus généralement, et dans tous les secteurs, l’image d’un élevage « naturel » que les consommateurs réclament à cor et à cri.
Sauf que derrière la carte postale des jolis poulets en liberté, se cache une dure réalité pour les éleveurs : la prédation.
Corneille, corbeaux freux, mustélidés (fouines, martres, belettes), rapaces (buses, milans, autours des palombes) et surtout renards, se délectent de cette pitance pas plus capable de se défendre que de fuir devant la menace. D’autant que depuis la grippe aviaire, tous les parcours doivent être clos, empêchant tout échappatoire aux pauvres volatiles.   
Un fléau pour les éleveurs, qui déplorent des pertes importantes. « De 3 à 4% pour les bons lots à plus de 20% pour les moins bons », témoigne Bruno Malin, éleveur de volailles de Bresse et vaches laitières à St-Trivier-de-Courtes. « En moyenne, les pertes liées à la prédation sont estimées à 13% », confirme Bénédicte Monceret, de la chambre d’agriculture de l’Ain. 2019 restera une triste année en termes de prédation, en raison, notamment, d’une prolifération de renards comme les observateurs en ont rarement vu. Chasseurs, piégeurs, éleveurs sont formels. Les goupils se sont reproduits à vitesse grand V et les piégeurs ne sont pas partout assez nombreux pour endiguer ce pic de population. « Dans le département, on piège 3500 à 4000 renards par an », estime Jean-Jacques Fristot, président de l’association des piégeurs agréés de l’Ain. Les populations explosent cette année, parce que les conditions météorologiques y sont favorables ». Et d’ajouter : « rien que dans le secteur de Replonges, on en est à 72 renards depuis le début de l’année. »

 

Roger Vivier arpente son territoire chaque matin depuis 12 ans et piège bénévolement à la demande des agriculteurs.Bruno Malin a appris à piéger lors d’une formation proposée par la chambre d’agriculture. Faute de temps, il fait aussi appel à des piégeurs locaux pour l’aider à réguler les renards.

Pas de protection à 100% efficace

Pour limiter la casse, les éleveurs sont invités à mettre en place des clôtures, les plus hermétiques possibles. Bien, mais pas suffisant : on n’a jamais vu une clôture arrêter un rapace. Et les spécialistes savent qu’au fil du temps, le renard, à l’intelligence légendaire, finit toujours par trouver la faille.
Reste le piégeage. Une pratique jadis usuelle devenue affaire d’une poignée de spécialistes bénévoles. Beaucoup d’éleveurs font appel aux piégeurs locaux, qui consacrent de leur temps à protéger exploitations et même habitations, quand elles sont squattées par des mustélidés, capables de flinguer une isolation en quelques semaines.
La meilleure alternative reste de savoir soit même piéger sur son exploitation. Ce qui suppose de suivre une formation comme celle organisée par la chambre d’agriculture de l’Ain avec la Fédération des chasseurs de Saône-et-Loire et le comité interprofessionnel de l a volaille de Bresse (CIVB).
Deux journées très instructives, se souvient Bruno Malin, qui l’a suivie il y a ne dizaine d’années. « On apprend déjà à identifier le prédateur. Par exemple, le corbeau va plutôt s’attaquer au cou, l’autour va dévorer les filets, la buse va tout manger… »
Le principal prédateur reste de loin le renard. « Surtout quand une femelle apprend à chasser à ses petits. Ils peuvent vraiment faire un carnage. C’est pas beau à voir. J’ai déjà dû achever un chapon qui s’était fait arracher les deux ailes », se souvient Bruno Malin, qui privilégie, quand il en trouve le temps, la technique du Belisle et du tas de fumier (voir par ailleurs).

L’angoisse des éleveurs

Un peu plus loin, à Beauvernois, à la limite de l’Ain, le Jura et la Saône et Loire, Cécile Marzocca-Palenzuela pratique le piégeage depuis 8 ans pour protéger ses 4000 volailles produites chaque année. Résultat : 52 renards capturés. « J’en ai pris jusqu’à deux par jour et 3 par semaine », confie l’éleveuse. « Si la prédation s’avère très aléatoire dans le temps, la vigilance est permanente. Parfois, on passe des mois sans attaque. J’ai récemment recommencé à piéger à cause d’un renard qui rôde en plein jour. »
Outre le préjudice économique direct subi par les éleveurs, cette incertitude quotidienne peut sévèrement entamer le moral de troupes, souligne notre éleveuse-piégeuse, bien décidée à protéger son petit élevage de la gourmandise du goupil.

Etienne Grosjean

 

Il est très important de déclarer vos dégâts

Même si les dégâts que vous subissez ne donnent pas lieu à indemnisation, il est très important de prendre le temps de les déclarer. Pourquoi ? Parce que c’est sur la foi de ces déclarations que les pouvoirs publics autorisent ou non la destruction d’espèces potentiellement problématiques. L’Ain est bien placée pour savoir ce que coûte l’absence de déclaration : au début de l’été, le corbeau freux a été sorti de liste des espèces jadis qualifiées de nuisibles, rebaptisées, dans le jargon administratif, « animaux d’espèces non domestiques par moment susceptibles d’occasionner des dégâts ».
Pour ce faire, le plus simple est de de vous mettre en relation avec votre
Fédération de chasse départementale et/ou votre chambre d’agriculture.

 

Roger Vivier, piégeur : « les agriculteurs sont les mieux placés »

C’est dans la rosée du matin que Roger Vivier, piégeur agréé de Montrevel-en-Bresse commençait sa tournée des pièges, la semaine dernière autour de l’élevage de volailles de Bresse du Sougey, que les renards attaquent régulièrement, malgré de solides clôtures fixes renforcées de fils électriques. « J’ai repéré les lieux de passage pour installer des collets. Il faut faire attention à laisser le moins de traces possibles, notamment notre odeur », témoigne notre expert bénévole, qui passe le plus clair de ses matinées, depuis 12 ans, à traquer ragondins et autres goupils. « Je capture une vingtaine de renards par an. 3 à 4 rien qu’ici. » témoigne t-il, adossé à son 4x4. Pour lui, il est urgent que des agriculteurs viennent grossir les rangs des piégeurs agréés. « Nous sommes de moins en moins nombreux à piéger. Sur certains secteurs, les agriculteurs n’ont plus de piégeur à côté de chez eux. ». La prolifération du prédateur est autant liée, selon lui, à des conditions de reproductions propices qu’à une moindre régulation. « Avant, tous les paysans avaient le fusil dans le tracteur, au cas ou ils lèveraient un renard. C’est fini. Si on veut réussir à réguler les populations, on a besoin de travailler avec les agriculteurs. Parce que la règle numéro une pour être un bon piégeur, c‘est d’avoir une très bonne connaissance du terrain, de vivre au cœur de la nature comme c’est le cas des agriculteurs. »

 

Devenir piégeur, comment ça marche ?

Une formation en deux temps
La formation au piégeage donne lieu à une attestation officielle, qui permet ensuite, d’obtenir l’agrément officiel de la préfecture afin de pouvoir piéger.
Elle s’étale sur deux journées. Une première journée théorique, pour connaître la réglementation sur les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts, les différents pièges, les précautions sanitaires, identifier le prédateur responsable des dégâts… Une seconde journée de terrain pour manipuler les pièges et apprendre comment et où les poser.
Attention, la date limite des inscriptions est fixée au 18 septembre.

Qui peut la suivre ?
Cette formation s’adresse en priorité aux agriculteurs, conjoints, collaborateurs, salariés, personnes en cours d’installation… Aucune compétence particulière n’est requise.
Une attestation de fin de formation est délivrée à l’issue du stage.
Ayant-droit Vivea : 48 euros
Autres : 300 euros

Pas besoin de chasser pour être piégeur
Nul besoin d’être détenteur du permis de chasser pour devenir piégeur. Un piégeur agréé a le droit de tuer un animal. Il est formé à pratiquer la mise à mort à la dague.

On peut déléguer le relevé des pièges
C’est un argument couramment entendu : « j’ai suivi la formation mais je n’ai pas le temps de piéger. » Autant il est obligatoire de bénéficier d’un agrément préfectoral pour poser des pièges, autant il est autorisé de déléguer la tournée de ces pièges à un tiers non agréé.

Quels types de pièges ?
Il existe toute une gamme de pièges. Le plus simple reste la cage, très efficace pour les ragondins notamment. Pour le renard, les piégeurs utilisent souvent des collets, disposés sur les lieux de passage, le plus souvent sous les clôtures et dans les rouées, ou le prédateur aime marcher sans se mouiller les pattes. Beaucoup utilisent aussi des pièges de type « Beslile » qu’ils disposent selon la technique du tas de fumier. L’idée est la suivante : réaliser un tas de fumier en forme de U en y dissimulant un appât (cadavre de ragondin, délivrance…) et en enfouissant ces pièges à filin. Le renard cherchera à entrer dans ce sas par la seule ouverture aisée. Il actionne le piège en marchant dessus. Un filin l’enserre alors à la patte.

Quelles espèces peut-on piéger ?
Si cette formation, destinée aux éleveurs de volailles, met particulièrement l’accent sur le piégeage des renards, les participants y apprendront aussi à piéger d’autres espèces potentiellement problématiques : renard, ragondin, corneille, corbeau freux et mustélidés (fouine, belette, martre).

Contact : Isabelle Bouveron 04 74 45 67 21.