La section des propriétaires ruraux de la FDSEA de l’Ain est une section de défense des propriétaires ruraux mais son action se doit d’être plus large. En effet, les propriétaires ruraux font partie d’un écosystème complet. L’enjeu principal reste l’évolution des indices des fermages, qui, malgré leur régularité, ne reflètent pas toujours la réalité économique et créent des déséquilibres.
Un système d’indexation qui ne reflète pas la réalité économique
L’indexation du fermage n’est pas une surprise compte tenu des règles de calculs. Cependant, le décalage entre l’indexation et la réalité économique appelle à une révision du système, notamment avec une réflexion autour de l’indexation basée sur l’année N. L’indice ne garantit pas la valeur réelle du fermage. De plus, le facteur pris du PIB n’est pas équivalent à l’indice des prix à la consommation. L’indice national des fermages aboutit toujours à un résultat inférieur à l’inflation même si l’écart se resserre légèrement par rapport aux années précédentes. En d’autres termes, le revenu en euros avant impôt des propriétaires ruraux reste négatif. Ce déséquilibre entraîne une réticence croissante des propriétaires à louer leurs terres. Certains préfèrent laisser leurs parcelles en friche, et d’autres se tournent vers la vente, obligeant les agriculteurs à acheter plutôt qu’à louer, compromettant ainsi l’investissement dans leur exploitation. Enfin, le travail à façon se développe de plus en plus. Les agriculteurs se retrouvent dans un cercle vicieux qu’ils payent au moment du départ en retraite avec des exploitations difficiles à transmettre à des jeunes agriculteurs, surtout ceux non-issu du milieu agricole. Ces obstacles viennent s’ajouter aux défis structurels et économiques auxquels fait face l’agriculture, avec des exploitations souvent peu résilientes face aux aléas économiques et climatiques.
Un véritable déclin rural se profile
Les causes de la réticence des propriétaires sont bien connues. La première est la contrainte du statut du fermage. En effet, les propriétaires ont l’impression d’être dépossédés de leurs biens et de léser leurs enfants en mettant à bail. Ce qui entraine parfois une dévalorisation du foncier, une perte de valeur qui n’est pas compensée par les revenues. Les rendements locatifs sont au mieux faible et souvent négatifs cela en raison des fermages faibles couplés à une fiscalité confiscatoire. La fiscalité des terres agricoles est une cause qui détourne les propriétaires de la mise à bail. Le foncier agricole est surimposé en France. Notre pays à le taux d’imposition le plus élevé en Europe sur les revenus fonciers, sur les droits de mutations et sur les plus-values immobilières. Dans de nombreux territoires, le fermage couvre plus que la seule taxe foncière sur les propriétés non bâties. La France est le seul pays d’Europe à avoir un impôt sur la fortune uniquement basé sur le foncier et à imposer des cotisations sociales sur les revenus fonciers agricoles. Des avantages fiscaux existent certes mais sont faibles comparé à nos voisins européens.
Des solutions possibles à mettre en place
Pour inciter les propriétaires ruraux à remettre leurs terres en location, deux leviers doivent être actionnés par l’État : Inscrire dans la loi l’accord en six points conclue entre la SNPR (section nationale des propriétaires ruraux) et la SNFM (section nationale des fermiers et métayers). Cet accord équilibré répond aux demandes essentielles des bailleurs :
· Rendre l’état des lieux obligatoire en supprimant l’indemnité de sortie tant aux bailleurs qu’aux preneurs en cas d’absence ;
· Rendre obligatoire la conservation de la parcelle de subsistance par le fermier prioritairement sur ses terres en propriété ;
· Lors de la réalisation de constructions, d’investissements, et d’améliorations sur le fonds loué par le preneur, permettre la rédaction d’un accord amiable préalable entre le bailleur et le preneur qui fixera les modalités de l’autorisation de les faire et de leur indemnisation ;
· Revoir les règles de déclenchement de la révision du fermage anormal : introduire l’action au cours de la sixième année et non plus au cours de la troisième année ;
· Améliorer la transmission de l’entreprise du fermier sortant par de nouvelles règles de transmission du bail et en entérinant le principe : « Nouveau preneur, nouveau bail »
· En cas de vente du bien loué et d’exercice de son droit de préemption par le preneur, application du principe ‘la mise à bail ne dévalorise pas le bien », et élargissement des possibilités de subrogation. »
Réformer la fiscalité du foncier agricole : l’état doit cesser de considérer les propriétaires ruraux comme de simples rentiers mais comme des acteurs économiques supportant des couts et des risques et pleinement engagés dans l’économie du pays. C’est une nécessité aux vues de la démographie et des exploitations sans successeur. Plus de la moitié des chefs d’exploitation est ou sera en âge de prendre sa retraite dans les 8 ans à venir. Ce sont donc des centaines et des milliers d’hectares qui se transmettront chaque année. L’installation de nouveaux agriculteurs hors-cadre familiale est souvent non-issue du milieu agricole. Ces installations vont supposer des apporteurs de capitaux en personnes physiques ou GFA mutuels.
Les enjeux de l’agrivoltaïsme
Avec le cadre juridique de l’agrivoltaisme qui s’est étoffé au cours de l’année passée, les acteurs parviennent enfin à mieux comprendre la situation tout en repérant plus précisément les points de vigilance. Pour le propriétaire rural, se lancer dans un projet agrivoltaïque peut être une belle opportunité mais il faut en comprendre les conséquences. Deux d’entre elles doivent particulièrement retenir l’attention :
· La perte des avantages fiscaux liés aux baux à long terme : dans presque tous les montages agrivoltaïques, le propriétaire renoncera aux avantages fiscaux de ces baux ruraux en signant un bail emphytéotique. Cela doit être soigneusement anticipé pour éviter des déconvenues sérieuses.
· La responsabilité du propriétaire dans le démantèlement des installations, la loi APER est très claire : c’est bien le propriétaire du terrain qui est responsable du démantèlement obligatoire en fin de projet. C’est une responsabilité lourde aux égards et au cout que cela implique. Il est nécessaire de réfléchir au type de garantie que le propriétaire doit négocier avant de s’engager.
Un dialogue nécessaire entre bailleurs et fermiers
Le fermage reste une charge raisonnable pour les agriculteurs, et le dialogue entre propriétaires et fermiers est primordial. Dans l’Ain, ces relations se passent généralement bien, et pour éviter les litiges futurs, un état des lieux est toujours conseillé, que ce soit pour le bailleur ou pour le fermier.
Daniel CINIER – Président de la Section des propriétaires ruraux