FERME DE LA CHESNAIE
Éric et Stéphanie Sallès : le seul foie gras « made in Ain »

Un bocage vallonné où les cultures et les prairies s'épousent, bordées par de grands chênes aux racines aussi solides que la terre est lourde. C'est en Bresse, aux confins de Dommartin, qu'Éric et Stéphanie Sallès ont posé leurs duvets à la ferme de la Chesnaie.
 Éric et Stéphanie Sallès :  le seul foie gras « made in Ain »

Avec leur unique salarié, ils y élèvent, transforment et commercialisent, sur une exploitation d'une quarantaine d'hectares, des canards gras, destinés, comme on s'en doute, à la production de foie gras. Mais pas que !
Dans les petits enclos environnants baguenaudent de dodus palmipèdes aux plumes blanches et noires.
Des mulards, hybrides stériles de canard de Barbarie et cannes de Pékin utilisés pour produire ce qu'on a coutume d'appeler des canards gras, à savoir des volailles engraissées pour pouvoir obtenir les fameux foies gras. Que des males.
« Parce que la réglementation interdit de gaver les femelles pour des questions de qualité des foies ».
Trop lourds pour s'envoler, malgré leur puissante musculature, précise Éric, qui n'a rejoint son épouse sur l'exploitation qu'en 2018.
« Stéphanie travaillait ici depuis 10 ans, avec les anciens propriétaires de la ferme (NDLR qui avaient lancé cette production à la fin des années 80). Elle était arrivée une dizaine d'années auparavant, à l'issue d'un stage de formation ».

Le gavage : essentiel et contraignant

Le travail ne manque pas. « Nous produisons environ 80 canards par semaine. L'idée, c'est de tout faire de A à Z : élevage, abattage, plumage, transformation... Nous sommes très attachés à faire de la qualité. On ne fera pas plus si c'est pour faire moins bien », revendique le couple, peu enclin à se faire voler dans les plumes par quelque client mécontent.
A cela s'ajoutent les quelques dizaines d'hectares de céréales (maïs, soja et triticale), utilisées pour l'essentiel pour nourrir les animaux.
Si les mulards se révèlent d'une rusticité à toute épreuve et réclament relativement peu de soins, hormis la gestion des parcours (régulièrement pris pour cible par les renards), l'alimentation ordinaire, l'élevage de ces palmipèdes aux précieux lobes impose des amplitudes horaires similaires à celle de l'élevage laitier.
« Parce que le gavage, c'est deux fois 2 h par jour, toutes les douze heures, à heure fixe ».
Un gavage traditionnel qui n'intervient généralement que lors de la 17e et dernière semaine de vie de l'animal et qui lui permettra de passer en moyenne de 5 à 6kg. « Nous abattons toute l'année, sauf en juillet et août, parce qu'il fait trop chaud pour les animaux. »

« On pourrait faire du foie gras à la Réunion ! »

La pratique suppose savoir-faire et calme.
Et s'apprend, dans des régions exsangues de formations spécialisées, sur le tas. « Il faut être très concentré. C'est plus facile le matin que le soir, quand on a déjà 10h de travail dans les pattes », s'amuse l'ancien meunier d'une entreprise voisine, passé expert en gavage, plumage et même... cuisine !
« Moi qui déteste cuisiner à la maison, je pensais que je ne serais pas très à l'aise au labo. En fait, ça me plaît bien, parce c'est un travail très tonique. »
La diversité des taches leur plaît autant que l'opportunité de rencontrer les clients. « Nous vendons nos produits (2), frais, sous vide ou en conserve, à la ferme et dans les magasins de producteurs de Replonges, Ceyzériat et St-Denis-les-Bourg. Nous avons une clientèle régionale qui va jusqu'à Lyon. Essentiellement des fidèles, ce qui nous conforte sur la qualité de nos produits », détaillent nos deux natifs du charolais.
Le foie gras, cuisiné de moult manières reste le produit d'appel.
« Notre foie façon torchon marche très bien. Nos clients aiment aussi beaucoup notre terrine au foie gras cuite au four et les rillettes (1) » commente Stéphanie, de retour du « labo », charlotte encore vissée sur la tête.
L'exploitation leur permet de dégager un revenu correct, « à condition de ne pas le ramener au nombre d'heures».
Seul bémol : l'isolement par rapport aux grandes régions de production, comme le sud-ouest, ou la proximité des fournisseurs spécialisés facilite le travail.
Pour autant, le canard gras mériterait, selon eux, autant sa place ici qu'ailleurs. « On pourrait faire du foie gras à la Réunion ! Ce qui fait la qualité d'un foie, c'est le savoir-faire de l'éleveur et la qualité de la nourriture », assurent les tourtereaux.
Un projet de création est à l'étude dans une autre commune de Bresse.
En attendant d'éventuels collègues dans le voisinage, Éric et Stéphanie adhèrent à l'association régionale des producteurs de canards gras, pour échanger et contribuer à ce que la filière prenne son envol.
Et continuent chaque matin à cultiver, sourire aux lèvres leur petit coin-coin de paradis !

 

(1) Leurs rillettes ont été médaillées au dernier concours des fermiers d'Or.

 

Des portes-ouvertes à succès

Chaque année, la ferme de la Chesnaie organise des portes ouvertes qui attirent des dizaines de gourmets début novembre. Une période importante, sachant que les plus « grosses » périodes d’activité, fêtes obligent sont novembre, décembre et Pâques.