ACTIONS SYNDICALES
Blocages des raffineries : les mesures obtenues

La mobilisation syndicale de la FNSEA et de JA pour bloquer des sites pétroliers a permis la remise en route rapide du comité de rénovation des normes (Corena), une reconnaissance écrite que les distorsions existent non seulement sur les produits, mais aussi sur les conditions de production, et une prise de parole du ministre de l’Agriculture sur les « importations distorsives » et du secrétaire d’État à la Transition écologique sur l’huile de palme.
Blocages des raffineries : les mesures obtenues

« Il y a eu des points d'avancée, des points de déception et des engagements à travailler plus », a résumé la présidente de la FNSEA Christiane Lambert, lors de l'annonce de la fin du mouvement le 13 juin. Les quatre revendications affichées par les deux syndicats étaient : l'interdiction d'importer « tout produit ne correspondant pas aux standards de production français » ; pas d'évolution législative ou réglementaire qui « génère de nouvelles charges » et sans étude d'impact préalable ; allégement du coût du travail notamment saisonnier ; ciblage du volet agricole du grand plan d'investissement vers la « mise en oeuvre des plans de filière ».

La première revendication a évolué durant le mouvement. Au deuxième jour des blocages, la présidente de la FNSEA a finalement demandé l'engagement « que, pour les produits venant d'ailleurs, il y ait une parole plus forte sur ceux qui ne respectent pas les mêmes règles que nous ». La présidente de la FNSEA ajoutait également le souhait que soient révisés à la baisse les volumes d'huile de palme utilisés par la bioraffinerie de La Mède. Pour justifier la fin des blocages, les représentants nationaux FNSEA-JA - qui avaient annoncé leur intention de ne pas « bloquer le pays » - ont allégué des avancées sur plusieurs sujets, ce qu'a confirmé le ministre. Les syndicats ont finalement obtenu une reconnaissance écrite, par un courrier signé du ministère, « du fait que les distorsions existent non seulement sur les produits, mais aussi sur les conditions de production », explique Jeunes agriculteurs. « Nous avons obtenu que sur l'ensemble des distorsions, la France soit plus "pushing" à l'avenir », a résumé Christiane Lambert.

« La France est le fer de lance pour harmoniser les standards »

Les syndicats ont également obtenu une prise de parole du ministre de l'Agriculture sur ce thème : « La France est le fer de lance pour harmoniser les standards », a lancé le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert lors d’une conférence de presse organisée quelques heures après la fin des blocages. Au sein de l’UE ou dans les accords internationaux, « nous défendons nos lignes rouges », a affirmé le ministre, citant notamment l’exemple de l’usage des hormones en viande bovine comme une « concurrence déloyale ». Mais cette prise de parole ne sera peut-être pas suffisante aux yeux des syndicats : « Nous attendons encore un message fort, notamment du président de la République, pour maîtriser mieux ce qui est importé dans notre pays », avait demandé Jérémy Decerle, lors de la levée des blocages.

Parmi les mesures plus concrètes, le ministre a annoncé la remise en route du Corena (comité de rénovation des normes en agricul- ture), institution créée par l’ex-Premier ministre Manuel Valls après les manifestations de 2015. « Il permettra d’établir une étude d’impact pour toute nouvelle norme, c’est important », a insisté Samuel Vandaele, secrétaire général des JA. Il sera à nouveau présidé par Pierre-Etienne Bisch, conseiller d’État en service extraordinaire. Une première réunion est annoncée pour le 13 juillet. Le retour du Corena est une promesse faite par Stéphane Travert au dernier congrès de la FNSEA fin mars. Elle a tardé, a reconnu le ministre, pour cause d’agenda chargé par les travaux parlementaires.

Une position plus offensive sur les biocarburants

Autre avancée revendiquée par la FNSEA et les JA : une position plus offensive de la France pour faire baisser les plafonds européens d’importation d’huile de palme dans le cadre de la révision en cours de la directive Red2, qui s’est achevée le lendemain du mouvement. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État à la transition écologique, rappelle par ailleurs que « la France défend à Bruxelles une mesure progressiste de plafonnement de l’incorporation de ces matières dans les carburants dans la négociation de la nouvelle directive européenne sur les énergies renouvelables (Red2) qui sera adoptée avant la fin de l’année. Concrètement il ne serait plus possible d’importer plus d’huile de palme qu’en 2017 à l’avenir ». Son cabinet a confirmé deux autres mesures revendiquées par les deux syndicats. Il s’agit de décisions, certes récentes, mais antérieures aux blocages.

Le ministère confirme l’autorisation en France du nouveau carburant diesel avec 10 % d’incorporation de biodiesel (B10), contre 7 % au maximum actuellement ; cette décision avait été prise par arrêté publié au Journal officiel le 8 juin - deux jours avant le début des blocages. Le ministère confirme également qu’un avantage fiscal a été donné pour 5 ans (au lieu de 3 ans) au B100, biodiesel pur (sans diesel issu du pétrole), dans la loi de finances initiale pour 2018, adoptée en début d’année.

Pas de changement sur le travail saisonnier

Dernière annonce, le ministre apportera une meilleure « lisibilité » au volet agricole du grand plan d’investissement, a-t-il annoncé. Une première réunion est prévue fin juin. La FNSEA et JA se plaignaient de la présentation faite lors du dernier Conseil supérieur d’orientation agricole (CSO). En revanche, les syndicats n’ont pas obtenu satisfaction sur les cotisations sociales du travail saisonnier, car « le ministre de l’Agriculture n’a pas eu les arbitrages budgétaires. Mais les négociations continuent, la porte n’est pas fermée », assure Christiane Lambert. « J’ai entendu les besoins sur la compétitivité », a expliqué Stéphane Travert dans l’après-midi, qui promet des « réunions techniques pour cerner les impacts des mesures fiscales et sociales ».

De même, le syndicat n’a pas obtenu d’engagements fermes de Total ou du gouvernement à augmenter la part de colza dans l’approvisionnement de la bioraffinerie de La Mède. « C’est aux filières de travailler avec le groupe Total pour dégager des niveaux de prix, a indiqué Stéphane Travert. Nous souhaitons que Total aille plus loin, nous vérifierons les engagements de Total. »

Apasec