FILIÈRE BOIS
Les travailleurs du bois innovent pour valoriser le bois scolyté

Margaux Balfin
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Sept lauréats ont reçu un trophée à l’occasion du Salon des communes et des intercommunalités vendredi 13 octobre, dans le cadre de la première édition des Trophées de la forêt et du bois. La plupart se sont tournés vers des solutions innovantes pour valoriser une ressource désormais abondante : le bois scolyté. 

Les travailleurs du bois innovent pour valoriser le bois scolyté
Sept lauréats ont reçu un trophée à l’occasion du Salon des communes et des intercommunalités vendredi 13 octobre, dans le cadre de la première édition des Trophées de la forêt et du bois. Photo/MB

Véritables plaies pour les épicéas et sapins du Bugey, le scolyte et les sécheresses successives ont fait exploser les quantités de bois mort dans les forêts départementales. Son volume a été multiplié par sept depuis 2018. Jusqu’ici sous-valorisé, ce bois coûteux en transport était laissé pour compte et s’accumulait au milieu des bois ou engorgeait les scieries. Face à cette ressource devenue abondante, des forestiers et des travailleurs du bois locaux ont toutefois su lui trouver une valeur marchande. Composte, matériau de construction, pellet … désormais les utilisations du bois scolyté se multiplient dans le département.  

Trophée du bois-plasturgie : Société AG Plast à Nurieux-Volognat
Bien connu pour la fabrication de ses composteurs 100 % en plastique recyclé, le plasturgiste AG Plast s’est récemment tourné vers un matériau bien différent : le bois. « C’est en quelque sorte une demande de nos clients. Malgré notre utilisation de plastique recyclé et notre économie circulaire, nous subissons le plastic bashing. Dans la tête des gens, les composteurs à base de bois sont plus vertueux », explique Jordane Riva, directeur des opérations. Toujours dans sa volonté de s’inscrire dans une démarche locale, la société se fournit en bois auprès de la scierie Ducret à Maillat. Par ailleurs, elle s’est engagée à lui acheter son bois scolyté. « Nous nous sommes appuyés sur une étude de l’institut technologique FCBA qui prouve que le bois scolyté a la même résistance mécanique que le bois vert, poursuit Jordane Riva avant de conclure : il vaut mieux utiliser ce bois que de couper du bois vert. » 

Jean Deguerry a remis le trophée bois-plasturgie au nom du Département à Jordane Riva de la société AG Plast. Photo/MB 

Trophée de la construction : Atelier Hanggi à Pont-d’Ain
Spécialisé dans l’agencement d’intérieur et la fabrication de meubles sur mesure, l’Atelier Hanggi n’a pas hésité à utiliser du bois scolyté pour la construction de ses bâtiments. C’est son président, Pierre Archeny, qui en a eu l’idée, lorsque son père a fait nettoyer sa forêt du Grand Abergement sans réussir à vendre le bois scolyté. « J’ai décidé de le récupérer et de le valoriser pour la structure de mes cloisons (environ 850 m2). Mon métier n’est pas de vendre de la cloison, mais en m’inscrivant aux Trophées de la forêt et du bois, je voulais aider le Département et la filière à démontrer que le bois scolyté peut très bien être utilisé dans la construction », explique-t-il. Lui aussi s’est basé sur l’étude du FCBA et s’il admet qu’à la coupe, le bois scolyté a une légère teinte bleue, noire, rappelant à tort la couleur du bois pourri. Un faux problème pour Pierre Archeny : « Dans mon cas, nous avons recouvert les structures de cloison avec des panneaux OSB donc cela ne pose aucun problème. »

Norbert Héritier, président de Fibois 01, a remis le trophée de la construction à Pierre Archeny, président de l’Atelier Hanggi. Photo/MB

 

Trophée de l’artisanat : Biodibois, la petite scierie à Val Revermont 
Rémi Rufer est l’un des deux seuls fustiers du département. Plutôt orienté dans le secteur des espaces naturels tels que les parcs ou les jardins, il calibre des fustes pour la réalisation d’ouvrages en bois. Pour lui non plus, la valorisation de bois scolyté n’est pas un problème, d’autant plus qu’il trouve toute sa matière première dans un rayon de 10 km autour de chez lui. 

Le charpentier et président de la Chambre des métiers et de l’artisanat, Pierre Girod, a remis le trophée de l’artisanat au fustier Rémi Rufer. Photo/MB
 

Trophée de la démarche vertueuse : L’Atelien à Bourg-en-Bresse
Espace de partage pour échanger, apprendre à utiliser du matériel ou en essayer, le fab lab a ouvert ses portes en janvier dernier. Ce lieu est ouvert aussi bien aux artisans professionnels qu’aux particuliers avides de bricolage, mais aussi aux artistes aimant travailler divers matériaux dont le bois. 

Le fondateur de l’Atelien, Xavier Ravot, a reçu le trophée de la démarche vertueuse, remis par Étienne Megard, vice-président de Fibois 01. Photo/MB

 

Trophée de la gestion et de la récolte : ONF de l’Ain 
En partenariat avec l’association des communes forestières et le Groupement des scieurs de l’Ain, l’antenne départementale de l’ONF a lancé un projet de filière pour valoriser le bois mort, dont scolyté, des communes. Avec cette démarche, l’objectif est de mettre en place un abonnement entre les mairies forestières et les scieries. « La commune s’engage à mettre à disposition de la scierie tout son bois mort, et en contrepartie, la scierie s’engage à prendre la totalité du stock quel que soit le volume », explique Anthony Auffrey de l’ONF 01. Trois scieries du département ont déjà adhéré - et six communes en ont fait l’expérimentation. Près de 10 000 m3 de bois morts ont déjà trouvé une seconde vie grâce à cette filière, soit 10 % du bois mort du département. D’autres mairies aimeraient aujourd’hui accéder à ce type d’abonnement. « Cela ne résoudra pas tout, concède Anthony Auffret, mais cela apportera une solution de sécurisation pour les communes » qui ne savent pas toujours comment évacuer leurs forêts inondées de bois mort. 

Membre de l’association des sylviculteurs Bresse Dombes Revermont et vice-président de Fibois 01, Bertrand Pitance a remis le trophée de la gestion et de la récolte à l’ONF 01. Photo/MB

Trophée de l’énergie : Pellets écoproduits en Pays de Savoie (Peps)
Alors que de plus en plus de communes investissent dans des chaudières à bois ou à granules, les quantités de bois scolytés s’accumulent dans les forêts. Peut-être un signe du destin pour Thibaud Marchais. Ingénieur de formation, il s’est lancé le défi de fabriquer une usine à pellet transportable. « La machine pilote devrait être testée dans les prochains mois. Concrètement, on a mis l’équivalent d’une usine à pellet de 5 000 m2 dans un camion. Elle va broyer très finement, faire sécher, transformer en granules puis livrer le bois », détaille-t-il. Grâce à cette technologie brevetée d’une valeur de deux millions d’euros, il sera possible de déplacer l’atelier de transformation directement sur le lieu d’extraction et de réduire ainsi considérablement les coûts de transport. La société Peps cible en premier lieu les communes équipées de chaudières à bois, mais il pourrait pourquoi pas à termes s’adresser aux propriétaires privés.

Jean-Henri Laurent, administrateur des Communes forestières de l’Ain a remis le trophée de l’énergie à Thibaud Marchais, président de Peps. Photo/MB  

Trophée coup de cœur : Denis Léger, scierie du Burlandier au Poizat Lalleyriat
Avec ce trophée, le Département souhaitant mettre en avant le parcours, peu commun, de Denis Léger. Bucheron et bardeur de métier, ce dernier a évolué vers la scierie à la suite de problèmes de santé. « Il a fallu changer mais je voulais rester dans la filière bois que je connaissais. Je suis donc retourné dans la scierie où j’ai travaillé quand j’étais plus jeune », raconte-t-il. Denis Léger est ainsi devenu le nouveau propriétaire de la scierie du Burlandier. Il ne s’est toutefois pas contenté du sciage et a souhaité aller plus loin en valorisant aussi du bois scolyté. 

Denis Léger, dirigeant de l’entreprise Léger et fils, a obtenu le trophée coup de cœur, remis par Jean-Yves Flochon, vice-président du Département. Photo/MB