ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES
« Je prends conscience des difficultés qu’ont les femmes pour s’installer »

Margaux Legras-Maillet
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La ministre de l’égalité femmes-hommes, Isabelle Lonvis-Rome, s’est rendue sur une exploitation caprine et bovine jeudi 20 avril. Nous en avons profité pour lui demander quelles étaient les mesures mises en place par le gouvernement pour faciliter l’émancipation économique des agricultrices et les conditions de travail des agriculteurs, notamment avec l’arrivée d’un bébé.

« Je prends conscience des difficultés qu’ont les femmes pour s’installer »
« Quand on veut s’installer il faut s’accrocher. Beaucoup n’ont pas cru en moi parce que j’étais une femme », a expliqué Margot Bessonnard à la ministre de l’égalité femmes-hommes. Photo/MLM

En visite dans le département jeudi dernier, la ministre chargée de l’égalité femmes – hommes, Isabelle Lonvis-Rome, s’est rendue entre deux autres haltes sur l’exploitation de Margot Bessonnard, à Mantenay-Montlin. L’agricultrice est l’une des rares jeunes femmes du département à s’être installée récemment et surtout en individuel. C’est d’ailleurs pour cette raison que la DDT l’a choisie pour accueillir la ministre. « Quand on veut s’installer, il faut vraiment s’accrocher. Je pense que beaucoup de gens n’ont pas cru en moi au départ parce que j’étais une femme », a-t-elle expliqué à la ministre.
 
Une opération séduction 
 
Dernièrement, Isabelle Lonvis-Rome a multiplié les visites sur l’ensemble du territoire français. Réunion, Doubs, Bouches-du-Rhône, le lendemain, elle se rendait sur une autre exploitation dans le Jura. « Selon les territoires, je me suis rendue dans une usine, dans une exploitation de canne à sucre … j’essaye d’aborder la question de l’égalité femmes-hommes et surtout de l’émancipation économique à travers le prisme de plusieurs situations », a souligné la ministre.
Une opération séduction, à coup de poses habiles tout juste dissimulées devant les objectifs des journalistes.
Native de Saint-Étienne-sur-Reyssouze, la ministre s’est toutefois montrée peu au fait des difficultés que rencontrent les agricultrices pour s’installer. « Je prends conscience de la situation. Je n’en avais pas forcément conscience avant », a-t-elle expliqué lors d’une interview, avant de se justifier : « Je ne suis ministre que depuis un an. Je suis honnête sur mon parcours. Je sors de la magistrature. J’ai appris en accéléré sur le monde de l’entreprise et sur l’agriculture. »
La ministre serait-elle pour l’instant davantage occupée à recueillir des informations sur le terrain, plutôt qu’à envisager de véritables actions ? Isabelle Lonvis-Rome promet en tout cas de mettre en place un « petit groupe de travail » sur la condition des femmes agricultrices afin de déterminer leurs attentes.
 
Des aides à l’emprunt pour les agricultrices 
 
Autant que l’égalité, la ministre met un point d’honneur à faciliter l’émancipation économique des femmes. Dans un rapport publié début mars, l’association Oxfam a estimé à 132 000 le nombre de femmes n’ayant pas le statut d’agriculteur à part entière. Comment donc faciliter leur émancipation économique ? Isabelle Lonvis-Rome a rappelé que « les agricultrices peuvent d’ores-et-déjà s’orienter vers des dispositifs déjà existants ». Une mesure du Plan égalité femmes-hommes, qui vise à faciliter l’accès des femmes à l’emprunt, vient d’être étendue aux femmes qui reprennent une exploitation, pour des prêts allant jusqu’à 80 000 €, a-t-elle également annoncé.
Dernièrement, plusieurs couples nous ont également mentionné leurs difficultés d’associer leurs congés paternité et/ou maternité avec leur activité d’exploitant au moment de l’arrivée d’un bébé. Certains espéraient des adaptations pour le métier d’agriculteur. Par exemple, prendre seulement quelques heures par jour, au lieu de toute la journée, mais sur plus longtemps, afin que cela soit compatible avec le métier d’éleveur laitier. « Cela fait partie des points qui peuvent être abordés dans le cadre du groupe de travail, a estimé Isabelle Lonvis-Rome. Sans prendre d’engagement, je crois qu’il ne faut négliger aucune piste, tant que l’on n’est pas sur des réformes qui coûtent des milliards d’euros. »


 
*Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations européennes

Margot Bessonnard, une jeune agricultrice installée en individuel

Margot Bessonnard a repris l’exploitation de son paternel en janvier 2020, à Mantenay-Montlin, un village bressan de 320 habitants qui a su conserver son agriculture locale, à raison de dix exploitations dont trois en volailles. Après le lycée, la jeune femme a intégré un BTS au lycée agricole de la Roche-sur-Foron (74), puis s’est spécialisée dans la fabrication du fromage en suivant une licence Fromtiq à Poligny (39). Pour son installation, Margot Bessonnard a pu compter sur une dotation jeune agriculteur de 19 000 €, et d’aides dans le cadre du PCAE * pour sa fromagerie. Les Jeunes agriculteurs l’ont également soutenue pour conserver un terrain qu’elle louait et qui avait été vendu par le propriétaire.
L’agricultrice élève aujourd’hui 32 vaches en allaitant sur les 56 ha de l’exploitation (maïs, triticale, orge et prairies), mais ce qu’elle préfère ce sont les chèvres. Son cheptel de 45 anglonubiennes, saanen et alpines, lui permet de produire lactiques, tommes et fromages de types camembert, qu’elle propose en vente directe et sur le marché de Foissiat. Elle fabrique également des yaourts qu’elle vend sur l’exploitation du Gaec P2MN à Courtes. Margot Bessonnard n’a pas choisi ces races au hasard, et leurs laits, de qualités différentes se complètent : « Les saanen font beaucoup de lait, mais il est moins riche. C’est l’inverse pour les anglonubiennes. Quant aux alpines, elles ont un lait mixte. Tout est mélangé, ça me fait un meilleur lait pour les fromages. » Du côté des charolaises, elle valorise les génisses à l’engraissement et les veaux en broutards.
Passionnée par son métier, il n’en est pas moins difficile pour la jeune agricultrice installée en individuel de jongler entre vie professionnelle et vie personnelle : « On essaye de trouver du temps pour soi, le dimanche. Je prends aussi une semaine de vacances. » Depuis le début de l’année, Margot Bessonnard emploie également sa cousine à mi-temps, pour lui permettre de relâcher la pression de temps en temps. Son compagnon, salarié comme technicien dans l’électroménager, vient également lui prêter main forte après le travail. Et Margot Bessonnard de lâcher souriante : « Il n’a pas vraiment le choix s’il veut me voir un peu. »