PRÉDATION
« Le loup conditionne tout le fonctionnement de la ferme »

Ludivine Degenève
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Thibaut et Delphine Quinet sont éleveurs de chèvres et de brebis sur le plateau d’Hauteville depuis cinq ans. Ils n’ont jamais eu d’attaques de loup sur leur exploitation. Mais cette sérénité a un prix : une protection complète et permanente pour empêcher tout prédateur de s’en prendre à leur cheptel.  

« Le loup conditionne tout le fonctionnement de la ferme »
Ce troupeau de brebis est gardé par des Cão de Gado Transmontano. PHOTO/ LD

« Je passe ma vie à protéger mes bêtes. » Delphine et Thibaut Quinet sont éleveurs ovins et caprins sur le plateau d’Hauteville depuis maintenant cinq ans. S’ils n’ont pas eu affaire aux attaques de loup jusqu’à présent, c’est parce qu’ils mettent tous les moyens en place pour protéger leur cheptel. « Le loup conditionne tout le fonctionnement de la ferme », explique Delphine Quinet.
Voilà trois ans que le couple protège ses deux parcs, composés de 300 mères et 30 agnelles, avec respectivement trois et deux chiens de protection, ainsi que des clôtures électriques. « On n’a pas le stress de l’attaque du loup, on a plus l’angoisse qu’un de nos chiens fasse une connerie, confie Thibaut Quinet. Tu vas voir le troupeau tous les matins en te disant « est ce qu’il est arrivé quelque chose », surtout quand il y a des attaques chez les voisins. » En effet, il y a deux ans, le loup a frappé à 50 mètres de leur troupeau. Eux n’ont rien eu, mais cette année-là, 40 mères n’ont pas fait d’agneaux, ce qui représente aussi une perte économique pour l’exploitation. « C’était la première fois que ça nous arrivait », continue l’éleveur.
 
Plus de moyens pour protéger le cheptel
 
Concernant les chiens de protection, le premier a été acheté en 2019 suite à des attaques de lynx dans le département. Mais l’idéal serait d’en avoir davantage. « Il faudrait quatre chiens de plus pour que les agnelles et les béliers restent dehors la nuit, explique Thibaut Quinet. On ne prend pas plus de chiens à cause du temps de travail. » Mais cette décision n’est pas sans conséquence. « Pour le moment, on n’arrive pas à les [mères et agnelles, NDLR] faire manger comme il faut », continue l’éleveur.
 
« J’y passe des journées complètes »
 
Pour protéger le cheptel et empêcher les chiens de s’enfuir, les éleveurs ont aussi investi dans des clôtures électriques. « J’essaye de faire petit pour que les chiens puissent protéger le troupeau », explique Thibaut Quinet. Mais là encore, des contraintes se dressent devant le couple. « J’y passe des journées complètes [poser des clôtures NDLR], entre 6 h et 8 h à chaque fois », confie-t-il alors qu’il doit déplacer le cheptel tous les deux-trois jours, ainsi que les clôtures.
Niveau économique, le couple ne compte même plus ses dépenses. « Les croquettes, c’est par palette qu’on les achète », explique Delphine Quinet. La DDT offre une aide de 850 € par an aux exploitations souhaitant se protéger du loup, mais les dépenses restent conséquentes, ne serait-ce que l’essence pour se rendre chaque jour sur les parcelles. « On n’a jamais calculé mais je crois qu’il ne vaut mieux pas savoir, sourit l’éleveur. Si on ajoute le temps de travail, c’est énorme. »
Tous ces efforts prouvent qu’il est possible de se protéger du loup, mais cette sécurité a un prix. « La protection du troupeau nous prend 100 % de notre énergie », explique le couple. Thibaut Quinet ajoutera même que si son troupeau se fait attaquer par le loup, il n’est pas sûr de s’en remettre, aux vues de tous les efforts faits pour le protéger.