Session plénière
« Un nouveau contrat de confiance doit être établi ! »

Patricia Flochon
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Après la colère, les mobilisations, les espoirs, c’est la frustration qui prédomine dans les rangs de la profession agricole. Une profession qui pointe du doigt la lenteur de l’Etat à mettre en application certaines promesses, en appelle à « combler des trous dans la raquette » et à plus de pragmatisme. Retour sur les points sensibles abordés en session plénière de la Chambre d’agriculture du 18 mars.

« Un nouveau contrat de confiance doit être établi ! »
La session plénière s’est exceptionnellement tenue dans la salle des délibérations du Conseil départemental, avant la soirée festive dédiée aux 100 ans des Chambres d’agriculture. ©PF

Panneaux d’agglomérations retournés, blocage des autoroutes et des centrales d’achat, contrôle des prix et de l’origine des produits dans la grande distribution… : « les exploitants du département, de la région et de la France entière se sont mobilisés pour retrouver du bon sens. La mobilisation a été à la hauteur des enjeux des revendications et la réponse de l’Etat doit être au même niveau ! Depuis l’automne dernier les agriculteurs de France le disent haut et fort : la France marche sur la tête. Je voudrais pourvoir dire « marchait » sur la tête », rappelait Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture, lundi dernier lors de la session plénière de la chambre consulaire. Car si la profession agricole concède que l’engagement du Premier ministre et du Président de la République d’afficher l’agriculture et la souveraineté alimentaire au rang de priorité nationale est un acte fort, les annonces sont loin d’être suffisantes ; ainsi que le rappelle Justin Chatard, le président des Jeunes Agriculteurs, « sans rémunération on n’avancera sur aucun autre sujet. Il faudra que la loi EGAlim 4 soit à la hauteur de l’enjeu. Que soit renforcée la loi sur l’étiquetage. Les contrôles de la DDPP doivent s’accentuer et les sanctions s’appliquer. On a eu des engagements assez forts des grands groupes, il faut que l’Etat s’en serve et que la valeur redescende dans nos fermes, que la marge soit bien répartie entre tous les acteurs de la filière. »

Promesses de simplification administrative : scepticisme généralisé

Bon nombre de mesures font encore défaut pour répondre aux trois enjeux qualifiés « d’essentiels » pour la profession : « l’économie des exploitations, en permettant une rémunération au juste prix des produits agricoles, la simplification administrative, la baisse de la pression des contrôles et la transformation des sanctions pénales en sanctions administratives ou pédagogiques ». « L’Etat doit faire confiance aux agriculteurs qui connaissent leur métier et l’exercent au mieux avec beaucoup d’engagement et de fierté », insiste Michel Joux. Et Julien Quinard de faire part de son scepticisme sur la simplification promise mais sans véritables effets dans les actes. S’adressant à la préfète, Chantal Mauchet : « J’aimerais qu’on m’éclaire. La réponse a été de nommer un deuxième ministre au ministère de l’agriculture. Ce n’était pas une nécessité absolue il me semble. Pour revenir à l’assemblée générale du syndicat des vins du Bugey, nous avons eu le plaisir d’avoir le directeur régional des douanes qui n’a pas su répondre à nos questions sur le statut des bouilleurs de cru ambulants que l’on balade dans l’administration de collaborateur en collaborateur ! Quant au paiement des aides, certaines, validées en octobre 2023 ne sont toujours pas versées, portant sur des montants qui peuvent être de 25 000 € sur certaines exploitations… »

Port d’armes des agents de l’OFB : la préfète intraitable

Réitérée dans une motion votée en assemblée plénière lundi, la demande de suppression de la compétence de « police judiciaire » de l’OFB (Office français de la biodiversité) reste lettre morte. Jonathan Janichon, président de la FDSEA rappelant à la préfète : « A propos des agents de l’OFB armés, j’espère qu’on pourra avancer car c’est un symbole. L’administration a trop de pouvoir aujourd’hui ». La représentante de l’Etat se veut quant à elle intransigeante sur la question : « Les services de l’OFB font de la police administrative comme de la police judiciaire. Il y a méconnaissance mutuelle et il faut que l’on continue à comprendre quels sont les objectifs des uns et des autres, qu’il n’y ait pas de contrôles systématiques avec sanctions, mais plutôt favoriser les contacts. Mais je confirme que dans certains départements il peuvent être en proie à des agressions. Les agriculteurs ne peuvent pas non plus être indemnes de certains comportements. »

L’occasion également pour Gilles Brenon de l’interpeler sur une réactivation possible de la cellule Demeter de la gendarmerie, chargée de lutter contre la délinquance envers le monde agricole, suite aux vols récents dont ont été victimes des exploitations (notamment des vols de GPS). Ce à quoi Chantal Mauchet répondra positivement. A suivre. 

Arrêtés sécheresse et ressentis du terrain : un dialogue de sourds

Autre sujet qui fâche : la maîtrise de l’eau, et la réelle nécessité pour la profession agricole de pouvoir en maîtriser l’usage, ne serait que pour répondre à l’enjeu de souveraineté alimentaire brandit par l’Etat mais pour lequel on ne donne pas les moyens à la profession. « On a un arrêté sécheresse, alors que les agriculteurs ne peuvent pas rentrer dans leurs parcelles parce que c’est trop mouillé ! Quant on voit des aberrations comme ça, on ne sait plus quoi penser », s’agace Justin Chatard. Du côté de l’Etat, ça n’est pas le même son de cloche. Selon Chantal Mauchet, il s’agit « avant tout d’un message de sensibilisation pour le grand public. Que les sols au niveau superficiel soient gorgés d’eau, c’est une évidence, mais l’état des nappes est différent. Le projet territorial de gestion de l’eau (PTGE) Ain Dombes Saône est une initiative très heureuse, en 2024 le plan d’action sera bâti avec tous les acteurs du territoire. »

Elagage des haies : début de la date d’interdiction repoussé d’un mois

La réglementation impose aux agriculteurs une période d’interdiction d’élagage des haies et des arbres entre le 16 mars et le 15 août (pratique interdite par la Politique agricole commune). Alors que dans le même temps, aucune loi n’interdit aux particuliers ou collectivités de le faire, seulement une « préconisation » de l’OFB, pour respecter la saison de reproduction et de nidification des oiseaux. Une différence de traitement vécue comme une injustice pour les agriculteurs, à laquelle s’ajoute cette année une « provocation » supplémentaire suite l’envoi d’un mail à tous les maires de l’Ain par les services de la DDT incitant à intensifier les contrôles des parcelles agricoles, en référer en cas de manquement, et exercer le pouvoir de police du maire si nécessaire. Un message jugé inacceptable par les organisations professionnelles agricoles, et assimilé à un « coup de poignard dans le dos », voir même une incitation à la délation au vu de la tournure du mail. A noter que, depuis, la DDT a décidé de faire preuve de souplesse (au motif « des conditions météorologiques exceptionnelles de cet hiver : pluies abondantes rendant l’accès aux parcelles difficile voire impossible ») en repoussant le début de la date d’interdiction d’élagage au 16 avril.