VIANDE BIO
Analyse comparative de trois scénarios de conversion à l’AB d’un système naisseur

Une étude réalisée dans le cadre des travaux prospectifs des réseaux d’élevage a permis d’évaluer et de comparer trois modèles de conversion à l’agriculture biologique d’un système naisseur en viande bovine.
Analyse comparative de trois scénarios  de conversion à l’AB d’un système naisseur

C'est à partir d'un cas type naisseur avec broutards lourds en zone défavorisée (système représentatif de la Loire, modélisé à partir du suivi pluriannuel de fermes dans le réseau Inosys) sur 130 ha que les ingénieurs des réseaux d'élevage ont réalisé un travail de simulation de conversion à l'agriculture biologique. Ce travail a été effectué à structure constante (mêmes surfaces, même main-d'œuvre etc..). Trois modèles de systèmes ont été construits : deux modèles dont l'objectif est de finir un maximum d'animaux (un système naisseur-engraisseur de bœuf et un système veaux sous la mère) ainsi qu'un système naisseur bio.

Avant tout viser l'autonomie alimentaire

Nécessité perçu comme économique et technique préalable à toute conversion à l'agriculture biologique en bovin viande (en raison du coût élevé des aliments achetés), l'autonomie alimentaire a été le premier objectif du groupe de travail. Atteindre cette autonomie a nécessité de réduire - dans ce cas précis - les surfaces en herbe au profit des cultures autoconsommées comme le méteil ou le triticale. Le maïs ensilage, qui peut être conduit en agriculture biologique, a été conservé en tant que fourrage énergétique. Cette culture de printemps a également permis de cultiver du trèfle en dérobé pour améliorer la teneur en protéine des rations. L'autonomie massique en concentré passe de 53 % à 100 % dans les systèmes en agriculture biologique. Les périodes de vêlages initialement positionnées en automne ont été décalées sur l'hiver, afin que les pics de besoins du troupeau correspondent à la pousse de l'herbe. Le système veaux sous la mère présente deux périodes de vêlages pour encadrer la période creuse estivale de commercialisation des veaux.

Des animaux moins lourds et des rendements en baisse

Globalement, les rendements des cultures et des fourrages diminuent, nécessitant de réduire le nombre d'animaux et de reconcevoir les rations.
Le poids des vaches finies baisse de 30 kg vif et globalement la taille du troupeau diminue, passant de 84 vêlages en système conventionnel à 64 vêlages en système naisseur bio, 58 vêlages en système naisseur engraisseur de bœuf bio et 68 vêlages en système veaux.

Des résultats économiques en lien avec le niveau de finition des animaux ?

Globalement, les résultats économiques (conjoncture 2016) sont meilleurs pour les systèmes en agriculture biologique. En effet, la baisse des produits de la vente des animaux (environ - 8 %) est compensée d'une part par la hausse du produit des cultures et des aides, et d'autre part par la baisse globale des charges opérationnelles. Les EBE présentent un niveau de progression en lien avec le taux de finition des animaux. Nous parlerons cependant plus de tendances que d'écarts significatifs. Des travaux complémentaires seront nécessaires pour évaluer les liens entre finition des animaux et résultats économiques.

Ce qu'il faut retenir

A structure constante, ce travail a permis de démontrer que le passage à l'agriculture biologique d'un système naisseur qui vise l'autonomie alimentaire entraîne :
• une baisse du nombre d'animaux pour ajuster les besoins aux surfaces disponibles et être autonome
• une baisse des rendements des fourrages, mais aussi des cultures qui nécessitent une réorganisation de la SAU
• une plus grande surface nécessaire au troupeau, entre autres en cultures autoconsommées
• un rééquilibrage économique, avec globalement une baisse du produit des ventes des animaux compensée par la baisse des charges et la hausse des aides. Ces résultats ne tiennent pas compte d'aides à la conversion ou au maintien à l'agriculture biologique.
La conversion à l'agriculture biologique nécessite donc de reconcevoir son système de production et de repenser globalement les équilibres entre système fourrager, cultures autoconsommées et élevage.

Emmanuel Desilles, référent technique
régional en bovin viande bio, chambre d'agriculture de l'Allier
Auteurs de l'étude : Institut de l'élevage (Philippe Tresch), chambres d'agriculture : Claire Guyon (CA Hautes-Alpes), Guy Muron (CA Loire), Christophe Gillier (CA Ain), Céline Bouchage (CA Isère), Jean-Pierre Chevallier (CA Drôme).

 

INTERVIEW /

Christophe Blanchet, éleveur naisseur-engraisseur dans l’Allier

Christophe Blanchet, éleveur naisseur engraisseur.

 
Il élève  50 vaches charolaises sur 150 ha de SAU. Il s’est engagé en conversion à l’agriculture biologique en janvier 2015. Il témoigne.
Quel système d’élevage aviez-vous avant votre conversion ? Et quelles productions ?
Christophe Blanchet : « Mon élevage était constitué de 50 vaches charolaises suite à une sortie d’un Gaec. Notre élevage était tourné vers l’élevage et la finition de femelles en génisses de 24 à 27 mois et vaches finies, les mâles étaient finis en taurillons de 16 mois. »

Avez-vous suivi un scénario en exemple pour votre conversion ?
CB : « Non, j’ai fait beaucoup de rencontres en ferme avec d’autres éleveurs en agriculture biologique et j’ai également participé aux échanges d’expériences en « rallye bio » avec Allier bio ou en formation avec la chambre d’agriculture. »

Quelle trajectoire avez-vous suivie ?
CB : « Mon projet était de rapidement valoriser tous les animaux quitte à allonger les cycles d’élevage et réduire mon nombre de vêlages. C’est pour les mâles que cela a été le plus difficile, j’ai commencé par les finir en veaux avant d’en castrer pour élever des bœufs de 30 à 36 mois. Mais pendant un an et demi, je n’ai pas eu de ventes de mâles. En voie femelle, cela n’a pas posé de difficulté. »

Quelle stratégie avez-vous adoptée pour revoir votre système d’élevage, pour vous permettre d’allonger les cycles ?
CB : « J’ai fait en fonction de mes bâtiments existants, pour pouvoir hiverner tous les animaux selon le cahier des charges bio (5m²/tête et au moins 1m²/100kg de poids vif par gros bovins hors taureau) en projetant de tous les finir en gros bovins. Cela m’a amené à conserver 45 à 50 vêlages/an. Ensuite, j’en ai déduit mes besoins en pâturage et en fourrage à récolter. Le reste de l’assolement est en culture pour l’autonomie en concentré et la vente de blé panifiable. »

Quels sont les résultats de production qui ont le plus évolué ?
CB : « J’ai constaté une légère baisse des poids des carcasses de 40 à 50 kg et une baisse des rendements des cultures. Ma satisfaction est d’avoir maintenu mes rendements de fourrage notamment grâce aux prairies temporaires à base de légumineuses. »

Quels sont les postes économiques qui ont le plus évolué ? Et dans quel sens ?
CB : « En élevage, ce sont mes charges sanitaires qui ont le plus baissé, 14 à 15 €/vêlage aujourd’hui, grâce à la suppression des vaccins et une maîtrise du parasitisme par un suivi coprologique préventif.
En culture, ce sont les achats de phyto et fertilisants qui ont été supprimés. La fertilisation se base maintenant sur les amendements à base de carbonates et de mes fumiers. Ce qui est en hausse, ce sont les prix de vente de mes animaux.  En juin, j’ai vendu des vaches de 4,6 à 4,7 €/kg carcasse selon leur conformation. »

Quels conseils donneriez-vous aux éleveurs qui sont intéressés par la conversion en AB ?
CB : « Mon conseil serait de bien étudier l’impact de l’évolution des ventes sur la trésorerie et d’en anticiper la sécurisation avant de s’engager en AB. »
Propos recueillis par Emmanuel Desilles, conseiller en AB, chambre d’agriculture de l’Allier.