TRUFFE DU BUGEY
Le marché aux truffes de Saint-Champ repoussé

Margaux Legras-Maillet
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Si les trufficulteurs du Bugey n'ont pas amassé une quantité suffisante de truffe du Bugey pour maintenir leur marché au 18 décembre, la récolte a bien débuté. Eric Hell, le président du syndicat, nous explique les rudiments de cette tradition retrouvée. 

Le marché aux truffes de Saint-Champ repoussé
La culture de la truffe nécessite un important suivi tout au long de l’année. Au moment de la plantation, il est conseillé de labourer sur 30 cm de profondeur. Chaque année au printemps, le trufficulteur bine sur 10 cm de profondeur autour du plant. À noter que chaque arbre est également taillé afin de conserver une petite taille, à peine 1,50 m de haut. Photo/MLM

C’est une bien triste nouvelle pour les trufficulteurs du Bugey. Tous misaient beaucoup sur le marché de Saint-Champ qui se tient d’ordinaire avant la Noël. Malheureusement cette année, ils n’ont pas réussi à réunir la quantité suffisante de 10 kg de truffe pour l’ensemble des producteurs. Le marché a donc été repoussé du 18 décembre au samedi 28 janvier. La faute à la sécheresse ? Possible, mais cela reste difficile à dire. La maturation des truffes a pu être été décalée dans le temps, mais seul l’avenir le dira. 

La truffe naît en avril-mai et est alors toute rouge puis grandit durant l’été. Les orages du mois d’août sont absolument nécessaires à son gonflement. Dans le Bugey, la récolte début en règle générale début décembre et peut courir jusqu’à février. Cette année, on la trouve autour de 750 – 800 €/kg en moyenne. Photo/Eric Hell

Trouver le bon filon
 
Certains producteurs, à l’instar d’Éric Hell, ont malgré tout déjà déterré certains filons dès début décembre. Le président du Syndicat des trufficulteurs du Bugey est passé maître dans l’art de cultiver la truffe. Mais comme il s’en amuse lui-même, « en réalité, on sait surtout ce qu’il ne faut pas faire, mais pas vraiment ce qu’il faut faire. C’est aussi ce qui fait le charme de la truffe. » Il y a en effet bien longtemps que sur nos contrées la truffe ne pousse plus naturellement. La quasi-totalité des truffières sauvages ayant disparu avec l’abandon des campagnes à l’avènement de l’ère industrielle. Aussi, depuis les années 1980 et le succès de recherches menées par l’Inrae, la truffe se développe artificiellement grâce à la mycorhization des arbres. « C’est très compliqué à faire. Ils mettent du spore de truffe dans du terreau stérilisé avec des graines d’arbres », précise Éric Hell. Lorsque les racines du jeune plant se développent, les spores se fixent dessus profitant ainsi au développement du champignon. Les plants sont ensuite vendus sur le marché.

On repère facilement la présence de truffes au sols grâce au brulé, une zone autour de l’arbre où rien ne pousse à cause du champignon. Noisetier, chêne pubescent, chêne vert méditerranéen… la mycorhization réussit a priori sur n’importe quelle essence, mais on privilégiera des essences rustiques, mieux à mêmes de résister à notre climat. Photo/Eric Hell

C’est ainsi que dans le Bugey, on cultive la tuber melanosporum, plus communément appelée truffe noire du Périgord. Un sobriquet plus si bien mérité puisqu’aujourd’hui, une importante partie de la production truffière se situe dans le département de Drôme. En France, deux pépiniéristes font figure de leaders sur le marché du plant mycorhizé : les Pépinières Robin dans les Hautes-Alpes, et Agri-Truffe en Gironde. 
 
La truffe aime les sols pauvres 
 
C’est chez ce premier fournisseur qu’Éric Hell achète d’ailleurs ses plants de dix à vingt cm pour une quinzaine d’euros chacun. Mais leur savoir-faire ne suffit pas. Très fragile, la truffe aime être traitée en princesse et ne résiste pas à la concurrence des autres champignons. C’est pourquoi on privilégiera des sols dénués de racines pour la plantation. Elle aime les sols bien drainés, calcaires, et de préférence exposés plein Sud, car le champignon apprécie la chaleur. C’est ce qui rend les sols potentiels si difficiles à trouver. « Une fois l’arbre planté, les mycorhizes du champignon vont se développer sous forme de filaments micellaires et vont coloniser le sol autour de l’arbre. Les premières truffes sortiront au bout de dix ans en moyenne, explique le trufficulteur. En règle générale, on plante sur d’anciens prés ou d’anciennes vignes. On ne veut pas non plus empiéter sur des terres agricoles donc on recherche plutôt des landes. La truffe aime bien les sols pauvres. Une fois qu’on a perdu des truffières, on n’arrive pas à les récupérer », précise Eric Hell. La France a ainsi perdu d’importantes surfaces trufficoles avec l’Exode rural dès le début de la période industrielle. 
 
La truffe noire du Bugey aura bientôt sa propre identité génétique
 
Les truffes qu’il récolte cette année, Eric Hell a les a lui plantées il y a une douzaine d’années, et chaque année c’est le même suspens. Y aura-t-il de la truffe ? Oui, mais elle n’est pas toujours facile à localiser, même pour les chiens truffiers. Début décembre, les chiens d’Éric Hell et son fils, ont parfois gratté plusieurs minutes sans arriver à mettre la truffe sur la truffe... Pour l’instant, les deux trufficulteurs en ont malgré tout récolté quelques-unes. 
Vous l’aurez compris cultiver de la truffe dans le Bugey est avant tout une histoire de passion. « On ne sait jamais si ça va fonctionner. Quand on se lance, il faut accepter que ça peut être un échec et que l’on ne récoltera rien du tout », souligne Éric Hell. Mais lui et ses confrères ne désespèrent pas de motiver de plus en plus de trufficulteurs, car l’or noir du Bugey a bien besoin de représentants. Alors qu’au XXème siècle on en récoltait en moyenne jusqu’à 7 000 kg sur le département, cette proportion est tombée à quelques centaines de kilos aujourd’hui. Néanmoins, le syndicat a de quoi se réjouir. Sur la centaine d’adhérents qu’il fédère (pour quelques 60 ha sur le département), beaucoup n’ont pas encore récolté, les plantations ayant moins de dix ans. Par ailleurs, les trufficulteurs du Bugey ont envoyé plusieurs truffes récoltées sur leurs terrains chez Agri-Truffe afin de tenter une reproduction.