FIDOCL
« En 2022, plus de 300 000 animaux ont été génotypés »

Lors de son assemblée générale le 8 mars dernier, la fédération interdépartementale des entreprises de conseil élevage du Sud-Est (Fidocl), a invité l’ingénieure Chris Hozé pour répondre à la question suivante : l’épigénétique permettra-t-elle de prédire les performances des animaux d’ici dix ans ? Interview.

« En 2022, plus de 300 000 animaux ont été génotypés »
Selon Chris Hozé, ingénieure de recherche à Eliance, « la part d’éleveurs qui pratique la génomique a été multipliée par dix entre 2010 et 2020 ». ©Apasec

Quelles sont les différences entre la génétique, l’épigénétique et le génotypage ?

Chris Hozé : « La génétique étudie l’hérédité et la transmission au fil des générations, tandis que l’épigénétique étudie l'expression des gènes. Enfin, le génotypage permet d’identifier quelles versions des marqueurs sont portées par les animaux. »

Quels sont les nouveaux caractères détectés et sélectionnés par la génomique ?

C. H. : « La génomique a permis de sélectionner de nouveaux caractères difficiles à mesurer, comme la fromageabilité du lait. À terme, elle permettra peut-être de mesurer tous les caractères liés aux enjeux sociétaux : l’efficacité alimentaire ou encore les émissions de gaz à effet de serre. Avec la génomique, nous pouvons accélérer le progrès génétique, car les animaux sont sélectionnés dès leur plus jeune âge. Il devient alors possible de sélectionner sur un plus grand nombre de critères avec un meilleur équilibre entre les caractères de production et les caractères fonctionnels. »

Pourquoi utiliser le génotypage en élevage ?

C. H. : « Avec la génétique, nous essayons de corriger la performance par les effets d’environnement, comme le troupeau, l’année de naissance, la région ou encore le rang de vêlage. Toutes ces données sont disponibles et utilisables directement dans les modèles d’évaluation. Idéalement, il faudrait avoir accès à des informations spécifiques de l’élevage comme la température, l’alimentation ou encore le type de bâtiment. Pour distinguer ce qui vient de l’environnement et ce qui vient de la génétique, nous utilisons les liens de parenté entre individus. Nous savons ainsi que l’animal transmet la moitié de son matériel génétique à son descendant. Mais en réalité, un couple de parents donne un milliard de combinaisons possibles. Il y a donc un côté loterie pour savoir si le veau sera au-dessus ou au-dessous de la moyenne des parents. Avec la génomique, le défi est de savoir ce qui a réellement été transmis entre l’animal et sa descendance pour pouvoir prédire le potentiel génétique dès leur plus jeune âge. Sur le troupeau, les enjeux sont d’accroître le progrès génétique grâce à une meilleure gestion du renouvellement et d’avoir plus de précisions dans les plans d’accouplement. Le génotypage de l’embryon permet de réimplanter les meilleurs embryons. L’utilisation de semence sexée sert, quant à elle, à produire des génisses à haute valeur ajoutée et à développer le croisement de viandes. »

En quoi l’utilisation de puces de génotypage constitue-t-elle une avancée ?

C. H. : « Au lieu de lire l’ensemble du génome des animaux, nous sélectionnons 45 000 points du génome pour lesquels nous obtenons facilement l’information. Depuis 2019, une puce unique moyenne densité est utilisée en France pour le génotypage des bovins. Elle comporte 45 000 marqueurs répartis sur l’ensemble du génome pour détecter les QTL, c’est-à-dire les régions du génome qui ont un effet plus ou moins fort sur le caractère étudié, comme la quantité de lait. Nous utilisons des marqueurs génétiques pour savoir quels segments d’ADN ont été transmis d’une génération à l’autre. Avec l’offre groupée Valogène, nous bénéficions d’une partie de la puce personnalisable régulièrement mise à jour. Ces marqueurs personnalisés servent à étudier le contrôle de parenté ; mais également à avoir des informations sur des gènes spécifiques comme les anomalies génétiques, le gène sans corne ou encore le taux de caséine. Ces marqueurs évoluent avec les avancées de la recherche : nous en sommes déjà à la quatrième version de puce moyenne densité. Entre 2010 et 2020, la part d’éleveurs qui pratique la génomique a été multipliée par dix. Nous sommes passés d’un outil schéma à un outil qui s’est démocratisé dans les élevages. En 2022, plus de 300 000 animaux ont été génotypés. »

À l’avenir, que sera-t-il possible de faire avec l’épigénétique ?

C. H. : « Avec l’épigénétique, nous allons nous intéresser aux marques sur le génome qui vont permettre ou non aux gènes de s’exprimer. Elle détectera dans quelle mesure l’environnement affecte l’expression des gènes. Grâce aux marques épigénétiques, il sera possible de repérer les stress subis par l’animal durant sa vie fœtale, de jeune ou d’adulte. Nous étudierons ensuite l’impact de ces marques sur les performances des animaux. L’information épigénétique pourra également nous permettre de mieux appréhender les interactions entre la génétique et l’environnement. »

Quels sont les projets de recherche et de développement à venir ?

C. H. : « Actuellement, nous avons un premier outil d’épigénotypage en développement dans le cadre d’un projet européen impliquant Inrae, Idele et Eliance. Nous avons plusieurs projets qui courent jusqu’en 2026, dont l’objectif est de combiner la génomique et l’épigénétique avec une étude pilote menée en race holstein. Le but est, qu’à l’image de la puce de génotypage, l’outil puisse être largement utilisé en élevage d’ici 2030, afin de prédire les performances des animaux. Nous allons avoir un premier outil de recherche, mais il faudra l’adapter pour qu’il soit facilement déployable sur le terrain. Il faudra mettre en place les circuits d’informations nécessaires et collecter des informations sur un maximum de races et de contextes. Quant à la génomique, des travaux sont en cours pour évaluer de nouveaux caractères, comme la thermotolérance. Nous espérons également que la baisse du coût des biotechnologies permettra de lire l’ensemble du génome de tous les taureaux diffusés. De cette façon, nous aurons accès au maximum d’informations pour anticiper les anomalies génétiques, identifier les variants qui vont influencer le caractère, améliorer la compréhension des gênes et avoir une meilleure précision de l’évaluation des tests génétiques. »

Propos recueillis par Léa Rochon

En chiffres

La Fidocl, c’est :

·      25 départements en France,

·      11 membres (dont Acsel Conseil Élevage ; Adice ; Alysé ; chambre d’agriculture de la Creuse, de l’Indre et de la Provence-Alpes-Côte d’Azur ; éleveurs des Savoie ; Haute-Loire Conseil Élevage ; Loire Conseil Élevage ; Rhône Conseil Élevage et EDE Puy-de-Dôme),

·      6 000 élevages en bovin lait,

·      340 000 vaches,

·      600 élevages caprins,

·      80 000 chèvres,

·      Plusieurs formations certifiées Qualiopi à destination des conseillers et des éleveurs.