SESSION PLÉNIÈRE
Lourdeurs administratives : la Chambre d’agriculture ne lâchera rien

Patricia Flochon
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Présidée par Michel Joux, la session plénière de la Chambre d’agriculture, s’est déroulée le 15 mars, en présence de la préfète de l’Ain, Cécile Bigot-Dekeyzer. Retour sur les dossiers phares à l’ordre du jour : gestion de l’eau, MAEC, présence du loup et maintien de l’élevage, renouvellement des générations, future loi d’orientation agricole…

Lourdeurs administratives : la Chambre d’agriculture ne lâchera rien
Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture, entouré de Cécile Bigot-Dekeyzer, préfète de l’Ain, Vincent Patriarca, directeur départemental des territoires, et Adrien Bourlez, président de la CGA et 1er vice-président de la Chambre d’agriculture. PHOTO/ PF

Ainsi que le rappelait le président de la chambre consulaire, l’inquiétude reste forte sur certains dossiers et enjeux pour l’avenir. Concernant les défis liés au changement climatique, Michel Joux a d’emblée affirmé la déception de la profession sur le dossier des calamités agricoles : « La gestion désastreuse du dossier calamité départemental 2022 reflète l’incompétence de l’administration centrale à apporter des vrais soutiens aux paysans. Nous attendons que le système satellitaire (Isop et Airbus) soit étalonné dès 2023 pour permettre au dispositif assurantiel prairies d’être efficient ». Autre sujet de préoccupation : la prédation et la présence du loup dans le département « qui nécessite la mise en place rapide d’une stratégie de régulation en lien avec le plan loup » et le souhait que « l’État donne aux lieutenants de louveterie tous les moyens nécessaires pour agir efficacement ». Ont également été évoqués, l’envolée des coûts de l’énergie, des approvisionnements et des investissements « à des niveaux jamais vus jusqu’alors » ; la problématique de la gestion de l’eau ; ou encore le maintien des MAEC (Mesures agroenvironnementales et climatiques). Sur ce dernier point, Michel Joux durcit le ton : « En n’affectant pas un budget à hauteur des ambitions et pire, en déclarant illégale la possibilité des Départements et des collectivités de financer ces mesures, l’administration centrale démontre encore une fois sa vision typiquement parisienne hors sol ». Concernant le projet de pacte et de loi d’orientation et d’avenir agricole, il rappellera que « la profession s’engage au niveau régional dans cette réflexion qui s’article autour de trois axes : orientation et formation, renouvellement des générations, adaptation et transition face au changement climatique. Nous nous engageons à faire remonter des propositions très concrètes qui amélioreront la pérennité de nos exploitations ». Des propos largement soutenus par Adrien Bourlez, 1er vice-président de la Chambre d’agriculture, qui en appelait la préfète, à « se faire le porte-parole du bon sens paysan sur tous ces sujets et à faire remonter toutes les problématiques que l’on a sur le département ». 
 
Éléments de réponse apportés par la représentante de l’État
 
En réponse à ces préoccupations fortes de la profession agricole, la préfète de l’Ain, Cécile Bigot-Dekeyzer a tenu à rappeler le positionnement de l’État. À propos du Pacte et loi d’orientation et d’avenir agricole : « L’objectif de cette loi est de garantir la pérennité de notre monde agricole et la souveraineté alimentaire de notre pays, partant du constat que dans dix ans un tiers des exploitants agricoles auront atteint l’âge de la retraite. Il y a une question de relève générationnelle, d’installation des jeunes cruciale. Il faut un travail sur l’orientation et la formation pour attirer des jeunes vers ces métiers, sur la transmission des exploitations et l’installation des jeunes agriculteurs, ainsi que sur l’adaptation des exploitations sur la résilience au changement climatique. Oui les exploitants ont toujours su s’adapter à l’évolution du contexte dans lequel ils travaillent, mais le changement climatique est aujourd’hui extrêmement rapide. Concernant les consultations régionales, les premières réunions commencent à se mettre en place ». Une réunion est prévue le 28 mars à la Roche-sur-Foron qui réunira tous les acteurs du département de l’Ain, de la Savoie et de la Haute-Savoie. Objectif : proposer un pacte et une loi d’ici la fin du mois de juin. À noter également l’ouverture de dispositifs d’aides pilotés par FranceAgriMer pour permettre aux agriculteurs de s’équiper en matériels pour s’adapter aux aléas climatiques : du matériel de précision, de protection contre la sécheresse, la grêle, etc. Sur l’enjeu de la gestion de l’eau, Cécile Bigot-Dekeyzer précise : « Oui il y a déjà des restrictions parce que l’état de remplissage des nappes phréatiques est très préoccupant. Ça n’est pas spécifique à l’Ain. Donc il va falloir faire preuve d’innovation quant à la gestion de l’eau ; l’objectif n’est pas de privilégier la préservation des milieux aquatiques plutôt que l’agriculture, mais d’avoir le meilleur partage possible de la ressource, avec une priorité : l’eau potable. L’État, avec la participation du Département et de la Région, organisera le 25 avril prochain à Jujurieux une conférence de l’eau pour partager la situation, partager les bonnes idées et les bonnes pratiques, à laquelle le monde agricole sera évidemment partie prenante ».
 
Chantiers et enjeux d’avenir au niveau départemental
 
La Chambre d’agriculture a fait le choix de centrer ses actions sur quatre enjeux majeurs : le renouvellement des générations et l’intégration du salariat dans les exploitations pour maintenir un tissu et un maillage agricole du territoire source de vie, d’activité économique, de biodiversité et d’espaces naturels entretenus ; l’adaptation des systèmes d’exploitation au changement climatique et à la gestion de ce risque (déploiement du nouveau système assurantiel, changements de pratiques culturales, développement de la ressource en eau et des possibilités de stockage) ; la diversification des exploitations en saisissant les opportunités d’énergies renouvelables, de l’attractivité touristique du territoire et des services environnementaux aux entreprises et collectivités ; et enfin, le développement de nouvelles filières ou de nouveaux débouchés commerciaux pour ouvrir de nouveaux marchés à valeur ajoutée en réinventant des structures collectives à dimension territoriale (légumerie, abattoir petits ruminants, etc.). Et Michel Joux d’annoncer que la création de la SAS AGRILEA, société développée en partenariat avec la Sem LEA (Les Énergies de l’Ain), sera finalisée début avril : « Cela va nous permettre de maîtriser le développement du photovoltaïque à certaines conditions territoriales : le consensus, le collectif et la répartition de la valeur ». 

Ils ont dit…

Éric Viollet, secrétaire adjoint de la Chambre d’agriculture
S’adressant à la préfète de l’Ain : « Pour chaque nappe et type de rivière, il serait opportun qu’une étude évalue concrètement les impacts des mesures de restrictions que vous prenez sur l’évolution de leur niveau ou de leur débit. Nous estimons que sur les nappes de la Dombes, de la Plaine de l’Ain et sur la Saône, ces mesures ont des impacts disproportionnés sur l’agriculture au regard de leur efficacité plus que limitée sur l’évolution de ces milieux. Si notre pays souhaite garder une certaine autonomie alimentaire, alors travaillons pour garder cette eau sur notre territoire. Arrêtons de plier les genoux devant des idéaux qui ne font que faire reculer notre pays. Il n’y a pas d’agriculture sans eau. Le contenu de nos assiettes de demain en dépend. Nous espérons que nous pourrons trouver un point d’équilibre entre la sauvegarde de notre production alimentaire et celle des milieux aquatiques ». 
 
Gaëtan Richard, président du comité d’orientation Développement agricole
À propos des MAEC (Mesures agroenvironnementales et climatiques) : « On a eu beaucoup d’annonces sur le maintien des MAEC. Aujourd’hui les enveloppes d’aide fondent comme neige au soleil. Des enveloppes ont été réduites au niveau national, et notre Département n’a plus le droit de financer ces MAEC. Ce qui m’inquiète sur notre secteur de montagne, c’est que certaines exploitations individuelles pouvaient en bénéficier pour des montants non négligeables, parfois jusqu’à 15 000 €, et qu’aujourd’hui aucune information ne leur est donnée pour l’avenir de ces aides. Et je ne pense pas que ce soit le rôle de la Chambre d’agriculture de le faire ; c’est le rôle de l’État et des politiques. Je me pose beaucoup de question sur la rentabilité de ces systèmes herbagers, avec en plus le problème du loup qui fait que sur notre secteur personne n’ose sortir les génisses et les veaux de peur des attaques ».  
 
Gilles Brenon, vice-président de la Chambre d’agriculture
Crise porcine : « Je tiens à remercier le travail des services de la DDT notamment pour accompagner la crise porcine en 2022. Cela a permis d’agir très vite et faire en sorte que les trésoreries retrouvent un semblant de santé, puisque l’on a été l’un des premiers départements de France à être indemnisé à hauteur des enjeux annoncés au départ ». 
Calamités agricoles : « Le signe montré par l’État sur la décision sur le fonds des calamités fait que ce n’est pas comme ça que l’on va inciter les agriculteurs à s’assurer dans les années à venir. C’est un très mauvais signe et on fait remonter le message au niveau national ». 
Gestion de la Mese (Mission d’expertise et de suivi des épandages) : « Pour rappel, c’est la Chambre d’agriculture, sous diligence des services de l’État, qui est en charge de la gestion de la Mese. J’ai tiré la sonnette d’alarme dès 2020 par rapport aux finances qui vont en face, et demandé aux collectivités qui bénéficiaient des services de cette structure que chacun fasse sa part d’effort pour que cela puisse perdurer. On nous dit de faire le boulot, mais on ne nous donne pas les moyens financiers. On demande 50 000 € pour la gestion. Ça n’est pas surhumain. Quatorze collectivités avaient joué le jeu très vite, pour 2023 on a la solution mais quid des années à venir. Cela reste une vraie inquiétude compte tenu des enjeux liés à la gestion des boues de stations d’épuration ». 
 
Julien Quinard, secrétaire général de la Chambre d’agriculture
« On a une problématique récurrente et qui devient très pesante. On nous annonce pour la fin d’année un projet d’étiquetage sur nos bouteilles où il faudra inscrire les glucides, les lipides, les ingrédients… comme les confitures Bonne Maman. À force d’en rajouter, je me demande dans les années à venir comment on va installer dans nos appellations d’origine des viticulteurs. On a des métiers magnifiques, mais on a du stress avec ces tracas administratifs qui deviennent extraordinaires. On nous annonce pour finir que maintenant ce sont des entreprises privées qui vont venir contrôler, en plus de ce qui est écrit dans nos cahiers des charges, nos stocks, nos documents administratifs. On n’est pas contre quand c’est l’État, mais que l’on transfert cette charge à des entreprises privées, c’est inacceptable ».
 
Lionel Manos, président du comité de territoire Montagne et vice-président de la Sema
« J’ai à cœur de maintenir l’élevage sur nos territoires. Le loup est bien présent. Il a été filmé à plusieurs reprises. J’émets beaucoup d’inquiétude pour la mise à l’herbe des animaux. On constate un manque de collaboration aves les services de la DDT. Le loup est soi-disant un animal sauvage, mais on le trouve quand même peu craintif, de même que l’on voit des lynx au bord de la route qui ne sont pas craintifs non plus… Notre agriculture dans notre petit Bugey va souffrir, elle souffre déjà. Je compte sur vous madame la préfète pour prendre des mesures concrètes pour limiter le développement du loup ». 
 
Justin Chatard, président des Jeunes Agriculteurs
« Comment va-t-on installer des jeunes demain avec cette épée de Damoclès en permanence sur nos têtes : la grippe aviaire, la peste porcine, la BVD, l’IBR… tant de risques sanitaires, mais aussi les aléas climatiques et un système assuranciel très inquiétant au vu de ce qui s’est passé en 2022, sans compter les lourdeurs administratives. On a un transfert de compétences Etat – Région sur la DJA. On nous avait annoncé une simplification administrative, mais c’est globalement tout l’inverse. On remercie la Région pour son soutien financier, mais il faut arriver à simplifier toutes ces démarches car ça freine très clairement des jeunes à l’installation. Il faut des réponses très rapides pour pouvoir installer rapidement et instruire les dossiers dans les temps ». 
 
Cécile Bigot-Dekeyzer, préfète de l’Ain
Présence du loup : « 2023 est l’année de révision du plan national d’action en faveur de la préservation du loup et de la préservation du pastoralisme. A ce stade, le loup passe dans l’Ain, mais il ne s’installe pas. Il n’y a pas de meutes installées. Ce qui fait que oui, il y a de la prédation, mais elle reste contenue. Vous pouvez compter sur les services de l’Etat pour afficher la plus complète transparence sur ce sujet-là ». Influenza aviaire : « Les travaux d’expérimentation de la vaccination des volailles avancent et nous avons espoir pour l’automne prochain ».