SYNDICALISME
Made in Viande : de la viande locale au menu

Margaux Legras-Maillet
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Rendez-vous était donné mercredi dernier sur l’exploitation du Gaec SN2A à Foissiat pour un événement de promotion de la viande bovine aindinoise. Au programme, visite de la ferme et viande de burgers Viande des Pays de l’Ain, pour découvrir la filière locale. 
 

Made in Viande : de la viande locale au menu
À l’occasion des Made in Viande, élus et acteurs des filières bovine et porcine se sont réunis au Gaec SN2A à Foissiat. Photo/MLM

À l’occasion des Made in Viande, un événement national organisé sur une semaine par les interprofessions Interbev et Interporc pour promouvoir la viande française, Nicolas et Sébastien André, du Gaec SN2A à Foissiat, ont ouvert les portes de leur exploitation au grand public. Le matin, élus syndicaux, politiques et acteurs de la filière bovine ont martelé l’importance pour la souveraineté alimentaire de protéger l’élevage français et local. À l’instar de Justin Chatard, président des Jeunes agriculteurs de l’Ain : « Nous vivons une période compliquée avec de l’inflation et la hausse des charges. Il est vital que le coût de production soit intégré (dans les prix, NDLR) pour que les jeunes s’installent. Aujourd’hui l’élevage français est en danger et avec lui notre souveraineté alimentaire », a-t-il alerté. 
 
La rémunération des éleveurs : un enjeu de souveraineté alimentaire  
 
Parce qu’elle maintient l’installation des agriculteurs et leur activité, la rémunération des éleveurs est un enjeu de premier plan pour les acteurs de la filière bovine lorsqu’il s’agit de discuter la compétitivité de la viande française sur le marché. C’est précisément là que le bât blesse pour Jonathan Janichon, président de Viande des Pays de l’Ain (VPA) : « 2022 a été une année importante pour nos éleveurs avec des revenus retrouvés qu’on n’avait plus vu depuis dix ans. Malheureusement aujourd’hui, les difficultés reviennent », les cours ne suffisant pas à compenser la hausse des charges, notamment des coûts des matières premières. Dans une vidéo diffusée lors de l’événement, Romain Gobet, de la section bovine à la FDSEA, a également pointé du doigt la forte décapitalisation du cheptel bovin ces dix dernières années et le vieillissement des éleveurs dont plus de la moitié à plus de 55 ans selon lui. 
Pour maintenir les volumes malgré la décapitalisation, plusieurs filières, souvent plus rémunératrices pour les éleveurs, ont vu le jour ou se sont intensifiées, explique dans la même vidéo Nicolas Niel, responsable des achats chez Viande de Bresse. Avec 80 % d’approvisionnement régional (Auvergne Rhône-Alpes et Saône-et-Loire), pour plus de 800 bêtes vendues chaque semaine, la société a misé sur la diversification. Viande des Pays de l’Ain fait partie de ses fournisseurs. Créée en 2018, l’association réunit aujourd’hui quelque 65 adhérents-éleveurs bovins dont les animaux sont nés, élevés et abattus dans l’Ain. Par des contrats avec les abatteurs, Bovi-coop est elle aussi un exemple de développement de filière avec le Veau Bressou (voir encadré). 
 
4 M€ de soutien pour l’agriculture locale 
 
« Un vrai travail a été fait sur Viande des Pays de l’Ain », a félicité Clotilde Fournier, conseillère départementale du canton d’Attignat, avant de noter quelques « carences » en matière de volumes et de poursuivre : « Vous êtes en train de vous organiser, vous êtes tout jeunes. » La vice-présidente du conseil départemental a également rappelé le soutien du Département à l’agriculture. À raison de 3,7 millions d’euros (M€) à destination des partenaires tels que la Chambre d’agriculture, 1,2 M€ d’aide à l’investissement pour les acteurs du secteur. Des aides à l’électrification, des subventions au laboratoire départemental d’analyses sont également dispensées, le tout pour une enveloppe globale avoisinant les 4 M€. 
Outre des aides financières, le Département martèle l’efficacité de sa plateforme Agrilocal 01, première de France en termes de chiffre d’affaires. « 80 % des collèges du département s’approvisionnent sur la plateforme », poursuit Clotilde Fournier. La conseillère départementale, qui a bien reçu le message des acteurs de la filière quant à la nécessité de garantir une rémunération « suffisante » des éleveurs, regrette le manque de marge de manœuvre avec Agrilocal : « Il s’agit d’un marché à bon de commandes avec des prix fixes et on ne peut pas rémunérer selon la révision faite par le gouvernement. »
Le soir, une vente de burgers faits maisons et signés Viande des Pays de l’Ain était organisée dans la stabulation de l’exploitation. Pas moins de 350 burgers ont été vendus. 
 
Le local, un parti pris payant 
 
Le local est un parti pris, mais qui semble payant si l’on en croit Thierry Meuvret, responsable des achats boucherie pour la chaîne de magasins Migros. « Nous avions la volonté de proposer plus de produits locaux, mais il a fallu convaincre les magasins de vendre plus cher. Heureusement la Covid a rabattu les cartes et depuis les ventes n’ont jamais baissé », se réjouit-il. Migros vend aujourd’hui des produits Viande des Pays de l’Ain, Gigot’Ain ou encore du Porc de Savoie et surfe sur le « tourisme d’achat » en zone frontalière. 

Le veau Bressou, une filière de niche gage de qualité
Les veaux Bressou sont élevés au lait entier sur paille jusqu’à l’âge de 125 jours. Photo/MLM

Le veau Bressou, une filière de niche gage de qualité

Nicolas et Sébastien André se sont tous les deux installés à Foissiat en 2010, tout d’abord en double-activité. L’un en tant qu’éleveur, l’autre en grandes cultures. Ils ont créé le Gaec SN2A en 2017 et élèvent aujourd’hui 80 mères charolaises sur 200 ha de SAU, dont 90 de pâturages, le restant étant destiné à la culture du blé, maïs et tournesol. En s’associant, ils ont également fait construire deux bâtiments : un pour le stockage et un pour les veaux Bressou. Les deux activités se complètement, les deux frères engraissant leurs vaches avec 100 % d’aliments produits sur la ferme. Le ray-grass sert également de complément pour le foin l’hiver. « Nous vendons nos broutards à dix mois. Les femelles sont utilisées pour le renouvellement, celles réformées pour la viande. Avec des vêlages l’automne, nous travaillons sur une ration riche à base d’ensilage herbe et maïs). En rajoutant seulement un peu de blé dans la ration, nous arrivons à engraisser sans complément », explique Nicolas et André. 
Ils lancent leur production de Veaux Bressou dès 2017. Un élevage plus facile à gérer selon les deux frères : « On sait ce qui rentre et ce qui sort, ce n’est pas comme quand les vaches sont au pré. » Cette filière est aussi plus rémunératrice pour les éleveurs avec des marges brutes avoisinant les 300 à 320 €. Une filière qui s’est développée au cours des quinze dernières années. La marque du Bressou a été déposée en 2004, au départ pour valoriser les excédents de lait et ainsi valoriser les veaux mâles de la filière laitière. Ces veaux, de mère laitière et de père de race à viande (souvent Charolais sur Montbéliard), sont élevés au lait entier sur paille avec plus de 20 m2/veau. Ils sont mis en place à trois semaines/un mois pour 70 kg et restent en bâtiment jusqu’à l’âge de 125 jours pour 150 kg. Les éleveurs sont en capacité d’élever environ 300 veaux Bressou par an, à raison de lots qui ne doivent pas dépasser les 50 veaux/lots et quinze jours de vide sanitaire entre chaque lot. Chaque veau consomme environ 1 300 litres de lait durant toute la durée de sa croissance. Quant à l’origine du lait, pour les André, il provient de la coopérative Bovi-coop. Pour que la viande reste bien rose, c’est-à-dire pas trop chargée en fer, les veaux sont placés en bâtiment sur paille et deux prises de sang sont réalisées.